Un patient souffrant d’une toux sèche depuis 15 jours

Réservé aux abonnés
Publié le 23 août 2008
Mettre en favori

Ce que vous savez du patient

– Patient occasionnel de la pharmacie, M. V. est venu il y a 10 jours pour renouveler une ordonnance de Zocor 20 mg. Il avait alors demandé un antitussif pour calmer des quintes de toux nocturnes, sans fièvre.

Ce dont le patient se plaint

– La toux ne cédant pas malgré l’antitussif et le gênant la nuit (il en vient même à avoir du mal à retrouver son souffle), M. V. a fini par consulter un médecin (autre que son médecin habituel, en vacances) 15 jours après le début de ces symptômes.

Ce que le médecin lui a dit

– Les symptômes de M. V. sont évocateurs d’une coqueluche. En attendant le résultat des examens microbiologiques (mise en culture après aspiration nasopharyngée à la recherche de Bordetella pertussis), le médecin a prescrit au patient un traitement antibiotique. La maladie étant contagieuse, il lui a prescrit un arrêt de travail d’une semaine.

– Les questions du médecin n’ont pas mis en évidence d’individus contaminants dans l’entourage du patient. Ce dernier ne fréquente pas non plus de personnes à risque (nourrissons) susceptibles d’avoir été contaminées et chez qui la coqueluche peut être grave. En l’absence d’amélioration des symptômes cliniques dans les 7 jours ou en cas d’apparition d’un état fébrile, le patient doit faire une radiographie pulmonaire.

Publicité

Sa demande spontanée

– M. V. s’inquiète d’une tache de sang apparue au niveau de son oeil et que le médecin n’a pas jugée inquiétante. Il souhaite un collyre pour la faire disparaître.

Détection des interactions

Les médicaments de l’ordonnance ne présentent pas d’interactions entre eux. Cependant, la simvastatine (Zocor), prescrite pour lutter contre une hypercholestérolémie, est contre-indiquée en association à la clarithromycine (Mononaxy).

Analyse des posologies

Toutes les posologies des médicaments sont correctes. Compte tenu de la dose de Tussidane prescrite, il s’agit de la présentation sucrée du sirop, la forme « sans sucre » étant deux fois plus dosée.

Avis pharmaceutique

Objectif thérapeutique

– Les symptômes présentés par monsieur V. sont évocateurs d’une coqueluche (toux quinteuse et spasmodique persistant plus de sept jours, absence de fièvre et de vaccination récente contre la coqueluche). Le diagnostic sera définitivement confirmé avec les résultats de la mise en culture du prélèvement nasopharyngé, ce qui nécessite environ cinq jours.

– Compte tenu de la contagiosité de la maladie, une antibiothérapie ciblée contre Bordetella pertussis doit être instaurée sans attendre afin de ne pas prendre le risque d’une contamination de l’entourage et d’une propagation de la maladie. Toutefois, la mise en route de cette antibiothérapie n’est justifiée que dans les trois premières semaines suivant le début de la toux (au-delà, le risque de contagion paraît exclu). En l’absence de traitement, un isolement légal de 30 jours est instauré.

– La radiographie pulmonaire prescrite en cas de persistance des symptômes ou en cas d’apparition de fièvre permettra si besoin d’écarter une surinfection à type de pneumopathie.

Choix du prescripteur

– Les macrolides constituent le traitement antibiotique de choix de la coqueluche. La clarithromycine prescrite sur sept jours est désormais préférée à l’érythromycine (traitement de référence) qui nécessite 14 jours de prise.

– Face à la gêne respiratoire du patient, le bronchodilatateur, prescrit hors AMM, doit favoriser la dilatation des bronches et améliorer la symptomatologie respiratoire.

– L’antitussif a pour objectif de soulager le patient en diminuant la fréquence des quintes de toux.

– Concernant ces deux derniers traitements, le médecin a fait le choix d’améliorer le confort du patient. Mais l’utilisation et l’efficacité des bronchodilatateurs et des antitussifs dans le traitement de la coqueluche restent discutés.

Intervention pharmaceutique

Interaction médicamenteuse

– M. V. est déjà sous traitement par Zocor 20 mg pour une hypercholestérolémie. Connaissant les propriétés des macrolides au niveau hépatique (inhibiteurs enzymatiques), le pharmacien vérifie les risques inhérents à l’association clarithromycine-simvastatine. Cette association est effectivement contre-indiquée en raison du risque de majoration des effets indésirables (dose-dépendants) de la simvastatine suite à l’augmentation des concentrations sanguines de l’hypocholestérolémiant. Un risque de rhabdomyolyse est à craindre.

– Un appel téléphonique au prescripteur est nécessaire. Le médecin n’étant pas joignable à son cabinet, le pharmacien décide d’indiquer sur l’ordonnance et la boîte d’antibiotiques la conduite à tenir : « Interrompre la prise de Zocor 20 mg durant les 7 jours de traitement par Mononaxy. »

u Une opinion pharmaceutique est rédigée et transmise par fax au médecin prescripteur et au médecin traitant du patient afin que tous deux soient informés de l’intervention du pharmacien.

Demande du patient

– L’hémorragie sous-conjonctivale dont se plaint le patient se rencontre souvent dans les coqueluches. Elle est probablement due aux violentes quintes de toux.

– Expliquer au patient qu’il s’agit d’un symptôme bénin (comme le lui a dit le médecin) et qu’il n’y a effectivement pas lieu de s’en inquiéter. L’hémorragie disparaîtra seule, sans traitement.

Suivi du traitement

Effets indésirables

– Avec l’antibiothérapie peuvent survenir des manifestations digestives : nausées, vomissements, gastralgies, diarrhée, candidose buccale.

– Un surdosage en Bricanyl peut entraîner des tremblements des extrémités, des crampes musculaires, des palpitations, une tachycardie, des céphalées. Ces effets sont rares si la dose maximale préconisée est respectée. Chez les malades sensibles à l’inhalation d’une poudre sèche, il peut apparaître une irritation de la gorge avec une toux et/ou un enrouement. Le fait de se rincer la bouche après l’administration du médicament permet de limiter cet effet indésirable.

– Le sirop Tussidane peut provoquer une constipation, une somnolence, des vertiges, des nausées, des vomissements du fait du dérivé opiacé qu’il contient.

Efficacité

– L’antibiothérapie ne modifie pas l’évolution de la maladie mais limite le risque de contagion. Il est admis qu’au bout de 5 jours de traitement antibiotique la maladie n’est plus contagieuse : le retour en collectivité est donc possible.

– Débuté tôt, dès les premiers signes de la maladie, l’antibiotique peut permettre d’éviter la phase des quintes. Administré après le début des quintes, son effet sur la toux est nul. Les quintes peuvent donc encore persister malgré la prise de l’antibiotique et de l’antitussif (qui n’offre que peu d’efficacité mais peut rassurer le patient).

Conseils au patient

Mise en place du traitement

– Avec Tussidane, conseiller au patient de ne pas dépasser la dose maximale recommandée afin d’éviter des effets indésirables, soit 6 cuillères à soupe par jour ou 18 cuillères-mesures. Mettre en garde contre le risque de somnolence lors de la conduite de véhicule.

Prévenir qu’au cours de prochains épisodes infectieux (rhumes, bronchites) la toux peut réapparaître : c’est le « tic coquelucheux ».

– L’utilisation de Bricanyl Turbuhaler doit être réservée durant les moments où la respiration est difficile, notamment après une série de quintes de toux. Ne pas utiliser plus de trois ou quatre doses dans la journée.

Le système d’administration nécessite une inspiration profonde pour que la poudre pénètre bien dans les bronches. Ne pas s’étonner de l’absence de goût une fois la dose administrée. Bien se rincer la bouche après l’inhalation.

– Préciser au patient que l’antibiotique Mononaxy ne doit être débuté qu’une fois le prélèvement au laboratoire effectué.

Les deux comprimés de Mononaxy se trouvent dans une même alvéole et doivent être avalés en une prise unique. La durée du traitement doit être scrupuleusement respectée (même si la toux disparaît).

– La prise de Zocor doit être interrompue pendant les 7 jours de l’antibiothérapie. Le traitement sera ensuite repris à la dose habituelle.

– Expliquer au patient que la tache de sang dans son oeil disparaîtra en quelques jours et qu’il ne doit pas s’inquiéter. Eventuellement, lui proposer un collyre à base de vitamine B12 ou de nicotinamide (Vitarutine).

Prévention de la contamination

– Le patient doit éviter les contacts familiaux ou professionnels, en respectant des mesures d’isolement durant cinq jours, période durant laquelle il reste contagieux malgré la prise de l’antibiotique. L’utilisation de masques faciaux peut s’avérer utile pendant cette période car la maladie se transmet par la toux.

– Il doit alerter son entourage, notamment s’il fréquente des personnes chez qui la pathologie peut avoir des conséquences graves : nourrissons incomplètement vaccinés, jeunes parents, femmes enceintes et insuffisants respiratoires. L’apparition d’une toux ou d’un syndrome infectieux chez une personne ayant été en contact avec M. V. impose une consultation médicale.

Plan de prise conseillé

– Mononaxy 50O mg : prendre les deux comprimés en une seule prise.

– Bricanyl Turbuhaler : faire une inhalation au moment de la gêne respiratoire sans dépasser 3 ou 4 prises par jour. Se rincer la bouche après chaque prise.

– Tussidane : répartir 6 cuillères à soupe dans la journée en cas de toux.

Les médicaments prescrits

Mononaxy (clarithromycine)

– Antibiotique de la famille des macrolides dont le spectre d’activité bactérienne est actif sur Bordetella pertussis.

– Posologie : selon les indications, elle varie entre 500 et 1 000 mg en une prise.

Bricanyl Turbuhaler 500 ug/dose (terbutaline)

– Bronchodilatateur bêta-2-mimétique administré par voie inhalée à action rapide et de courte durée. Il est notamment indiqué dans l’asthme et la bronchite chronique obstructive.

– Posologie : elle est fonction des symptômes respiratoires. La dose quotidienne ne doit généralement pas dépasser 8 inhalations par 24 heures.

Tussidane sirop à 1,5 mg/ml (dextrométhorphane)

– Antitussif dérivé morphinique d’action centrale indiqué dans le traitement symptomatique des toux non productives gênantes.

– Posologie : la dose usuelle chez l’adulte et l’enfant de plus de 15 ans est de 3 à 4 cuillères à soupe par jour au maximum).

CONTACTER LE MÉDECIN

Le pharmacien informe le médecin par fax de l’arrêt du Zocor durant les 7 jours de traitement par Mononaxy.