LA GESTION MULTIOFFICINE

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Publié le 8 octobre 2011
Par Virginie Saurel
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La demande de logiciels de gestion commune des commandes ou des stocks, de mutualisation de la politique de prix ne fait qu’augmenter. Quelles sont leurs fonctionnalités ? Leurs prix ? Leurs avantages ? Tour d’horizon d’un marché dont les principaux clients sont les SEL et les groupements, qu’ils soient formels ou informels.

Les premiers logiciels de gestion multiofficine datent de 2005, et on estime leur nombre entre 10 et 15 % du parc. Les SSII sont nombreuses à proposer plusieurs niveaux d’interactivité entre différentes officines. C’est par exemple le cas d’ASP-Line. « Un certain nombre de pharmacies fonctionnent sur une consolidation des données multisites : elles peuvent interroger le stock d’une autre pharmacie au comptoir. Cela reste de la consultation. Il est également possible de sortir des statistiques cumulées des ventes des pharmacies pour une négociation avec les laboratoires et un éventuel achat groupé », explique Jean-Yves Baranger, P-DG d’ASP-Line.

D’autres niveaux d’intégration sont ensuite possibles. L’existence d’un module multisite permet d’interroger des stocks à distance en temps réel, de faire de la rétrocession automatique, de répartir les unités gratuites et les marges arrière au prorata des quantités attribuées, de créer des bons de livraison, de gérer des surstocks… Par exemple, le programme informatique regarde le stock des pharmacies en fonction de ses besoins (basés sur les statistiques de ventes). Si la pharmacie A a 50 produits en stock alors qu’elle n’en aura un besoin que de 20 et que la pharmacie B a 10 produits en stock alors qu’elle en aura besoin de 40, le logiciel calcule automatiquement qu’il n’est pas nécessaire de faire une commande, mais seulement de basculer le stock d’une pharmacie à l’autre. Un moyen indispensable pour limiter les retours produits.

Un troisième niveau d’intégration, le module « plate-forme », est encore possible. Pour 6 000 euros (HT), il inclut la création d’une entité juridique qui chapote les pharmacies et fait office de « répartiteur » pour les commandes aux laboratoires. Ce module implique une gestion des stocks de plate-forme et des locaux de stockage.

On retrouve aussi deux formes de partage de données entre pharmacies dans le logiciel Pharmaland développé par LSI. Dans le premier cas, chaque pharmacie est équipée de Pharmaland et une pharmacie négociatrice gère la commande groupée et la récolte de données à la livraison, d’après les stocks et les historiques de vente et d’achat. Elle peut aussi créer des catalogues. Dans le second cas, le groupement possède un site dédié, avec ou sans plate-forme. Les pharmacies négocient pour certains laboratoires, créent les catalogues, gèrent les conditions et les délais pour tous les points de vente. Chacune peut néanmoins faire des modifications grâce à une fonctionnalité de validation individuelle avant la clôture de la commande. Il est aussi possible de moduler la date de clôture pour atteindre un palier de remise supérieure. Dans ce système, Pharmaland gère aussi une plate-forme de commandes : le référent passe une commande de produits selon les estimations de consommation et chaque adhérent peut commander dans ce panier au fil de l’eau. Coût : 19,90 à 50 € par utilisateur et par mois.

Des fonctionnalités permettant une gestion globale des officines

La plupart des SSII proposent un module unique regroupant les principales fonctionnalités nécessaires à la gestion multiofficine. Depuis 2007, le logiciel Léo d’Isipharm (50 € HT par mois) gère le processus complet de commande : création des commandes, partage de catalogues de produits, consultation de l’historique des ventes et des encours de stocks, validation des quantités chez le négociateur, création de commande en attente ou encore des bons de rétrocession et de livraison pour les pharmacies partenaires. Fin 2011, le logiciel pourra aussi interroger les stocks, réserver un produit chez un confrère puis le rétrocéder automatiquement. De plus, avec l’aide des données statistiques, Léo permet la ventilation des remises de fin d’année. Pour les unités gratuites, la gestion peut se faire à la ligne ou au global. Le négociateur peut les faire entrer automatiquement dans le prix d’achat de rétrocession, les conserver ou les traiter manuellement, à sa convenance. Le module continue à être développé et permettra, en 2012, une relance automatique des pharmacies « consœurs » pour une validation.

Pharmagest propose aussi une gestion globale multiofficine via OffiCentral, opérationnel depuis 2007 et utilisé par près de 800 officines (pour un coût mensuel compris entre 42 et 58 € HT par mois selon le nombre d’officines groupées). Une plate-forme sécurisée recueille automatiquement tous les historiques de ventes et les stocks des pharmacies. Les propositions de commandes – modifiables manuellement –, qui tiennent compte des durées d’écoulement et des surstocks, sont proposées à la validation aux membres par e-mail ainsi que sur un bandeau dans le logiciel métier. Tout le processus de rétrocession, de livraison, d’affectation et d’actualisation des stocks est ensuite généré automatiquement. Pour recevoir les offres des laboratoires qui remettent à jour leur catalogue en continu, Pharmagest a créé une plate-forme technique gratuite dans laquelle 200 catalogues sont disponibles au fil de l’eau, avec des prix indicatifs.

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Le logiciel PharmaConnect développé par Alliadis permet de mutualiser les achats à partir d’une pharmacie négociatrice qui récupère automatiquement les états de stocks, les historiques de ventes et d’achats intégrant les conditions commerciales du laboratoire (analyse et harmonisation des surstocks et des ruptures et régularisation par rétrocession automatique), et de gérer les catalogues internes (création, modification, diffusion). Un réapprovisionnement interofficines a également été prévu : s’il manque un produit, l’équipe peut, avant de passer commande, interroger les stocks des pharmacies du groupe et ainsi commander directement, sous la forme d’une rétrocession automatique, le produit en question chez un de ses confrères membre du groupe ou de la SEL.

Déporter les traitements informatiques sur des serveurs distants

Les données informatiques partagées entre plusieurs officines, par exemple chez ASP-Line, ne sont pas hébergées chez un tiers pour préserver une autonomie totale au pharmacien. Ce qui n’empêche pas la SSII d’envisager un hébergement de type cloud computing, à savoir déporter sur des serveurs distants des traitements informatiques jusque-là hébergés au sein de l’entreprise. Ce service – issu d’un partenariat avec Dell – sera proposé aux pharmacies, groupées ou non, dès qu’il sera agréé pour gérer les données liées à la santé. Il permet de disposer d’un plan de reprise d’activité rapide, avec une organisation assurant la reconstruction de l’infrastructure et la remise en route des applications.

Chez Isipharm, le recueil des données se fait dans le cloud computing WindowsAzure, sur des disques durs appartenant à Microsoft et localisés dans une salle blanche à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Ainsi, le groupe de pharmacies gérées n’a plus à investir dans un serveur dédié et il loue de la « puissance machine » en fonction de ses besoins à l’instant T. Avec ce système, Isipharm n’a plus accès aux données, qui sont cryptées à la sortie des officines et stockées à distance. Pharmagest a aussi opté pour un hébergement sur une plate-forme Internet sécurisée, interne à la SSII. Mais cela implique que les pharmaciens soient au préalable équipés de la solution réseau sécurisée OffiSecure. Quant à Alliadis, son logiciel PharmaConnect propose une gestion sur un intranet propre à la SEL ou au groupement.

Transfert des écritures comptables et mutualisation de la politique de prix

La comptabilité peut aussi être partagée via l’exportation des écritures comptables directement et automatiquement dans le logiciel de comptabilité Sage 30 depuis Périphar, par exemple chez ASP-Line. Lorsqu’une facture d’achat est réglée dans Périphar, un connecteur spécifique envoie les écritures dans la base de données Sage préalablement renseignée : chaque fournisseur dispose d’un identifiant unique que l’on retrouve dans la fiche fournisseur Périphar. La comptabilité est ainsi centralisée pour toutes les officines. Elles ont aussi la possibilité de centraliser les télétransmissions et la gestion du tiers payant sur un seul point.

Le logiciel WinGroupe de Winpharma permet également, pour 45 euros par mois, d’effectuer un pilotage financier de l’ensemble des pharmacies via un tableau de bord WinPerformance ainsi que la mise en place d’une politique de prix commune. De plus, Wingroupe fidélise la clientèle du groupe de pharmacies par la gestion commune des points fidélité et par des actions commerciales communes.

Dans OffiCentral, Pharmagest propose une messagerie et des statistiques communes, un agenda partagé ainsi qu’une solution d’étiquettes linéaires. Un planning partagé est aussi possible chez Pharmaland (LSI) via Softime Expert ainsi que, plus original, une consolidation des chiffres par pharmacie et par laboratoire pour les rémunérations trimestrielles et annuelles.

Alliadis propose également une gestion de la politique de prix commune par une intégration des prix de vente actualisés sur chaque système informatique et, éventuellement, un affichage linéaire automatique instantané via le système d’étiquette électronique Sin Etiq.

« Il faudrait bénéficier d’une mise à jour automatique du catalogue »

Arnaud Convert, titulaire à Tarare (Rhône), utilise le logiciel PharmaConnect (Alliadis) pour la gestion des trois officines de sa SEL. Sa préparatrice, Audrey Vivier-Merle (photo), a été formée pour s’occuper des commandes groupées aux laboratoires d’OTC et de parapharmacie. 24 heures avant la négociation avec les laboratoires, elle envoie une demande aux officines « filles » concernant les quantités souhaitées et passe une commande globale tous les trois à six mois. « Le logiciel gère les surstocks en fonction de la date de la prochaine commande et en fonction de la saison, explique Audrey Vivier-Merle. Par ailleurs, toute modification d’un prix ou saisie d’une nouvelle référence se fait sur les trois officines simultanément. Une fois la commande groupée validée, des précommandes sont expédiées à chaque officine. Lorsque la livraison est faite, les produits respectifs se retrouvent dans le stock de chaque officine. Bien entendu, tout le système de rétrocession est automatique et transparent pour nous. » Seule chose à améliorer ? « Il faudrait bénéficier d’une mise à jour automatique du catalogue. »

« Le lissage des surstocks d’une officine à l’autre est très efficace »

Sébastien Zeroukian, titulaire à Valence (Drôme), et trois de ses confrères, dont deux SEL, travaillent en gestion multiofficine avec Périphar. Le pharmacien dit apprécier la visibilité en matière de stocks et d’achats que procure ce logiciel. « Le lissage des surstocks d’une officine à l’autre est particulièrement rapide et efficace et permet une gestion automatique multisite en flux tendus. Par exemple, le système interroge automatiquement les stocks des autres officines lors d’une commande et calcule les besoins en fonction des ventes prévisionnelles. Ainsi, le logiciel nous conseille parfois de réaliser simplement un transfert de produits manquants d’une officine à l’autre plutôt que de recommander. De plus, des analyses statistiques poussées sont réalisables, avec une multiplicité de paramètres. Cela permet une gestion anticipative des surstocks et des sous-stocks. Bien entendu, l’ensemble des offres promotionnelles négociées à la commande sont réparties automatiquement au prorata des quantités attribuées à chaque officine. Le système est très efficace, ce qui nous permet d’avoir toujours des stocks au plus juste et, au passage, de mieux acheter ! »

« Il faudrait simplifier les mouvements d’informations entre les logiciels »

Christophe Guhur gère deux officines situées dans l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle (Val-d’Oise). Le module OffiCentral de Pharmagest lui permet de consulter en temps réel la quantité présente dans une des deux officines, avec la disponibilité du produit en fonction du stock et du nombre de jours d’écoulement auquel il correspond. La gestion de la rétrocession est automatique. OffiCentral lui permet d’analyser les rotations de chaque officine – y compris pour des commandes indépendantes non groupées qui sont aussi effectuées via OffiCentral – et d’avoir des statistiques conjointes via la base de données OBEI (Oracle). Cela permet d’améliorer la fréquence des commandes pour éviter les immobilisations de trésorerie. Le système joue aussi sur les délais de paiement et la mutualisation des tâches administratives (entrer les nouvelles références ou des modifications de prix une seule fois pour toutes les officines). « Il faudrait simplifier les mouvements d’informations entre les logiciels métier LGPI de chaque officine et OffiCentral, qui ralentissent le fonctionnement », suggère cependant Christophe Guhur.

Caduciel lie les officines n’ayant pas le même système informatique

Toutes les SSII proposent une gestion multisite des stocks. Caduciel, dernier à entrer dans la course, lance en novembre son logiciel multiofficine avec une particularité qui le distingue des autres SSII : la possibilité de lier des officines qui ne possèdent pas le même système informatique. Même si les applications sont moins étendues que pour un multisite entièrement Caduciel, la passation de commandes groupées est possible. Le module est souple, permettant à chaque officine de moduler la visibilité de son stock et de ses données par les officines partenaires et de passer des commandes automatiques ou semi-automatiques. En revanche, il n’est pas possible d’effectuer une gestion automatique des surstocks et des sous-stocks.

« L’intégrité des données relève de la rigueur des équipes »

Olivier Colin et Hélène Naïm sont titulaires à Dives-sur-Mer (Calvados). Jean-Pascal Naïm, ingénieur de formation, apporte sa contribution à la gestion d’un groupement de six officines, dont cinq en SEL, qui utilisent le module multiofficine Léo (Isipharm). Jean-Pascal Naïm dispose ainsi en temps réel de l’état des stocks du groupement, chaque produit ayant un référent dans chaque officine et au sein du groupement pour le traitement des commandes groupées. « Une fois l’arbitrage sur les quotités effectué, tout se fait automatiquement, qu’il s’agisse de la facturation, de la ventilation et des bons de livraison, explique-t-il. Nous pouvons également importer et exporter les catalogues, mais dans la limite d’une dénomination de produit commune entre les officines, sinon le recoupement entre la liste et le stock n’est pas possible. Cette intégrité des données relève cependant de la rigueur des équipes. Reste encore à développer aujourd’hui l’arbitrage entre les stocks d’une officine à l’autre, c’est-à-dire la réaffectation des surstocks au moment de la commande. Il serait judicieux également de pouvoir réserver un produit pour un patient dans une autre officine à proximité de celle où s’est effectuée la délivrance et que toute la procédure soit informatisée. »

Les 10 questions clés à poser à votre SSII

1 Le module gère-t-il le lissage des surstocks entre pharmacies ?

2 Le module implémente-t-il automatiquement les commandes passées par la pharmacie négociatrice sur les logiciels des pharmacies « filles » ?

3 Le module intègre-t-il de façon automatique les commandes groupées passées par les SEL sur les sites de passation de commande des groupements ou laboratoires (commande à resaisir) ?

4 Les modifications de références, de prix ou les intégrations de nouvelles références ou gammes doivent-elles être faites ligne à ligne puis expédiées sur chacun des stocks des pharmacies groupées ?

5 La gestion des commandes groupées se fait-elle partiellement de manière automatique en fonction des historiques de ventes de chaque pharmacie et en intégrant les surstocks ?

6 Les catalogues de laboratoires peuvent-ils être actualisés automatiquement sur toutes les pharmacies ?

7 Le serveur dédié pour la gestion multiofficine est-il local et/ou externalisé via le web ? S’il est uniquement externalisé, quid de la perte de données et/ou d’accès en cas de panne réseau ?

8 Comment sont redistribuées les unités gratuites et les marges arrière ?

9 Quelle est l’expérience de gestion multiofficine de la SSII (depuis quand ? combien de pharmacies au maximum sont liées sur le terrain ?) ?

10 Existe-t-il une possibilité de partage et de synthèse de données statistiques, et sous quelle forme de comptabilité commune et de gestion du tiers payant mutualisée ?

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