Stand-by pour le médicament

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Publié le 8 janvier 2005
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Pour venir en aide aux victimes du tsunami, des tonnes de médicaments ont été récoltées en France. Mercredi, elles étaient encore stockées à l’aéroport de Colombo, au Sri Lanka. Les ONG, qui en appellent toujours à la solidarité, n’ont qu’un mot d’ordre : ne pas ajouter du désordre à la catastrophe.

Environ 150 000 morts, des millions de réfugiés privés d’abri et de vivres, un possible doublement du nombre des victimes à cause des épidémies. Pour faire face au cataclysme qui a frappé l’Asie du Sud le 26 décembre, l’action humanitaire pharmaceutique s’est bien évidemment organisée. Néanmoins, mise à part la fourniture de produits essentiels tels les antibiotiques ou les solutés de réhydratation, le médicament n’a pas été la priorité dans la course contre la montre qui s’est engagée sur le terrain. Les ONG de première urgence (Croix-Rouge internationale, UNICEF, MSF…) se sont mobilisées avant tout sur la purification de l’eau, la distribution de nourriture, de bâches…

« Nous distribuons des jerrycans et des tablettes de purification. Le plus gros souci des populations est celui du stockage de l’eau », explique Graziella Godain, directrice adjointe des opérations MSF en Asie du Sud-Est. L’ONG a envoyé 40 tonnes de matériel médical et sanitaire à Colombo, au Sri Lanka. « Mais aujourd’hui, c’est encore l’aide des populations locales, appuyée par les différent gouvernements, qui se révèle la plus efficace. »

L’élan mondial de solidarité est pourtant sans précédent. A tel point que MSF, après avoir reçu 50 millions d’euros de dons (sur le plan international), a suspendu la collecte d’urgence. « Nous disposons de fonds largement suffisants pour intervenir durant toute l’année 2005 », confie Graziella Godain. Une démarche isolée. L’OMS a réclamé mercredi 60 millions supplémentaires (et l’ONU 977 millions de dollars) en prévention des épidémies, et les organisations qui interviennent dans un second temps sur de longues durées ont, elles, plus que jamais besoin de dons. Tel est le cas, au sein de la profession, de PHI (Pharmacie humanitaire internationale) et de PSF-CI (Pharmaciens sans frontières-Comité international).

Créer une chaîne de solidarité pharmaceutique.

« Quatre pharmaciens se trouvent actuellement au Sri Lanka dans une optique d’évaluation et de répartition des besoins, en concertation avec toutes les ONG et les autorités locales, informe Ghislaine Soulier, responsable de la communication de PSF-CI. Notre objectif est de rétablir les circuits d’approvisionnement du médicament et d’aider à la reconstruction des centres de santé en privilégiant les collaborations locales. Par exemple, il faut rappeler que l’Inde et la Thaïlande produisent des médicaments essentiels génériques et qu’il est donc absurde de dépenser des sommes considérables en transports internationaux pour acheminer des produits disponibles sur place ! »

PHI annonçait, mardi, déjà 50 000 euros de promesses de dons. « Pour le moment seul un envoi est prévu dimanche pour le Sri Lanka, avec Aviation sans frontières : deux millions de comprimés pour purifier l’eau, des antibiotiques, du nifuroxazide, du paracétamol, des sels de réhydratation… Le consulat du Sri Lanka à Paris souhaite par ailleurs nous commander des médicaments », indique Marie-Agnès Cros, directrice générale de PHI. L’association envisage également d’acheter ultérieurement des médicaments essentiels sur place, probablement en Inde.

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Des syndicats relaient actuellement les affichettes distribuées par PHI. L’Ordre invite, lui, les pharmaciens à apporter leur soutien à PSF-CI. Objectif : créer une véritable chaîne de solidarité pharmaceutique où les officinaux sont chargés de réunir les dons de leur clientèle. Pour le moment, une chose est sûre : toute collecte de médicaments est inutile voire néfaste. « Les envois personnels de MNU posent d’énormes problèmes de contrôle qualité, entraînent des coûts de destruction et peuvent déstabiliser l’économie précaire d’un pays ou d’une région en créant des marchés illicites », martèle-t-on chez PSF-CI. « Empêchons d’ajouter du désordre à cette catastrophe », résume Marie-Agnès Cros. Si ce n’est déjà fait… Une pharmacienne thaïlandaise a d’ailleurs confié ses inquiétudes à PSF-CI à propos de dons intempestifs de médicaments. « L’Organisation mondiale de la santé est obligée d’organiser des contrôles aux frontières pour freiner l’exportation non officielle de médicaments », confirme Ghislaine Soulier.

L’industrie pharmaceutique s’implique.

Les autorités sri-lankaises ont demandé dès le 28 décembre l’aide des industriels français – dont les efforts sont coordonnés par l’association Tulipe -, notamment pour la fourniture de tablettes de purification d’eau, de paracétamol, d’aspirine, d’antibiotiques, de matériel de suture, de seringues et de solutés de réhydratation.Certains laboratoires comme Sanofi-Aventis et GSK ont fait savoir qu’ils prenaient des initiatives personnelles (avec respectivement des envois de 6 et 10 tonnes de médicaments de première nécessité).

Quatre tonnes de médicaments ont été envoyées la semaine dernière et deux pharmaciens salariés de Tulipe sont partis à Colombo mercredi. « L’idée aujourd’hui, c’est que nos pharmaciens reconnaissent toutes les palettes de médicaments (quelle que soit leur origine), de les empaqueter par catégorie thérapeutique, de recenser ces informations sur un ordinateur portable et de les fournir aux autorités du pays. Ensuite, il s’agira d’évaluer les besoins sans oublier ceux des patients chroniques », insiste Robert Sebbag, président de Tulipe.

Cinq ou six pharmaciens supplémentaires de différents laboratoires doivent rejoindre leur deux confrères de Tulipe pour assurer ces missions. Mais, à l’heure actuelle, l’aide humanitaire se heurte à un véritable problème de logistique, au départ de l’aéroport de Colombo.

Pas d’envois individuels.

« Tous les envois pour l’Indonésie et le Sri Lanka y sont centralisés, les avions pouvant difficilement atterrir à Sumatra. Le stockage en douane se retrouve totalement saturé », indique Graziella Godain. Le ministère des Affaires étrangères français aurait suspendu ses négociations avec les répartiteurs. Probablement en attendant le déblocage de la situation.

« Ce sont les initiatives individuelles qui engorgent les secours d’urgence. L’ONU demande en fait de ne pas multiplier les actions qui ne sont pas contrôlées », commente de son côté Alain de Tonquedec, responsable de la communication pour l’Ordre de Malte. Connu dans le milieu pharmaceutique pour la collecte de médicaments, l’Ordre de Malte tient depuis des années des léproseries et dispensaires en Inde, Thaïlande et Sri Lanka. Une proximité qui lui a permis d’être immédiatement opérationnel et de remplir une condition cruciale dans la crise actuelle : cerner les besoins réels et travailler avec les associations et la population locales.

Concernant les médicaments, des distributions ont déjà eu lieu au niveau des dispensaires sur place mais aussi à partir des envois de produits de collecte (analgésiques, antibiotiques, anti-infectieux, antiseptiques, appareils respiratoires, antianémiques…), en respectant les demandes de l’ONU ou des autorités locales. « Dans le cadre humanitaire, nous avons l’habitude de ne réexpédier que 7 à 10 % des médicaments que nous récupérons. Il faut faire très attention !, insiste Alain de Tonquedec. Arriver la main sur le coeur ne sert à rien. Il faut répondre à des demandes et des besoins précis. » Un message à faire passer absolument.

Les menaces épidémiques

Le spectre des épidémies infectieuses inquiète l’OMS. Mais, contrairement à une idée reçue le danger n’émane pas des cadavres. Ce sont le déplacement des populations, leur regroupement dans des conditions précaires avec un accès insuffisant à l’eau potable qui représentent le plus gros risque sanitaire. Avec en premier lieu la menace du choléra, entraînant très rapidement la déshydratation de l’organisme. Parmi les autres maladies à redouter : la fièvre typhoïde, la shigellose, l’hépatite A et E, le typhus et, dans une moindre mesure, la dengue et le paludisme. D’après les responsables de MSF, les risques semblent modérés. L’heure est avant tout à la surveillance (deux épidémiologiste de l’INVS sont actuellement en mission exploratoire) et à l’approvisionnement en eau potable.

A noter : Les dons au-delà de l’urgence

Si l’arrêt de la collecte de dons par MSF lundi a pu semer le doute dans l’esprit du public, les associations qui auront à gérer l’après-catastrophe durant des mois, voire des années, continuent à faire appel à la solidarité. C’est même sur le long terme que des fonds seront désormais nécessaires.

Vous trouverez une liste non exhaustive de telles structures sur : http://www.moniteurpharmacies.com/infos/dons_Asie.htm.