Bad Vaxx : le jeu en ligne pour lutter contre la désinformation vaccinale

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Bad Vaxx : le jeu en ligne pour lutter contre la désinformation vaccinale

Publié le 22 août 2025 | modifié le 26 août 2025
Par François Gleize
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Des chercheurs ont lancé Bad Vaxx, un jeu en ligne conçu pour immuniser psychologiquement contre la désinformation sur les vaccins. Soutenue par l’Union européenne et les autorités sanitaires américaines, cette initiative s’appuie sur une étude parue en août 2025 dans Scientific Reports.

Face à la persistance du complotisme antivaccin, des chercheurs britanniques et américains de plusieurs grandes universités (Cambridge, Stanford…) ont développé une nouvelle arme : Bad Vaxx, un « serious game » mis en ligne le 18 août 2025, le même jour que la publication de l’étude validant son efficacité dans la revue Scientific Reports. Son objectif ? Former les joueurs à reconnaître les techniques de manipulation pour renforcer leur esprit critique.

Héros ou manipulateur ?

Gratuit et disponible en ligne, le jeu (en anglais) dure une quinzaine de minutes. Il propose aux participants d’incarner soit un « héros » qui lutte contre les manipulateurs, soit un « méchant », apprenti désinformateur qui apprend à propager de fausses informations.

Bad Vaxx repose sur une « théorie d’inoculation » psychologique : en exposant une personne à des versions affaiblies d’arguments fallacieux et manipulatoires, on renforce ses défenses cognitives pour qu’elle puisse résister à de futures tentatives de désinformation.

Plutôt que de contrer des « infox » spécifiques, le jeu entraîne à identifier quatre grandes techniques de manipulation très répandues, rendant l’outil adaptable face à l’évolution constante de la rhétorique anti-vaccins.

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  • Le récit émotionnel : utiliser des anecdotes personnelles et poignantes pour court-circuiter le raisonnement factuel.
  • La fausse expertise et la pseudo-science : mettre en avant de faux médecins ou des études sans aucune valeur scientifique.
  • Le sophisme naturaliste : prétendre que tout ce qui est « naturel » est inoffensif et supérieur à la science.
  • Les théories du complot : insinuer que les autorités cachent la vérité pour nuire à la population.

Une efficacité validée par la science

Pour mesurer l’efficacité de l’approche retenue par les chercheurs, l’étude publiée dans Scientific Reports a évalué le jeu auprès de plus de 2 300 participants. Les résultats sont probants : qu’ils empruntent le parcours « héros » ou « manipulateur », les participants améliorent leur capacité à discerner les contenus trompeurs, ressortent de l’expérience avec une plus grande confiance dans leur propre jugement et une moindre intention de partager des fausses informations.

Plus précisément, la capacité à identifier correctement la technique de manipulation utilisée dans une fausse information médicale augmente en moyenne de 5 à 6 %. Ce résultat, bien que modeste en apparence, est considéré comme « significatif dans ce contexte », notent les auteurs. A fortiori, pour une intervention qui ne dure que 15 minutes et qui est conçue pour être diffusée à très grande échelle.

Fait intéressant, la publication révèle que la version « héros » est légèrement plus efficace pour améliorer la propension des joueurs à partager des informations fiables et à ne pas relayer les contenus trompeurs. Le jeu ne rend donc pas simplement plus méfiant, il rend plus pertinent : les participants apprennent à identifier les contenus fallacieux sans dégrader leur confiance envers les sources fiables.

Une initiative face à « l’infodémie » planétaire

La crédibilité du projet est renforcée par ses multiples soutiens institutionnels, incluant le programme Horizon 2020 de l’Union européenne et les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) américains.

L’équipe de recherche, dirigée par Ruth Appel (Stanford) et Jon Roozenbeek (King’s College), a bénéficié de financements substantiels incluant 2 millions de dollars du CDC via l’American Psychological Association. Cette collaboration internationale illustre la mobilisation scientifique face à ce que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qualifie « d’infodémie ».

Le lancement de Bad Vaxx intervient en outre dans un contexte américain problématique. Selon l’université Johns Hopkins, les États-Unis font notamment face en 2025 à la pire épidémie de rougeole depuis trente ans, une crise que de nombreux experts lient à la diminution de la couverture vaccinale. Cette situation est exacerbée par les prises de position vaccinosceptiques de hauts responsables politiques, dont l’actuel secrétaire à la Santé, Robert F. Kennedy Jr.​​​​​​