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La formation en alternance est perfectible
Quels sont les intérêts de la formation en alternance pour les préparateurs en pharmacie ? Le métier a-t-il toujours besoin d’un temps important passé en entreprise pour apprendre, et quoi exactement ? Davantage d’enseignements théoriques et de la pratique dans une pharmacie expérimentale seraient-il pertinents ? Des acteurs du métier nous livrent leur vision.
Depuis le milieu du XIXe siècle, les aides pharmaciens, appelés préparateurs en 1907, ont toujours été formés au sein de l’officine. La création de leur statut et de leur diplôme en 1946, puis celle d’un CAP et d’un BP en 1948, ont entériné l’alternance comme voie royale pour former les préparateurs en pharmacie.
Le diplôme d’études universitaires scientifiques et techniques (Deust) de préparateur/technicien en pharmacie (voir Porphyre n° 580, novembre 2021) s’inscrit dans la lignée puisqu’il ne se fait que par l’alternance. Ce nouveau diplôme et la refonte engagée du BP sont des avancées de taille. Si une réflexion est menée sur la formation, pour l’heure, l’alternance demeure.
Apprentissage, contrat de professionnalisation ou Pro-A, l’alternance « permet de se former à un métier et de s’intégrer plus facilement à la vie et à la culture de l’entreprise. C’est un système de formation qui est fondé sur une phase pratique et une phase théorique qui alternent. C’est une véritable passerelle pour l’emploi et la formation professionnelle. » Voilà comment le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion parle de l’alternance.
L’apprentissage est « le fait d’apprendre un métier manuel ou technique », selon Le Robert, mais est-il encore adapté à l’heure où le comptoir a remplacé le préparatoire ? Toujours plébiscitée par les officinaux, l’alternance est toutefois perfectible. Accroître la pratique en CFA, étaler la formation sur trois ans, encadrer l’apprentissage en pharmacie ou transformer l’alternance en stages sont quelques-unes des alternatives envisagées.
Allonger la formation
État des lieux
Le programme de formation des préparateurs est dense. Et doit être assimilé en deux ans, alors que l’apprenti passe la moitié de son temps dans le tumulte de l’activité officinale. « Après deux jours de cours, j’enchaîne le reste de la semaine à la pharmacie, explique Virginie Molinié, en deuxième année de formation au BP, à Avignon (84). Je n’ai pas de temps pour réviser mes cours, hormis la nuit et les week-ends… » Certains CFA proposent un autre rythme, avec une semaine de cours et une semaine à l’officine. Un modèle qui n’arrange pas forcément les entreprises. « Une semaine, on les voit et celle d’après, on ne les voit pas. Ce n’est pas facile de s’organiser. La semaine partagée convient mieux car elle permet une régularité des jours de présence », confie Rodolphe Rappeneau, préparateur très investi dans la formation des apprentis à L’Isle-sur-Serein (89).
Selon Olivier Clarhaut, secrétaire général Force ouvrière (FO) pharmacie Nord-Pas-de-Calais, le rythme cours théoriques et présence à la pharmacie semble convenable… car il emporte l’adhésion des titulaires. « Si on augmentait le temps de formation à 600 heures au lieu de 450 (en première année, NDLR), aucun pharmacien ne signerait de contrat d’apprentissage. On entend déjà des titulaires dire qu’ils ne voient jamais leurs apprentis… »
Peu importe le rythme, il faudra toujours faire entrer 836 heures de cours sur deux ans, voire 1 040 heures pour le Deust, tout en travaillant à l’officine. Pourquoi ne pas étaler la formation sur trois ans ?
Ce qui est envisageable
« Au début des négociations sur la réforme du BP, nous souhaitions étaler les 1 200 heures de formation sur trois ans pour tous les apprentis préparateurs », rappelle Olivier Clarhaut. Un projet de licence est à l’étude, mais pour permettre à certains préparateurs d’acquérir des compétences en plus (voir Porphyre n° 580, novembre 2021) ! Sauf si les travaux en cours au ministère de la Santé sur la rénovation du BP et du diplôme hospitalier débouchent sur trois ans de formation pour tous. Pour l’heure, ce n’est pas le cas.
Plus d’enseignements dirigés
État des lieux
Malgré l’adaptabilité des CFA, le référentiel est dépassé. En officine, la charge de travail des équipes ne libère pas toujours assez de temps pour une formation active du préparateur in situ. Résultat, « les candidats n’ont pas toujours les compétences annoncées en sortant de formation », observe Stéphanie Satger, titulaire à Loriol-du-Comtat (84) et formatrice en CFA. Tout dépend de l’endroit où le jeune fait son apprentissage. Si, quand il sort un médicament, on lui demande “À quoi ça sert ? Qu’est-ce que tu aurais pu dire au patient pour accompagner la délivrance ?”, on le met un peu en situation, mais si ce n’est pas fait, il va bien falloir le former à l’école. Au CFA, il manque cette formation pratique de mise en situation. Les jeunes pourraient apprendre à manipuler des aérosols doseurs par exemple. Sur les anticoagulants, on pourrait faire des enseignements dirigés après la théorie. Comment délivrer ? Que dire au comptoir ? Faire ressortir les trois messages clés. »
Instaurer ces enseignements dirigés en CFA homogénéiserait les niveaux des apprentis, comblerait les lacunes, ferait le lien entre les cours et la pratique et permettrait à l’élève de s’entraîner. « En CAP coiffure, on travaille sur des têtes à l’école », note à juste titre une pharmacienne. Pourquoi ne pas mettre en place une pharmacie expérimentale dans tous les CFA ?
Ce qui est prévu
Bonne nouvelle ! Avec l’arrivée du Deust, « les pharmacies expérimentales vont voir le jour », annonce Philippe Denry, titulaire à Gondreville (54) et vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France. Des modalités d’enseignement pourraient être piochées à l’étranger, à l’instar des Pays-Bas, où des cours de conseil appelés « Drama » sont organisés. « C’est du théâtre. Deux heures par semaine, nous jouions les patients et les préparateurs. Il y avait tous les cas : le client gentil, celui qui perd le contrôle, celui qui ne comprend rien. Il fallait donner un conseil. Notre professeur de théâtre connaissait notre métier car il venait du milieu. On nous apprenait à nous comporter », explique Rachida El Hssaini, préparatrice formée aux Pays-Bas et l’une des responsables du préparatoire de la pharmacie Delpech, à Paris.
Encadrer la pratique
État des lieux
Former les maîtres
« L’apprenti n’est pas un employé normal, rappelle Stéphanie Satger. Il compte dans les effectifs, mais il est en train d’apprendre. Notre façon de communiquer, de lui transmettre l’information devrait être différente. » Former n’est pas inné. « Pourquoi ne pas instaurer une formation pour les maîtres d’apprentissage ?, propose Christelle Degrelle, préparatrice à Villeneuve-la-Guyard (89) et représentante CFE-CGC. La fonction doit être valorisée. » Stéphanie Satger suggère que « la formation des maîtres pourrait donner des clés sur la façon de transmettre. » En l’absence d’un accompagnement cadré sur le terrain, « les jeunes sont livrés à eux-mêmes pour apprendre », remarque Christelle Degrelle. « Il y a des apprentis qui s’intéressent, nuance Stéphanie Satger, mais d’autres se laissent porter. » Ce manque de zèle peut s’avérer dangereux. « Si l’équipe laisse le jeune ranger des boîtes toute la journée (sans le former, NDLR), il n’a aucune notion de danger en sortant de l’école, note Rachida El Hssaini. Quand tu lui demandes de peser 20 g de triamcinolone pour le mettre dans des gélules, il va le faire sans se demander si ça s’avale ou pas ! » Pour Rodolphe Rappeneau, « la plupart des apprentis ne savent pas chercher ».
Coopération renforcée
À l’instar d’autres apprentissages, le CFA pourrait fournir une trame des compétences à acquérir dans tel délai. « En ferronnerie, mon fils doit savoir fabriquer un portail au bout d’un an, raconte Christelle Degrelle. On pourrait exiger qu’après trois mois en officine, le jeune soit en binôme au comptoir à écouter, lire les ordonnances, observer la délivrance et qu’après huit mois, il sache tarifer. Il faut aussi le former à connaître ses limites. Il doit savoir dire “Là, je ne sais pas, je demande à un collègue”. » Christelle Degrelle propose que « les CFA communiquent davantage avec les élèves et les maîtres. Il serait bien de mettre le jeune en situation, comme en CQP, avec une ordonnance de la vraie vie et le faire évaluer par une commission professionnelle. » Un test bien plus pertinent que « le commentaire technique écrit, son ordonnance de trois lignes, les pages du Vidal photocopiées et presque une mise en exergue des phrases à dire au patient ! », ironise Rodolphe Rappeneau. Intervenir dans la notation de leur apprenti est réclamé par certains titulaires.
Ce qui est prévu
Les CFA ont déjà des contacts rapprochés avec les officines. L’enjeu est de créer une véritable coopération, et un guide d’apprentissage. « Avec le Deust, l’université va renforcer le contrôle de ce que le jeune fait en officine et qui comptera pour l’obtention de ses années, promet Philippe Denry. L’implication du jeune et du maître sera plus forte. » Concrètement, « il va falloir engager un réel travail sur le contenu du Deust et faire en sorte que l’expérience en entreprise soit considérée comme un véritable apprentissage des compétences, avec des cibles et des évaluations, développe François Couraud, conseiller scientifique et pédagogique auprès de la Directrice générale de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Il y a beaucoup de formations par l’apprentissage dans l’enseignement supérieur. Il faut s’en inspirer pour évaluer au mieux le professionnel. Il faut de vrais dialogues et des interactions fortes entre universitaires et professionnels sur cette question. »
Et pourquoi pas des stages ?
État des lieux
Une formation plus efficace ?
« Toutes les formations aux métiers médicaux et paramédicaux alternent cours et stages encadrés, pointe Stéphanie Satger. En école de kiné, par exemple, le jeune sait exactement ce qu’il doit savoir faire à la fin de son stage : recueil de l’analyse clinique, etc. » Les stages sont-ils plus efficaces pour acquérir des compétences sur le terrain ? Pour Rodolphe Rappeneau, « un stage à temps complet permettrait de mieux se plonger dans le travail. Avec l’alternance, il faut toujours un jour ou deux pour se remettre dans le bain après les absences. À chaque fois, c’est un peu comme un retour de vacances. L’évolution est plus linéaire avec un stage. Il serait plus facile de fixer tel ou tel objectif à la fin du mois. » Virginie Molinié est, elle aussi, favorable au stage : « En BTS diététique, la formule alternant cours et stages permet d’avoir un bon niveau bac + 2, des vacances scolaires pour réviser et des temps de stage pour se consacrer au terrain. »
Autre avantage, le stagiaire ne compte pas parmi les salariés, alors que l’apprenti est souvent considéré comme salarié avant tout. « La priorité, c’est d’être utile immédiatement. Il y a tellement à faire : livraisons, appels téléphoniques, administratif… », énumère Virginie. Ces tâches incombent-elles vraiment aux préparateurs ? La Covid est passée par là, amenant son lot de missions en plus. « Avant, l’équipe trouvait le temps de m’expliquer les choses. Le soir, j’avais parfois la force d’ouvrir mes cours, témoigne Virginie Molinié. Désormais, c’est impossible. À chaque allocution du président, le lendemain, nous sommes submergés d’appels, de rendez-vous pour un test antigénique ou tel ou tel vaccin. »
Découvrir plusieurs univers
La formule des stages permettrait de tourner dans plusieurs officines, d’appréhender différents publics et façons de travailler. Rien n’empêcherait d’instaurer les stages seulement la deuxième année pour mettre les acquis en pratique, une fois les connaissances assises. Aux PaysBas, nul apprentissage mais trois ans de formation à l’école, « avec la première année, cinq semaines de stage en officine, la deuxième année, cinq semaines de stage en officine et cinq à l’hôpital. Puis, la troisième année, dix semaines de stage à l’hôpital et dix en officine, ou ailleurs : maison de retraite, base militaire… », explique Rachida El Hssaini.
Ce qui est prévu
Pas de changement à prévoir. L’alternance demeure et la profession y est très attachée, tel Olivier Clarhaut, à FO : « On pourrait toutefois imaginer des conventions de stage permettant à l’apprenti d’exercer momentanément ailleurs pour acquérir d’autres compétences, comme cela se pratique en pharmacie hospitalière quand l’apprenti travaille dans un hôpital qui ne fait pas de stérilisation. » Rodolphe Rappeneau est sceptique : « Je ne suis pas sûr que les pharmaciens accepteraient d’accueillir un stagiaire. Ils sont attachés à la présence récurrente de l’apprenti, utile au quotidien. Ils ne sont pas dans la projection. »
Quand l’employeur envisage d’embaucher le jeune au terme des deux ans, l’apprentissage lui permet de bien le connaître, de le former, de le façonner selon ses besoins et à l’image de son officine. « L’apprentissage est aussi une garantie contre le chômage, rappelle Philippe Denry. Il régule les flux à l’entrée en formation car il faut trouver un maître d’apprentissage. L’insertion sur le marché du travail est aussi beaucoup plus facile qu’en sortant d’une école plus désincarnée. » Ce que confirme Mehdi Djilani, titulaire à Saint-Pierre-d’Oléron (17) : « Compte tenu du taux de chômage en France et de l’inadéquation emploi/formation, pour le coup, je trouve qu’on a un bon système. »
Fort de deux années d’expérience effective, le préparateur est à l’aise en arrivant en entreprise. « C’est une vraie valeur ajoutée par rapport à nous, pharmaciens, reconnaît Thibault Laurent, étudiant en pharmacie qui prépare sa thèse sur les préparateurs. Malgré les stages, les pharmaciens qui n’ont pas travaillé l’été ne sont pas à l’aise au comptoir, une fois diplômés. » Philippe Denry partage cet avis : « Quand vous venez, avec votre cartable, observer comment fonctionne l’entreprise et faire un petit rapport, cela n’a rien à voir avec le fait d’avoir signé un contrat de travail. L’implication est différente. » Comme sa vision « quand on ne fait que passer », ajoute Patrick Béguin, préparateur retraité et président de l’Association nationale des préparateurs en pharmacie d’officine (Anppo). L’alternant acquiert aussi un savoir-être. Il se responsabilise, apprend à communiquer avec le patient. « Il y a de plus en plus de chirurgie ambulatoire, avec des prescriptions en sortie d’hospitalisation à analyser. Cela s’apprend en regardant les autres faire. C’est de l’apprentissage informel », ajoute Patrick Béguin. Le salaire de l’apprenti permet à des jeunes aux moyens limités d’accéder à la profession. Même si « la voie attire de nombreux jeunes plus intéressés par le salaire que par le métier, regrette Rodolphe Rappeneau. Le CFA sélectionne les candidats sur leur niveau général alors que certains sont moins bons au test, mais très motivés et se débrouillent mieux en situation. » Avec le Deust et ses nouvelles exigences en termes de travail personnel, la sélection se fera-t-elle davantage sur la motivation ? L’avenir le dira.
témoignage
Laurent Filoche, 51 ans, titulaire à Blagnac (31), président du groupement Pharmacorp (340 membres), président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO, huit groupements et plus de 3 000 pharmacies), administrateur d’un CFA à Labège (31).
Que pensez-vous de l’alternance ?
J’aime bien transmettre et c’est une nécessité. Former des apprentis permet de voir ce que valent les gens. Je ne vois pas où apprendre la pharmacie ailleurs qu’en pharmacie. L’apprentissage relie la pratique professionnelle et l’acquisition des connaissances scolaires. Ces interactions sont bénéfiques. L’apprenti est un sujet de discussion et d’évaluation. On s’évalue aussi nous-mêmes ! Je forme pour la profession comme elle a formé pour moi les préparateurs qui sont là. Si tous ceux qui le pouvaient formaient, nous aurions moins de problèmes de personnel. Un alternant qui tourne dans plusieurs pharmacies pourrait être intéressant.
Certains de nos adhérents aimeraient bien « récupérer » des jeunes, leur expliquer leur vision différente du métier. Ce serait enrichissant pour l’apprenti et les pharmaciens qui ne veulent pas se lancer sur deux ans. L’apprenti est quelqu’un sur qui on peut compter, mais pas tout le temps. C’est un renfort pour l’équipe mais ce serait un mauvais calcul de le considérer comme une main-d’œuvre supplémentaire. Malheureusement, certains le font parce qu’ils n’ont pas le choix.
témoignage
Philippe Denry, 56 ans, titulaire à Gondreville (54), un adjoint et demi, quatre préparateurs, une apprentie et une rayonniste, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et enseignant au CFA de Nancy.
Quel est votre avis sur l’alternance ?
Je défends l’apprentissage et l’insertion dans l’entreprise. C’est à nous de former nos futurs collaborateurs. Il est important de se retrousser les manches, de les former et d’en avoir qui seront opérationnels dans deux ou trois ans. Sinon, à un moment, on n’en aura plus sur le marché du travail. C’est une voie fondamentale qui permet dès le début de plonger le jeune dans l’entreprise et de favoriser son insertion professionnelle. Quand vous avez un contrat de travail, votre patron peut vous faire une remarque sur vos horaires, votre tenue, votre comportement avec vos collègues, votre communication, etc. Je fais confiance à mes préparateurs et à mes adjoints, qui ont aussi envie de transmettre et de former. Parfois, ils sont plus sévères que moi. Ils ne veulent pas que l’image du métier soit dégradée, d’un « je-m’en-foutisme ». Certains apprentis ne connaissent pas la politesse, ne répondent, ni ne s’habillent correctement. L’officine est là pour le savoir-être. Si ce n’est pas le titulaire, ce sont ses collègues qui vont lui dire « Tu ne peux pas répondre comme ça aux gens ». Une grande partie des connaissances s’acquiert par le CFA et les cours. Le contrat d’alternance oblige les deux parties à s’impliquer. L’employeur a pour fonction de lui montrer que son futur métier est un travail d’équipe.
témoignages
Pierre-Olivier Variot, 52 ans, titulaire à Plombières-lèsDijon (21), quartier de bourg : trois adjoints, deux préparateurs et une secrétaire comptable, président de l’Union de syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).
Que pensez-vous de l’alternance ?
L’alternance est fondamentale. Je ne conçois pas la formation d’un préparateur sans alternance. Il y a un enseignement théorique mais la pratique s’acquiert au contact des autres professionnels. J’avais un cahier de suivi des apprentis, avec des notes et des appréciations dans chaque matière. S’il y avait une mauvaise note, je demandais à l’élève de ramener son cours pour qu’on le revoie ensemble. C’était mon rôle. Si je n’avais pas le temps, j’appelais le prof concerné pour qu’il revoie ce point mal maîtrisé avec l’élève. Le maître de stage est censé compléter et renforcer les connaissances. Depuis trois ans, je m’investis beaucoup dans l’activité du syndicat USPO, dont je suis président. J’ai dû réorganiser mon équipe en laissant plus d’autonomie et de responsabilités. Je ne pouvais pas leur demander de prendre en charge un apprenti, alors que je ne suis pas assez disponible. Une fois cette nouvelle organisation stabilisée, je reprendrai des apprentis.
Christophe Le Gall, 56 ans, titulaire à Angers (49), six préparateurs et six adjoints, président de Le Gall Santé Services, groupement d’une quinzaine de pharmacies, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), syndicat de titulaires.
Que pensez-vous de l’alternance ?
C’est très important car nous « fabriquons » nos collaborateurs. Qui de mieux que nous pour les former et les employer chez soi ou ailleurs ? C’est une contribution générale et particulière parce que nous avons besoin de personnes. L’alternance dépend du préparateur, de l’officine et du pharmacien. On ne peut pas imaginer que l’apprentissage se passe autrement car le pharmacien rétribue l’apprenti. Si demain, nous avons un diplôme universitaire et un pharmacien maître de stage rémunéré, on pourra reconsidérer les choses. Nous sommes ouverts à un système de stage. Est-ce que se déplacer serait mieux que d’être ancré dans une officine ? Je suis ouvert à la discussion car je n’ai pas de réponse affirmée. Il est anormal que le maître d’apprentissage ne puisse pas évaluer le travail de son apprenti.
Mehdi Djilani, 45 ans, pharmacien à Saint-Pierre-d’Oléron (17), deux pharmaciens, cinq préparateurs, une apprentie, une secrétaire et des saisonniers, président du réseau Totum Pharmaciens (environ 200 associés).
Que pensez-vous de l’alternance ?
Si on ne forme pas, il ne faut pas s’étonner de ne pas trouver de préparateurs. J’apprécie d’être « challengé » par les apprentis. Leurs remarques et leur jeunesse nous font évoluer. L’alternance est une force. Elle est un très bon moyen de former en mêlant formation pratique et formation théorique, et une chance de pouvoir trouver du travail. On y apprend l’organisation générale d’une pharmacie, l’accueil des patients, le travail en équipe, les bonnes pratiques professionnelles, et plus si on passe dans une officine avec un système qualité… Une des énormes forces aussi est d’avoir des élèves rémunérés. L’apprenti doit participer à la vie de la pharmacie, être à l’heure et respecter les règles. Contre une rémunération, il doit y avoir un minimum de travail. C’est parce qu’il fait sa part de boulot qu’il sera opérationnel rapidement après ses études. Et je trouve ça bien car des familles n’ont pas forcément les moyens de payer des études à leurs enfants.
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