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Fin du libre accès pour le paracétamol et les AINS ?
Le 3 octobre 2019, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a exprimé le souhait
Quels produits sont visés ?
Les produits oraux en libre accès contenant du paracétamol, de l’ibuprofène ou de l’acide acétylsalicylique, seuls ou associés à la caféine, la vitamine C, les anti-histaminiques H1, proposés en automédication comme antalgiques/antipyrétiques, y compris les spécialités anti-rhume. Les topiques, notamment les gels à base d’ibuprofène, ne sont pas visés. Plus de 80 spécialités de la liste actuelle des médicaments de médication officinale éligibles au libre accès sont concernées.
Pourquoi cette mesure ?
« Elle s’inscrit dans la continuité des mesures nationales pour sécuriser l’utilisation en automédication de ces produits », explique le Dr Philippe Vella de l’ANSM (voir Nos experts), qui fait notamment référence au pictogramme de danger en cas de surdosage et aux rappels de bon usage bientôt présents sur les conditionnements de médicaments à base de paracétamol. « En cas de mésusage, ils peuvent donner lieu à des effets indésirables graves. Le paracétamol est la première cause de greffe hépatique d’origine médicamenteuse. » Le risque de complications infectieuses sévères sous AINS (voir Repères) fait actuellement l’objet d’une étude européenne. L’exclusion du libre accès renforcerait la sécurité de leur usage en automédication, qui n’est pas remise en cause. « Cette mesure vise à modifier la perception des patients, qui tendent à banaliser ces produits, et à renforcer le conseil du pharmacien. »
Comment l’accueille la profession ?
« Cette mesure va dans le sens de la santé publique. C’est un signal fort pour que les usagers intègrent mieux que le médicament n’est pas un produit comme les autres », approuve Carine Wolf-Thal, présidente de l’Ordre des pharmaciens. Pour elle, renforcer le rôle de l’officinal et déployer davantage le dossier pharmaceutique serait par ailleurs plus efficace que les pictogrammes. « Ils peuvent être source de confusion pour les usagers quand ils sont inconstants. Ceux pour le paracétamol ne seront présents dans un premier temps que sur les spécialités avec une AMM française. Celui pour les femmes enceintes est apposé au bon vouloir des industriels. »
Et les industriels de l’automédication ?
Pour l’Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (Afipa), cette proposition est un retour en arrière. « On a des retours positifs du libre accès. Les études montrent que c’est une attente des Français et 72 % des pharmaciens ont fait le pari d’un espace dédié. L’ANSM revient sur ce pari », regrette l’Afipa, pour laquelle c’est aussi un contresens. « Le mésusage n’entre pas dans le champ de l’auto médication responsable. La délivrance d’un produit en libre accès reste dans le cadre sécurisé de l’officine. Elle ne signifie en rien l’absence de conseil. » Et de citer des solutions alternatives plus efficaces pour limiter les risques médicamenteux : « Promouvoir davantage le dossier pharmaceutique, qui est le meilleur outil de suivi et de traçabilité, et mener une politique active de prévention. Nous appelons de nos vœux des campagnes grand public sur le mésusage médicamenteux, mais cela reste sans réponse. »
Quand la mesure sera-t-elle effective ?
Avant toute décision définitive, les industriels peuvent s’exprimer durant la phase contradictoire jusqu’à la fin octobre. « Après l’analyse des retours, notre souhait est de parvenir à un retrait de produits du libre accès en janvier 2020 », précise le Dr Vella. « Normalement, l’exercice voudrait une concertation avec les industriels en amont. Nous allons déployer nos arguments, mais quelle marge avonsnous pour négocier et niveler une décision déjà annoncée ? », déplore l’Afipa.
Faut-il anticiper et retirer ces produits du libre accès à la pharmacie ?
« Nous communiquons de façon large et claire, mais donner des directives aux pharmaciens n’entre pas dans nos prérogatives », rappelle le Dr Vella. Une remise en cause globale du libre accès n’est pas à l’ordre du jour : « Cette mesure concerne les médicaments les plus utilisés en prescription ou en automédication, et qui peuvent donner lieu à des effets indésirables rares, mais potentiellement graves. Ce n’est pas le cas des autres spécialités éligibles au libre accès. »
(1) « Bon usage du paracétamol et des AINS : l’ANSM veut renforcer le rôle de conseil du pharmacien », Point d’information du 3 octobre 2019.
(2) « Paracétamol : l’ANSM lance une consultation publique pour sensibiliser les patients et les professionnels de santé au risque de toxicité pour le foie en cas de mésusage », Point d’information du 20 août 2018.
(3) Enquête de pharmacovigilance en 2018 à l’initiative de l’ANSM à la suite de signalements de complications infectieuses graves avec les AINS.
NOS EXPERTS INTERROGÉS
→ Dr Philippe Vella, directeur médicaments en neurologie, psychiatrie, anesthésie, antalgie, ophtalmologie, stupéfiants, psychotropes et médicaments des addictions à l’ANSM.
→ Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens.
→ L’Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (Afipa).
Repères
→ 2008 : libre accès au public autorisé pour certains médicaments de médication familiale. Liste des spécialités éligibles sur www.ansm.fr.
→ 2018(2) : le paracétamol est la substance la plus vendue en France. Sa consommation a augmenté de 53 % en 10 ans.
→ Depuis 2000(3) : 337 cas de complications infectieuses graves (pneumonies, etc.) liées à la prise d’ibuprofène, prescrit ou en automédication.
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