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A la recherche des rythmes du vivant
Porté par une planète qui tourne autour du soleil en 365 jours et sur elle-même en 24 heures, l’homme vit au rythme des jours, des nuits, des saisons et des années sans trop y réfléchir. Pourtant, en raison de leur adaptation à l’environnement, les êtres vivants expriment via leur patrimoine génétique des variations rythmiques que les chronobiologistes explorent.
Chez de nombreuses espèces animales, notamment les mammifères, existent des « horloges biologiques » ou « oscillateurs » qui régulent différents rythmes. On distingue les rythmes circadiens compris entre 20 heures et 28 heures, infradiens supérieurs à 28 heures et ultradiens inférieurs à 20 heures. Globalement, des sujets équilibrés aux rythmes biologiques stables sont dits synchronisés tandis qu’à l’opposé se situe la notion de désynchronisation. Et si la plupart des variations biopériodiques sont imprimées dans le grand livre de l’ADN, des agents environnementaux peuvent agir en tant que synchroniseurs ou désynchroniseurs. Il s’agit principalement de l’alternance lumière/obscurité, de la température et des horaires des prises alimentaires ainsi que des perceptions relatives aux principaux sens. Mais des hormones et diverses substances chimiques peuvent également jouer ce rôle. De nombreux travaux tournent autour de la mélatonine, dérivée de la sérotonine, qui se comporte comme un synchroniseur pour différents rythmes, notamment ceux de l’alternance veille/sommeil et de la température corporelle. Ces sujets de recherche ont fait l’objet de nombreuses communications lors du 34e congrès de la Société francophone de chronobiologie en mai dernier.
Quand huit mois deviennent une année…
« L’horloge biologique joue un rôle dans la synchronisation des fonctions biologiques, explique Fabienne Aujard, vétérinaire et chercheur au CNRS. A partir de paramètres tels que la densité osseuse chez la femme adulte, le déclin multisensoriel, l’évolution de la formule sanguine, la durée de vie pourrait être estimée. »
Une expérience de vieillissement accéléré a été menée sur le microcèbe (petit lémurien) dont la durée moyenne de vie en captivité avoisine huit ans. En soumettant ces primates à une alternance de lumière et d’obscurité plus rapide (traitement photopériodique) afin de raccourcir les cycles saisonniers, un décalage se crée entre l’âge chronologique et l’âge biologique. Ainsi, une période d’environ huit mois devient une année. « La comparaison avec des témoins âgés a montré un état similaire des capacités olfactives, du comportement locomoteur et de l’équilibre, détaille Fabienne Aujard. Mais alors qu’existe pour les sujets âgés et accélérés une baisse des lymphocytes sanguins, les granulocytes, par contre, n’augmentent que chez les premiers. »
A l’INRA de Tours, Benoît Malpaux, vétérinaire, expérimente les traitements photopériodiques et la mélatonine chez les caprins et les ovins. « Une autorisation de mise sur le marché existe pour des implants de mélatonine à usage vétérinaire qui sont très utilisés. En induisant plusieurs saisons sexuelles consécutives, ils permettent de pallier à une concentration des naissances entre février et avril ».
Côté humain, tous les pharmaciens savent que les molécules médicamenteuses évoluent selon une cinétique particulière. L’absorption d’une molécule, sa concentration maximale, sa demi-vie, sa biotransformation et son élimination accompagnent son efficacité et sa toxicité. Mais en fonction de l’heure d’administration ces facteurs peuvent varier. Voilà pourquoi les chronobiologistes se penchent sur les notions de chronotolérance, chronoefficacité et chronotoxicité.
L’aspirine est plus efficace le matin
D’après Alain Reinberg qui dirige le laboratoire de chronobiologie de la Fondation Rotschild : « L’expression d’un effet pharmacologique dépendra de ce que la cellule est capable de faire, suivant son programme circadien, au moment où l’agent arrive à son niveau. » Et cela implique des facteurs aussi variés que le fonctionnement hépatique et rénal, l’âge ou le sexe. La chronothérapie existe déjà, notamment en cancérologie et en diabétologie où l’administration individualisée et optimisée des médicaments se fait à l’aide d’injecteurs programmables. Grâce aux travaux des chronobiologistes, nous savons que les corticoïdes doivent être préférentiellement administrés le matin vers 8 heures au moment du pic de cortisol et en début d’après-midi plutôt que le soir où ils peuvent s’opposer aux mécanismes physiologiques. De même les anti-ulcéreux type cimétidine semblent plus efficaces lorsqu’ils sont administrés le soir entre le dîner et le coucher. C’est également le cas des dérivés de la théophylline. Le rythme circadien du calibre bronchique passe par un minima entre 21 heures et 5 heures alors que l’histamine libre est maximale et que le cortisol se trouve au plus bas. Une prise vespérale de théophylline retard ou une répartition des doses du type deux tiers le soir/un tiers le matin améliore le traitement de l’asthme.
Quant à l’aspirine, sa tolérance augmente en fin de journée mais son efficacité croît le matin, période où le sang est moins fluide. Pour certains anti-inflammatoires non stéroïdiens comme l’indométacine et le kétoprofène retard, les effets secondaires baissent avec une prise le soir. Selon Alain Reinberg, l’efficacité du second serait identique en prise matinale ou vespérale mais, en fonction des symptômes douloureux et des signes inflammatoires, médecins et pharmaciens peuvent réfléchir à une individualisation du traitement. Autre exemple, les signes d’allergie ORL et d’éternuements apparaissant souvent au réveil, il semble préférable de prendre les antihistaminiques aux alentours de 20 heures d’autant plus que les anti-H1 ont surtout un rôle préventif.
Le pharmacien peut aussi donner à ses clients globe-trotters des conseils relatifs à l’atténuation des méfaits du décalage horaire (jet-lag). Par exemple, après un vol France/Californie, six à sept jours sont nécessaires pour resynchroniser les rythmes. Quand l’arrivée se fait la nuit, il faut se coucher et essayer de dormir, alors qu’après un atterrissage diurne le voyageur doit se promener en pleine lumière, puis prendre ses repas aux heures locales et dormir à la nuit venue.
Certains équipages de longs courriers prennent de la mélatonine afin de stabiliser leurs rythmes biologiques mais cette neuro-hormone n’est pas commercialisée en France.
Le long parcours de la chronobiologie
Le concept de rythme biologique prend corps dès l’Antiquité. Hippocrate avait ainsi observé que l’apparition de certaines maladies était étroitement liée à la succession des saisons.
Au 18e siècle, on mesure l’évolution du poids corporel de l’homme adulte au cours de la journée et l’on suppose que toute altération de ce rythme régulier est un signe révélateur de maladie.
En 1815, Julien-Joseph Virey, naturaliste et anthropologue, s’appuyant sur ses travaux en chronopharmacologie formule l’hypothèse d’une horloge interne pour expliquer la régularité des rythmes biologiques. Il a remarqué que les médicaments n’ont pas les mêmes effets selon le moment de la journée auquel ils sont administrés.
Ce n’est qu’au cours des années 1930 que l’existence d’une « horloge biologique interne » est démontrée, même si elle reste dépendante de facteurs environnementaux. N.F.
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