Épisode 44 Crise de goutte pour Edmond Lambert

– Mylène, la petite fille de M. et M^me Lambert : Allo mamie ? Comment ca va ? Il paraît que papi a une nouvelle crise de goutte ?

– Madame Lambert : Oui ! Enfin le D^r Philippe passe tout à l’heure… Mais ça en a tout l’air ! Et ça lui fait encore plus mal qu’à la dernière crise… Il peut à peine poser le pied par terre…

– Mais depuis quand a-t-il si mal ?

– Ça a commencé cette nuit brutalement. Il ne supportait même pas le poids du drap sur son pied !

– Ce n’est pas de chance… Je te rappellerai ce soir pour avoir des nouvelles !

En fin de matinée, au domicile de M. et M^me Lambert

– Edmond Lambert : Bonjour docteur,

– Docteur Philippe : Bonjour monsieur Lambert. Ca a commencé quand cette crise ?

– Cette nuit… Et alors ça fait mal ! J’ai mis de la glace comme vous m’aviez dit la dernière fois et j’ai pris du Doliprane, ça je sais que j’y ai droit avec mon Préviscan, mais si vous aviez quelque chose de plus fort !

– Montrez-moi votre pied… Votre articulation est gonflée et rouge. Cela vous fait mal là ?

– Ouh là oui !

– Vous avez mangé plus de viande que d’habitude ces derniers temps ou des fruits de mer ? Quelques excès ?

– Ah forcément on revient de 3 jours en Alsace…

– Hum je crois que vous n’avez pas vraiment suivi mes conseils… : pas de bière, pas d’alcool fort, pas trop d’aliments riches en purines comme la viande ou les fruits de mer, pas d’excès alimentaires…

– Mais j’ai pris de la bière sans alcool !

– Oui mais la bière sans alcool est riche en fructose. Comme les sodas, elle est déconseillée car elle favorise la goutte…

– C’est que ce n’est pas facile, docteur…

– En tout cas, c’est une belle crise de goutte… On ne peut pas vous donner d’anti-inflammatoires à cause de votre traitement anticoagulant, mais je vais vous prescrire un autre médicament très efficace : la colchicine.

– Ah j’ai l’impression que mon frère en a pris !

– Ça ne m’étonnerait pas… Il y a un facteur familial dans la goutte. Du côté de votre anticoagulant, de quand date votre dernière analyse ?

– Oh, c’est récent… 15 jours. Voilà le résultat…

– INR à 2,55, c’est parfait de ce côté-là. Pour la crise de goutte, il va falloir que vous commenciez tout de suite le traitement : 1 comprimé ce midi et un autre ce soir. A partir de demain, un seul comprimé par jour.

– Et ça va vraiment me soulager avec un seul comprimé ?

– C’est un médicament très efficace mais il ne faut surtout pas dépasser les doses.

– Et ça ne donne pas la diarrhée ? J’ai un souvenir de mon frère qui s’en plaignait l’été dernier…

– Si tout à fait. Mais si vous avez de la diarrhée, c’est qu’il faut diminuer la posologie… Donc vous m’appelez au cabinet dans ce cas… Je vous mets une dose de colchicine pas trop forte parce que vous avez un début d’insuffisance rénale, donc les reins fonctionnent moins bien pour éliminer le médicament…

– Dites tout de suite que la machine est détraquée !

– Ah vous ne rajeunissez pas monsieur Lambert… Comme tout le monde d’ailleurs.

Je pense qu’après la crise, on commencera un traitement de fond par allopurinol. Mais vous ferez d’abord une prise de sang pour vérifier votre taux d’acide urique. Et on va recontrôler la fonction rénale. Votre femme va pouvoir aller vous chercher le médicament ?

– Oui, la pharmacie est juste en bas.

– Alors tenez-moi au courant, et surtout continuez à mettre de la glace régulièrement. C’est très bien la poche de froid que vous avez là… 20 minutes 3 à 4 fois par jour…

A la pharmacie

– Madame Lambert : Je viens chercher ces médicaments pour mon mari. Il a une crise de goutte. Et cette fois ci c’est une crise vraiment très douloureuse…

– M^r Médoc, le pharmacien : Voyons, Colchicine… Je vais vous chercher la boîte…

– Mais expliquez-moi, c’est quoi la goutte, exactement ?

– Ce sont des cristaux d’acide urique, qui cristallisent dans une articulation, le plus souvent celle du gros orteil. La crise débute souvent la nuit car l’abaissement de la température favorise la précipitation des cristaux.

– Ah oui, c’était cette nuit…

– Vous avez la carte Vitale de votre mari ?

– La voilà

– C’est bien ce qu’il me semblait. Il prend Previscan, de l’atorvastatine, et pour la tension, de l’indapamide et du périndopril. C’est curieux que le médecin ne lui ait pas supprimé le diurétique. Peut-être n’a t-il plus pensé qu’il était sous indapamide ? Je vais l’appeler.

Au téléphone :

– M^r Médoc : Allo D^r Philippe ?

– D^r Philippe : Lui-même !

– C’est la pharmacie des Champs Fleuris. Je vous appelle au sujet de M. Lambert. J’ai la prescription de Colchicine mais il est sous indapamide et périndopril, peut-être faudrait-il supprimer le diurétique qui risque de favoriser les accès de goutte ?

– Ah oui je n’avais plus son traitement antihypertenseur en tête. Il est à quel dosage ?

– Il a un générique de Préterax, donc 2,5 mg de périndopril et 0,625 mg d’indapamide.

– Alors il va prendre à la place du périndopril 5 mg. Et dites à sa femme de m’appeler pour me tenir au courant, surtout si son mari souffre de diarrhée… On ne peut pas le laisser sans traitement pour sa crise de goutte, mais la colchicine chez le patient âgé je n’aime pas trop ça…

A la maison

– Le pharmacien m’a bien rééxpliqué et m’a donné un tableau de ce qu’il fallait prendre. Regarde : Colchicine, un comprimé tout de suite et un ce soir. Et à partir de demain 1 par jour.

Le périndopril 5 mg, c’est un comprimé par jour, à la place de celui que tu prenais pour la tension. Et le Previscan toujours pareil, ¾ alterné avec 1. Et tu dois refaire un INR mercredi prochain.

– Donne-moi un verre d’eau, je vais prendre le médicament de la goutte tout de suite.

– Le pharmacien m’a redit qu’en cas de diarrhée, il fallait contacter immédiatement le médecin. Et aussi qu’il ne fallait pas laisser trainer les boites quand on a les petits qui viennent à la maison ! §

Nous remercions le D r Brice Le Taillandier pour son aimable relecture. Sources : « Risques de surdosage grave de la colchicine – Rappel des règles de bon usage », point d’information ANSM du 21/09/2016, ansm.sante.fr ; « Colchicine dans la goutte : usage et mésusage », Gérard Chalès, La Revue du praticien Vol. 67_ novembre 2017, pages 935-940 ; « Conseils à suivre : les règles hygiénodiététiques », crisedegoutte.fr

• Le traitement d’un accès aigu de goutte, toujours très douloureux, doit être débuté le plus tôt possible après le début de la crise. Outre l’application de froid, le traitement repose sur les AINS ou la colchicine, traitement spécifique de la goutte.

• La colchicine est un médicament à marge thérapeutique étroite. La posologie est de 1 comprimé à 1 mg par jour avec une exception à 2 mg les trois premiers jours de traitement de l’accès de goutte (jamais plus chez le patient de plus de 75 ans).

• Les nausées, vomissements et diarrhées sont les premiers signes d’un surdosage par colchicine. La posologie doit alors être diminuée à 0,5 mg de colchicine (1/2 comprimé) par jour.

• Colchimax associe de la poudre d’opium à la colchicine pour éviter la diarrhée, mais cette spécialité peut masquer les premiers signes de surdosage en colchicine.

• Le régime est primordial : éviter la consommation d’alcools forts, de bière (même sans alcool), d’aliments riches en purines (viandes), de sodas (présence de fructose).

• Un traitement de fond hypo-uricémiant permet d’éviter la répétition des crises (allopurinol ou febuxostat) mais ne peut être débuté qu’à distance d’un accès de goutte (15 jours après guérison). Il sera associé à la colchicine en début de traitement, pour éviter les accès douloureux dus à la mobilisation des cristaux d’urates à partir des dépôts tissulaires.