FAIRE FRUCTIFIER SES EXCÉDENTS

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Publié le 1 décembre 2021
Par Francois Pouzaud
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Le bon niveau d’activité des officines actuellement lié à la crise sanitaire, le recours éventuel à des prêts garantis par l’Etat (PGE), ont entraîné chez beaucoup d’entre elles des excédents de trésorerie plus ou moins structurels. A ne pas laisser dormir.

LA CRISE SANITAIRE N’A EN RIEN ENTAMÉ LES STRUCTURES FINANCIÈRES DES OFFICINES. Celles-ci sont saines avec un niveau de fonds de roulement positif et en progression. La souscription pendant la pandémie d’un prêt garanti par l’Etat (PGE) par 10 % environ des officines n’a qu’un impact très limité sur le fonds de roulement moyen, (164,1 k€ en 2020, selon les statistiques de KPMG). Avec la vaccination anti-Covid-19, la réalisation des tests antigéniques et la vente de masques, les pharmacies ont connu un surcroît d’activité qui a été lucratif et qui se retrouve dans les trésoreries dégagées, en nette progression d’une année sur l’autre (+ 25,2 % à 148,6 k€ en 2020, source : KPMG). La trésorerie s’est également consolidée grâce aux reports d’échéances bancaires et de cotisations sociales TNS. « 42 % des officines disposent d’un mois d’achat de trésorerie et 29 % de deux mois », relève Philippe Becker, directeur du département pharmacie de Fiducial. « Comme elles ont beaucoup travaillé pendant la crise, certaines pharmacies disposent d’une trésorerie importante, avec un excédent dépassant les 300k€ », signale Nicolas Baldo, expert-comptable chez KPMG. Et selon lui, le remboursement d’un PGE sur 4 ou 5 ans pèsera peu à l’avenir sur la trésorerie emmagasinée : « Si le PGE est de 1 M d’euros remboursable sur cinq ans, la pharmacie rembourse 20 000 € la première année, il reste encore 80 000 € à investir ».

Que faire des excédents ?

On peut utiliser les excédents de plusieurs manières : pour alléger les remboursements d’un emprunt, en prélever une partie pour en distribuer aux associés sous forme de dividendes si la pharmacie est désendettée, à défaut d’avoir des projets à court terme. « Une distribution de dividendes qui rémunère le capital investi est soumise au prélèvement forfaitaire unique (PFU de 30 %), ce qui peut parfois être dissuasif », souligne Philippe Richard, responsable d’OptiPatrimoine, conseil en gestion de patrimoine. Mais, les excédents de trésorerie peuvent aussi être en attente d’utilisations futures : investissement, prise de participation dans d’autres officines… « Si la pharmacie procède à un investissement pour améliorer sa performance (développement du C.A et/ou de la rentabilité), par exemple l’achat d’un robot ou d’un automate, il pourra procéder à son amortissement comptable au prorata temporis », indique Nicolas Baldo. Pour rappel, l’amortissement comptable d’un investissement d’entreprise consiste à étaler son coût d’acquisition sur sa durée d’utilisation. Ainsi, au titre de chaque exercice, une quote-part du coût de chaque acquisition non amorti en totalité est déduite du résultat comptable. « Ainsi, pour un investissement amortissable sur cinq ans réalisé le 1er octobre et une clôture d’exercice au 31 décembre, la toute première déduction ne sera que de 3/12ème », explique cet expert-comptable. Si le ou les titulaires et/ou les associés ont des projets de croissance externe, il peut être intéressant d’investir l’excédent de trésorerie dans la prise de participation au capital d’une autre pharmacie que celle qu’il (s) exploite (nt). Les associés des structures à l’impôt sur les sociétés (IS) bénéficieront d’un effet de levier fiscal intéressant, en faisant porter cette acquisition par la SEL ou une SPF-PL créée à cet effet. « Il faut compter entre 8 et 12 000 € pour la création de la SPF-PL, la rédaction du contrat d’apport des titres à la holding, la nomination d’un commissaire aux comptes aux apports et l’évaluation des titres de la SEL », précise Nicolas Baldo. Un excellent investissement selon Olivier Delétoille, expert-comptable du cabinet AdequA : « Le taux de rendement des capitaux investis est de l’ordre de 15 %, 16 % par an ».

Placer au niveau de la SEL ou de la SPFPL.

« Les banques proposent essentiellement des comptes à termes (CAT) et des dépôts à terme (DAT) peu rémunérateurs et peu motivants. Donc, les trésoreries excédentaires dorment souvent par fatalisme, observe Philippe Richard. C’est paradoxal quand on se bat en permanence sur les conditions d’achat et la marge brute, de ne pas faire fructifier les avoirs de l’entreprise ». Néanmoins, les marchés financiers offrent des opportunités à ceux qui veulent y réfléchir. Les investissements doivent être envisagés au niveau de la SEL (forme d’exploitation la plus répandue en pharmacie) ou de la SPF-PL, ces deux sociétés étant soumises à l’IS. Philippe Richard préconise, pour les personnes morales, deux solutions. « La première est l’ouverture d’un compte-titres par la structure, qui présente l’avantage de ne pas être chargée en frais (souscription, garde, gestion), mais l’inconvénient de ne pas pouvoir investir en fonds euros. En cas de désinvestissement, celui-ci sera rapporté au résultat et soumis à l’IS ». La deuxième solution à envisager est l’ouverture d’un contrat de capitalisation. « Comme un contrat d’assurance-vie, le contrat de capitalisation permet de protéger une partie du capital en l’investissant dans un fonds euros et de placer le solde sur des fonds plus ou moins risqués (Unités de Comptes). Le contrat de capitalisation supporte des frais de gestion (de l’ordre de + ou – 1 %). Les compagnies plafonnent la plupart du temps la proportion de fonds euros (+ ou – 50 %). En même temps, la recherche d’un rendement est la motivation pour investir hors fonds euros ».

Pas de risque, pas de rendement.

Le rendement d’un investissement rémunère le risque et le temps, c’est-à-dire l’aliénation du capital, le renoncement à la liquidité sur un délai plus ou moins long. « Selon le positionnement des curseurs sur ces axes, les perspectives de rendement existent et varient à l’infini, développe Philippe Richard. A chacun de se positionner en fonction de son horizon d’investissement et de ses objectifs ! Panachez et diversifiez vos investissements en sélectionnant différents univers géographiques, sectoriels et thématiques », conseille-t-il. Et si le pharmacien souhaite un certain rendement, il doit s’ouvrir au risque. « Selon qu’un fonds limite son exposition à 40 % ou ouvre la possibilité d’une exposition à 100 %, les perspectives de montée avec les marchés sont différentes, de même que l’amortissement en cas de baisse », précise-t-il. Plusieurs de ses clients pharmaciens ont investi leur excédent de trésorerie dans un compte titres sur plusieurs fonds comme Oddo-BHF Polaris (Moderate, Balanced, Dynamic). « Nous constatons avec satisfaction une performance de plus de 7 % en quelques mois, mais ces performances passées ne préjugent pas des performances futures et ne sont pas constantes dans le temps », prévient-il. Cet investissement n’est donc pas neutre. Mais, le placement de l’excédent de trésorerie aura un impact (positif s’il est pertinent !) sur le bilan.

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INVESTIR CHEZ DES CONFRÈRES

Les SEL et les SPFPL permettent à un titulaire de se comporter en investisseur et de profiter du levier d’un crédit d’acquisition. Des prises de participation limitées à quatre. Mais, dans le monde des affaires, rares sont les “Business Angels” qui prennent plus de quatre participations directes. Certes, le titulaire doit conserver dans ce dernier scénario le contrôle du capital et des droits de vote de la SEL qui exploite la pharmacie. Le pharmacien investisseur peut alors percevoir jusqu’à 74% des dividendes générés par cette officine.