Violences conjugales : ce que vous devez savoir pour repérer, écouter et orienter

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Violences conjugales : ce que vous devez savoir pour repérer, écouter et orienter

Publié le 29 juillet 2025 | modifié le 13 août 2025
Par Christelle Pangrazzi
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À l’heure où les pouvoirs publics multiplient les plans d’action contre les violences faites aux femmes, les pharmaciens sont appelés à jouer un rôle bien plus stratégique qu’ils ne l’imaginent. Ni juges, ni enquêteurs, mais témoins professionnels de la santé, ils peuvent, par leur posture, briser l’isolement des victimes. Décryptage d’un engagement discret mais essentiel.

Les violences conjugales ne relèvent ni de l’anecdote ni de l’intime. Chaque année, en France, plus de 200 000 femmes déclarent être victimes de violences au sein du couple, selon le ministère de l’Intérieur. Un chiffre en deçà de la réalité, tant le déni, l’emprise et le psychotraumatisme étouffent la parole.

« Les violences conjugales ne se résument pas aux coups visibles, elles s’inscrivent dans une stratégie de domination faite de pressions psychologiques, de menaces, de contrôles économiques ou sexuels », rappelle la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences (Miprof).

C’est précisément dans cette zone grise, celle des non-dits, des blessures inexpliquées, des ordonnances répétées, que le pharmacien peut intervenir, en proximité, sans posture inquisitoriale mais avec une vigilance aiguisée.

Le repérage, un acte professionnel à part entière

La fiche pratique diffusée par la Miprof et l’Ordre national des pharmaciens est limpide :

– attitudes craintives, gestes d’évitement, silences gênés ;

– blessures à répétition, troubles inexpliqués, addictions, troubles du sommeil ou de l’alimentation ;

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– conjoints intrusifs, dévalorisants, contrôlant la parole ou les papiers ;

Autant de signes qui doivent alerter, sans jamais entraîner un interrogatoire déplacé. « Il arrive que des patientes présentant ces symptômes soient victimes de violences. Est-ce votre cas ? » : une question simple, posée dans un espace de confidentialité, peut ouvrir une brèche.

Posture professionnelle : entre éthique du soin et obligation légale

La loi du 30 juillet 2020 autorise les pharmaciens à déroger au secret professionnel en cas de danger immédiat et d’emprise manifeste. Le signalement au procureur de la République devient alors possible, sous réserve d’avoir informé la victime.

Mais avant d’en arriver là, c’est le respect des fondamentaux qui prime :

écoute sans jugement ;

– refus des injonctions : « Pourquoi restez-vous ? » ;

– rappel des droits : “La loi interdit les violences, vous n’y êtes pour rien” ;

En clair, le pharmacien n’est ni confident ni conseil juridique, mais un professionnel ressource capable d’orienter, d’informer et de soutenir, dans un cadre sécurisé.

Une responsabilité collective, au cœur de l’officine

Au-delà de la relation interpersonnelle, c’est toute l’officine qui doit se préparer :

– diffusion d’affiches et de brochures disponibles sur arretonslesviolences.gouv.fr ;

information visible sur le 3919, numéro national d’écoute, disponible 24 heures/24 ;

– formation continue des équipes officinales à la posture d’accueil et d’orientation.

La démarche va au-delà du simple affichage : elle engage la responsabilité collective du réseau officinal, dernier maillon de proximité dans des territoires parfois désertés par les autres acteurs médico-sociaux.

Orienter, signaler, protéger : une logique d’action graduée

La fiche insiste sur le graduel de l’intervention :

– première étape : orienter vers le 3919, les associations locales ou la plateforme de signalement numérique ;

– deuxième étape : signaler, si nécessaire, en cas de danger immédiat ;

– troisième étape : protéger, via les relais médicaux, sociaux ou judiciaires ;

Le tout sans jamais déposséder la victime de son libre arbitre : elle reste décisionnaire, sauf situation critique mettant sa vie en danger.

Le pharmacien, vigie silencieuse du quotidien

Ce n’est pas un rôle de justicier que la République confie au pharmacien, mais celui, bien plus exigeant, de vigie discrète, ancrée dans le réel, capable de lire entre les lignes du quotidien.

En exerçant ce rôle, les officinaux s’inscrivent dans une chaîne de protection où chaque maillon compte. « Vous pouvez être aidée », cette simple phrase, dite au bon moment, peut enclencher un processus de libération et, parfois, sauver une vie.

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