Le coronavirus fait sortir les préparateurs de l’ombre

Réservé aux abonnés
Publié le 27 avril 2020
Par Annabelle Alix
Mettre en favori

Par maladresse ou négligence, la gestion sanitaire du coronavirus a mis de côté le préparateur en pharmacie. Alors que la profession alerte les instances dirigeantes du pays sur ce manque de considération, certains préparateurs ont décidé d’agir pour être davantage reconnus.

Tous les jours, eux aussi sont confrontés aux malades. Les préparateurs en pharmacie sont en première ligne pour gérer la confusion et l’agressivité du public face au Covid-19. Ils composent avec leurs propres peurs et le manque de protections. Ils sont présents, professionnels, responsables, mais également angoissés. « Certains ont même déménagé pour ne pas risquer de contaminer leur famille au cas où ils auraient attrapé le virus », souligne Patrick Béguin, préparateur et formateur à la retraite, administrateur de la page Facebook « Le préparateur en pharmacie ». Pourtant, les préparateurs sont oubliés des discours des ministres, exclus des politiques de dotation en masques (1) ou des services de garde d’enfants ouverts aux autres professionnels de santé.

Face à ce manque de considération, certains préparateurs sont sortis du silence, soutenus par leurs employeurs. L’objectif ? Inclure leur profession dans les mesures de protection face au Covid-19 et obtenir la reconnaissance mér itée. La crise a aussi fait germer des projets inédits pour faire sortir de l’ombre et voir évoluer ce métier qui reste méconnu.

Des préparatrices montent au créneau

Elle s se nomment Christel Carol, Violaine Gransard, Stéphanie Menegon, Élodie Loubet, elles exercent leur métier de préparatrice à Foix, dans l’Ariège. Le 30 mars, elles ont uni leurs voix dans un courrier adressé au président de la République, Emmanuel Macron. Elles s’y insurgent. « Certaines circulaires concernant la dotation en masques prévoient des FFP2 pour les pharmaciens et des masques chirurgicaux pour les préparateurs ! C’était déjà le cas pendant la crise H1N1. Pourquoi ? Sommes-nous moins importants ? », ironisent-elles, avant de rebondir sur des considérations salariales : « Les pou voirs publics ont annoncé qu’à la sortie de cette crise, il y aurait une revalor isation de certains statuts, comme celui des infirmières… Nous espérons fortement que nous ferons partie de ce projet ». L’absence de considération envers les préparat e ur s d ur a nt la cr ise n’ a f ai t qu’exa – cerber les tensions qui secouaie nt déjà le métier, à cause d’un statu t à redéfinir, d’une reconnaissance jugée trop faible. Le gouvernement entendra-t-il ce cri d’alarme ? D’après un courrier de réponse de l’Élysée, reçu le 16 avril, la requête a été transmise au ministre des Solidarités et de la Santé. Le 9 avril, le sénateur de l’Eure, Hervé Maurey, a saisi ce même ministre d’une question écrite, pour des raisons identiques : noninclusion du préparateur dans les mesures de protection, statut du métier, question de la reconnaissance. La balle est désormais dans le camp du ministre Olivier Véran.(1)

Une future association au service du métier

Christel Carol est aujourd’hui en contact avec Patrick Béguin, longtemps très engagé à la CFE-CGC, un syndicat de salariés. Administrateur de la page Facebook « Le préparateur en pharmacie », qui réunit pas moins de 9000 préparateurs, ce dernier a lancé un appel à témoins dès le début de la crise, invitant les préparateurs à s’exprimer sur leur quotidien. L’idée était de « prendre une photo de la situation en officine à l’instant T, telle qu’elle était vécue par les préparateurs… Et de leur fournir un exutoire », confie Patrick Béguin. Bilan de l’opération ? 1 000 personnes supplémentaires sur la page Facebook et déjà 185 témoignages récoltés. Patrick Béguin a tapé dans le mille.

Publicité

À présent, il souhaiterait utiliser ces témoignages pour rédiger un livre blanc. L’idée est de mieux faire connaître la profession au grand public, de pointer son manque de reconnaissance. Il entend demander aux pouvoirs publics que les préparateurs puissent bénéficier d’une carte professionnelle, qu’ils utiliseraient sous certaines conditions en cas de crise sanitaire ou de pandémie pour accéder aux privilèges reconnus aux autres professionnels de santé.

Patrick Béguin projette également de monter une association, à l’image de celle qui existe pour les préparateurs hospitaliers (ANPPH). Guillaume Renaud, préparateur dans le centre de la France, est décidé à s’investir à ses côtés. « L’objectif serait de fédérer les préparateurs, via une adhésion, au sein d’une entité dont les missions seraient de promouvoir la profession, de l’informer, de définir une charte du préparateur, d’ouvrir les échanges sur les bonnes pratiques et d’organiser des groupes de travail pour les faire évoluer ». Intéressés par le projet ? Il est ouvert à tous les préparateurs motivés. Avis aux amateurs…

(1) Le dimanche 19 avril, Olivier Véran a annoncé que des masques chirurgicaux seraient distribués à de nouveaux professionnels, dont les préparateurs en pharmacie.

Les syndicats se mobilisent

La FSPF, syndicat patronal majoritaire, a multiplié les interventions.

Le 17 mars : interviewé sur Cnews, Philippe Besset, président de la FSPF, demande publiquement au ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, de considérer les préparateurs au même titre que les pharmaciens.

Le 19 mars : Philippe Besset envoie un courrier au ministre de la Santé, Olivier Véran. Il réclame la prise en compte des préparateurs dans les dotations en masques, l’accès pour eux aux services de garde d’enfants, leur éligibilité aux tests de dépistage.

Le 25 mars, sur Europe 1, Philippe Besset hausse le ton. Il se dit « absolument scandalisé que les préparateurs en pharmacie n’aient pas été considérés ».

Le 8 avril, la branche pharmacie de Force ouvrière, syndicat de salariés, prend le relais et sollicite à son tour, par courrier, le ministre des Solidarités et de la Santé.

Dernier acte en date, à l’heure où nous bouclons ce numéro (le 20 avril), un courrier a été adressé au ministère, signé des membres de la commission mixte paritaire de la branche de la pharmacie d’officine, qui réunit les syndicats d’employeurs, FSPF et USPO, et ceux de salariés.

Ce courrier commun aura-t-il plus de poids aux yeux du ministère ? Affaire à suivre…