Léna passe à des antirétro viraux à action prolongée

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Publié le 27 septembre 2023
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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Léna D., 36 ans, séropositive, sous trithérapie avec une charge virale indétectable, veut simplifier son traitement. Après un mois sous Vocabria et Edurant par voie orale, elle va passer à la forme injectable.

Ce que je dois savoir

Législation

Les prescriptions respectent la réglementation, Vocabria et Rekambys sont des médicaments à prescription hospitalière délivrables en officine.

Contexte

C’est quoi ?

• Cette ordonnance prend en charge l’infection chronique par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Ce rétrovirus à ARN est doté d’enzymes telles la transcriptase inverse, qui transcrit l’ARN viral en ADN, et l’intégrase, qui permet à cet ADN de s’intégrer dans le génome de cellules infectées.

• Le virus infecte et détruit des cellules de l’organisme qui présentent à leur surface des récepteurs CD4, notamment les lymphocytes T CD4 présentes dans de nombreux liquides biologiques et tissus. Il colonise aussi les organes lymphoïdes où sont produites les cellules immunitaires, formant des réservoirs viraux qui ne répondent pas aux traitements disponibles.

• L’infection peut rester asymptomatique des années. Parfois, la personne séropositive, du fait d’une baisse de l’immunité, présente une plus forte susceptibilité aux infections.

• Sans traitement, l’infection évolue vers le stade de sida (syndrome d’immunodéficience acquise), caractérisé par des infections opportunistes : tuberculose, cancers…

Quelle prise en charge ?

• Elle repose sur une combinaison d’antirétroviraux afin de rendre la charge virale indétectable (voir Info+ page ci-contre), de prévenir le risque de transmission et de restaurer un taux de T CD4 supérieur à 500/mm3 pour prévenir les infections opportunistes et limiter l’infection.

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• Il est poursuivi à vie, sinon l’infection se développe à nouveau à partir des réservoirs viraux.

• La quantification de la charge virale et le nombre de lymphocytes T CD4 sont les témoins de l’efficacité.

Objectifs

• Maintien du succès virologique. Le traitement à libération prolongée n’est pas un traitement de première intention mais un « switch » (changement) pour Léna qui était stabilisée avec avec sa trithérapie antivirale. Il doit maintenir les mêmes objectifs de charge virale et de nombre de lymphocytes T CD4.

• Optimisation. Ces médicaments injectables à libération prolongée visent à simplifier l’administration qui se fera avec deux injections à un mois d’intervalle puis tous les deux mois au lieu des administrations orales quotidiennes. C’est un souhait de Léna, notamment pour limiter les prises et le transport de boîtes lors de ses déplacements à l’étranger.

Médicaments

Vocabria (cabotegravir)

Antirétroviral, inhibiteur de l’intégrase (INI) du VIH-1 qui empêche l’ADN viral de s’intégrer au matériel génétique de la cellule hôte et bloque ainsi sa réplication. Il est toujours utilisé en association à la rilpivirine, chez l’adulte virologiquement contrôlé (charge virale < 50 copies/ ml) sous traitement antirétroviral stable depuis au moins 6 mois ayant plus de 200 CD4/mm3.

Rekambys (rilpivirine)

Antirétroviral, inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse (INNTI) du VIH-1 qui empêche spécifiquement la transcription de l’ARN viral en ADN, seul capable de s’intégrer au génome de la cellule hôte.

Repérer les difficultés

• Les schémas d’injection. Rappeler que les trois premières injections se font à l’hôpital.

• Relais. Léna est actuellement sous traitement d’initiation oral par Vocabria et Edurant qui contiennent les mêmes molécules que le traitement injectable afin d’en vérifier la bonne tolérance. Le poursuivre jusqu’au jour de l’injection.

• Informer de la tolérance de délais entre deux injections et, si besoin, des alternatives.

• Conservation. Les deux produits n’ont pas les mêmes exigences en termes de conservation.

Ce que je dis à la patiente

J’ouvre le dialogue

« Avec le traitement injectable, une prise tous les deux mois vous facilitera le quotidien ! Le médecin vous a-t-il expliqué comment ça va se passer ? » vérifie les connaissances de Léna sur le schéma d’injection. « Vous avez rendez-vous à l’hôpital après-demain. Savez-vous comment prendre votre traitement oral jusqu’à l’injection ? » aborde le relais avec le traitement oral.

J’explique le traitement

Mécanismes d’action

Ces antirétroviraux injectables ont le même mécanisme d’action contre le virus que le traitement oral mais ils sont à libération prolongée. Le produit injecté est absorbé lentement par le muscle jusqu’à la circulation sanguine, ce qui permet une concentration plasmatique constante. L’efficacité des traitements injectables une fois tous les deux mois n’est pas inférieure aux multithérapies par voie orale(2).

Mode d’administration

• Les produits sont administrés en totalité en intramusculaire, dans le muscle fessier en deux sites distincts, l’ordre étant sans importance. Les conditionnements contiennent les seringues.

• Schéma. Une injection de chaque produit à un mois d’intervalle, puis tous les deux mois. Les trois premières se font à l’hôpital avec surveillance de quinze minutes, puis à l’hôpital ou à domicile par un professionnel de santé. Pas d’auto-administration.

Effets indésirables

• Réactions au point d’injection, céphalées et fièvre peuvent survenir dans la semaine suivant l’injection. Dépression, anxiété, insomnie voire idées suicidaires sont décrites chez 1 personne sur 10 ; Léna n’a pas ressenti ces effets lors de l’initiation mais elle doit consulter rapidement le cas échéant. Sensations de vertiges, nausées, diarrhées, éruptions cutanées, myalgies, fatigue et prise de poids sont fréquentes.

• Une surveillance par bilan hépatique périodique est recommandée sous Vocabria dont l’hépatotoxicité potentielle peut justifier l’arrêt du traitement. Avertir des principaux signes : nausées, vomissements, diarrhées, perte d’appétit, jaunissement de la peau, fatigue anormale.

J’accompagne

Le traitement

• Le traitement est injecté le dernier jour du traitement oral actuel, il faut donc le continuer normalement jusqu’au rendez-vous.

• Conserver Rekambys au réfrigérateur entre 2 et 8 °C ; remettre le flacon à température ambiante avant injection (< 25 °C), il peut être conservé ainsi 6 heures maximum. Vocabria se conserve à température ambiante (< 30 °C).

• Les inducteurs du cytochrome CYP3A (rifampicine, phénobarbital…) diminuent l’efficacité ; spécifier la prise du traitement à chaque prescripteur ; bannir la prise de millepertuis.

Hygiène de vie

• La grossesse n’est pas recommandée sous cette bithérapie en raison d’un risque de toxicité inconnu sur la reproduction. Il faut donc utiliser un moyen de contraception efficace.

• Réactions au site d’injection. Les hématomes ou douleurs peuvent persister deux à trois jours ; éviter les activités physiques intenses.

• Une flexibilité de +/- 7 jours existe entre deux séances d’injection. Sinon, un relais temporaire du traitement par voie orale est nécessaire.

• En cas d’arrêt du traitement, un antirétroviral oral doit être mis en place au plus tard dans les deux mois suivant les dernières injections.

Vente associée

Proposez des granules d’arnica 15 CH à prendre avant et après les injections.

(1) Le VIH en 2019, Les clefs pour comprendre, vih.org.

(2) Antirétroviraux « long acting » en injection : plus qu’un nouveau mode d’administration, vih.org, février 2022.

Prescription

Dr Yves C. Infectiologue Service des maladies infectieuses – CHU

Léna D., 36 ans, 68 kg, 1,64 m.

• Vocabria 600 mg, suspension injectable à libération prolongée 1 unité.

• Rekambys 900 mg, suspension injectable à libération prolongée 1 unité.

La patiente me demande

« J’ai mal à l’estomac après un repas trop épicé hier. Puis-je prendre quelque chose ? »

Ne prenez pas de médicaments qui réduisent la sécrétion d’acide gastrique, comme l’oméprazole, car ils peuvent diminuer l’efficacité d’Edurant que vous prenez actuellement. Les pansements gastriques, qui agissent localement, ne sont pas conseillés car ils peuvent diminuer l’absorption digestive de vos traitements s’ils sont pris simultanément. S’ils sont néanmoins nécessaires, respectez un délai de quatre heures minimum entre les prises.

Info +

→ La charge virale est le dosage de l’ARN plasmatique du virus qui est le meilleur marqueur de sa réplication dans l’organisme. Elle est exprimée en nombre de copies d’ARN du VIH par millilitre de plasma (cp/ml). Elle est dite indétectable lorsque la quantité de virus est inférieure au seuil détectable par les techniques de laboratoire (< 30 à 50 cp/ml).