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Foi de mycologue !
Adjointe et professeur associé au laboratoire de pharmacognosie et de mycologie de la faculté de pharmacie de Rennes, Célia Courtillon est passionnée par les champignons. Auteur d’une plaquette de prévention des intoxications, elle a pour ambition de former ses confrères et d’écrire un livre sur la mycologie. Chapeau !
Qui se souvient de la vague d’intoxications graves qui a déferlé dans l’Ouest en octobre 2006 ? « A l’époque, le climat était très propice à la cueillette, raconte Célia Courtillon. Il faisait beau et les gens sont sortis en forêt. C’est ainsi que 11 personnes ont été hospitalisées au CHU de Pontchaillou pour intoxication aiguë de type phalloïdien. Certaines ont été mises sous dialyse, d’autres ont subi une greffe du foie ! » En août de la même année, dans l’Est, et en Aquitaine au début du mois d’octobre, la préfecture avait signalé d’autres cas d’intoxications. « Il y a beaucoup à faire pour éviter ce genre d’accidents », insiste Célia, qui s’est trouvée confortée dans l’intérêt de voir des pharmaciens spécialisés en mycologie.
Diplômée en 1997 à Rennes, la jeune femme a découvert les champignons pendant ses études. « Cela a été une sorte de révélation, s’amuse-t-elle. Le champignon, c’est magique, ça fait appel à tous les sens. Il est associé à plusieurs disciplines. J’aime enfin ses couleurs et son côté éphémère. Au début, je les ramassais pour les déterminer. Ensuite, je me suis inscrite à la Société mycologique de Rennes pour rencontrer des mycologues qui m’ont alors initiée. » Inscription suivie par une adhésion à la Société mycologique de France. Indispensable. « Cela permet de lever la tête des livres, qui ne suffisent pas à bien connaître les champignons. Quand on s’engage dans la mycologie, on s’aperçoit que l’on ne connaît rien, tant c’est infini ! »
« La mycologie devrait faire partie de la formation continue »
La vie de Célia Courtillon s’organise autour du règne fongique. Quand elle n’exerce pas comme adjointe à Cesson-Sévigné, en Ille-et-Vilaine, elle est professeur associé au laboratoire rennais de pharmacognosie et de mycologie et consacre une grande partie de ses vacances au « chapeauté » ! Il y a quelques années, la jeune femme s’est impliquée trois ans de suite dans la formation des officinaux et de leurs équipes. A chaque rentrée universitaire, elle participe aux sorties étudiantes. « La mycologie n’est plus une priorité pour les pharmaciens et je pense que c’est par manque de temps. Dommage ! Elle devrait faire partie de la formation continue pour assurer la prévention des intoxications. » Car le champignon est dangereux aussi bien pour celui qui ne sait pas que pour celui qui croit savoir. Ainsi, lors de sorties avec le public, la pharmacienne a pu constater, non sans une certaine stupeur, que les gens pensaient savoir identifier parfaitement l’amanite phalloïde. A tort.
Elaboration d’une plaquette de prévention sur les intoxications
Célia Courtillon dirige actuellement la thèse de Violaine de Freslon sur les intoxications par les champignons. « Nous avons pris ensemble l’initiative d’élaborer une plaquette consacrée aux seules intoxications par les trois familles de champignons à risque dans le bassin rennais (amanites, petites lépiotes et cortinaires) et de la faire distribuer par les répartiteurs. » On sait depuis l’épisode de 2006 que « ces champignons contiennent une toxine qui met le foie hors d’état d’épurer le sang et qu’ils peuvent aussi endommager les cellules des autres organes, cerveau inclus ». Rien de moins ! Quand on apprend en plus qu’il suffit d’avaler à peine 30 grammes ou la moitié d’un chapeau pour causer la mort d’un adulte en bonne santé, on regarde les champignons d’un autre oeil.
Il existe au total 60 espèces et sous-espèces d’amanites. Quelques-unes sont comestibles. Comme deux précautions valent mieux qu’une, Célia Courtillon conseille, sur la plaquette, de toutes les rejeter. « Les gens ici ramassent les bolets, les lépiotes et les agarics », précise-t-elle. Les lépiotes ne sont guère plus franches de l’anneau, puisqu’elles doivent mesurer plus de dix centimètres de haut pour être comestibles ! Certains disent même qu’elles n’ont aucun intérêt gustatif. La plaquette préventive conseille là encore le rejet de la « lépiote rosissante », laquelle « plafonne » à moins de dix centimètres. Cette petite lépiote est mortelle et peut se confondre sournoisement avec le petit rosé. La troisième famille qui figure sur la plaquette – famille à rejeter aussi – concerne les cortinaires. Ses espèces sont au nombre effarant d’environ 2 500 ! Certaines sont comestibles, d’autres toxiques.
Une mission de santé publique pour le pharmacien
On comprend alors l’utilité de voir des équipes officinales spécialisées en mycologie. « J’aimerais assurer la formation de mes confrères dans ce domaine, même s’il y a quelques pharmaciens mycologues de renom. Quoi qu’il en soit, une mise à jour annuelle est un minimum indispensable pour assurer d’une manière fiable la détermination des champignons à l’officine. » Bien sûr, la majorité des pharmaciens a d’autres priorités de formations, comme l’orthopédie et le maintien à domicile, mais « la prévention des intoxications en période de poussée fongique leur appartient statutairement, c’est une de leurs missions d’acteurs de santé publique ».
Célia constate aussi que « le pharmacien, outre sa relative indisponibilité à se former, assure de moins en moins la détermination des champignons à l’officine, par manque de temps et par crainte de se tromper ». Pour redevenir le référent en mycologie qu’il était il y a encore quelques années, la plaquette de Célia Courtillon et Violaine de Freslon pourra les aider dans un premier temps ! Elle est d’ailleurs accompagnée d’un questionnaire qui permettra d’en évaluer les retombées.
« J’aimerais aussi écrire un livre qui s’adresse aux pharmaciens, leur donner des clés en mycologie pour qu’ils puissent s’adresser au grand public et faire de la prévention, d’autant que la mode est au retour à la nature, au manger sain. Et les gens pensent que, parce que le champignon est naturel, il est sans danger ! » Célia, elle, n’a qu’un rapport scientifique au champignon. Le poêler représente presque une hérésie : « Manger ceux que je trouve dans la nature ne me vient pas à l’esprit : c’est tellement beau ! »
Envie d’essayer ?
LES AVANTAGES
– Assouvir sa passion pour la mycologie à travers son exercice professionnel.
– Sortir du rôle de « déterminateur » de champignons et devenir acteur de santé publique dans la prévention des intoxications en période de poussée fongique.
– Devenir un référent en mycologie pour les clients de l’officine.
– Transmettre ses connaissances à son équipe et, pourquoi pas, assurer la formation mycologique de ses confrères.
LES DIFFICULTÉS
– Trouver le temps de se former.
– Puis convaincre les pharmaciens de l’utilité de se former en mycologie pour valoriser leur image vis-à-vis de leur clientèle.
– Investir de son temps pendant plusieurs mois pour l’élaboration d’une plaquette préventive.
LES CONSEILS DE CÉLIA
– « Pour bien communiquer son projet, il faut trouver des partenaires comme, dans le cas présent, des répartiteurs. »
– « Il faut également bien définir la population cible. Pour cette initiative, il s’agissait des cueilleurs de champignons. »
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