Mes amis, mes effets indésirables

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Publié le 20 octobre 2016 | modifié le 16 septembre 2025
Par Chloé Devis
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En plus des professionnels de santé, les réseaux sociaux pourraient-ils être les vigies de la sécurité sanitaire ? Selon cette hypothèse, plusieurs études en cours cherchent à mesurer les bénéfices potentiels des commentaires circulant sur la Toile pour mieux connaître les effets indésirables des médicaments.

Prompts à donner leur avis sur les films qu’ils voient ou les restaurants où ils dînent, les internautes s’expriment aussi sans détour sur les médicaments qu’ils absorbent et les éventuels désagréments qui s’ensuivent. Ces données à portée de clic, correctement traitées, pourraient compléter le dispositif de pharmacovigilance : tel est le présupposé de plusieurs projets visant à évaluer la faisabilité d’une telle démarche, et présentés le 12 octobre devant l’Académie nationale de pharmacie. Seulement 5 % des déclarations sont recensées dans la base de données nationale : le constat qui réunit ces projets repose sur les insuffisances du système actuel de notification des effets indésirables, liées au manque de déclarations des professionnels de santé, dont les pharmaciens, à peine compensées par la possibilité nouvelle, ouverte aux patients et à leurs associations, d’effectuer des signalements directement auprès des centres régionaux de pharmacovigilance. Or, la masse actuelle de données circulant sur le Net, combinée à la puissance des outils informatiques, pourrait être mise à profit en faveur d’une «   surveillance automatique sur un grand nombre de médicaments   », comme le relève Cédric Bousquet, coordinateur de l’étude Vigi4Med. Ce projet financé par l’ANSM réunit depuis 2013 des équipes de recherche issues de l’Inserm, du CHU de Saint-Etienne, de l’hôpital européen Georges Pompidou à Paris et de l’AP-HP. Il a précisément pour objectif de «   rechercher et analyser les effets indésirables médicamenteux rapportés par les patients dans les réseaux sociaux   ». Toutefois, les défis méthodologiques sont nombreux pour parvenir à filtrer les informations pertinentes. Grâce à la combinaison de compétences en informatique médicale, traitement automatique du langage et web sémantique, «   nous maîtrisons dorénavant l’extraction du contenu des forums de discussion et le repérage des noms de médicaments et effets indésirables dans les messages. Mais nous sommes encore au début de l’analyse de cette grande masse de données   », indique Cédric Bousquet. «   C’est la raison pour laquelle nous avons mené à ce jour une évaluation sur un seul médicament : la duloxétine.»

Les biais déjà identifiés


La gestion des données des internautes dans le cadre des études qui les utilisent répond à de strictes normes de sécurité. Ainsi, « l’extraction du contenu des forums de discussion dans le projet Vigi4Med a fait l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL », fait savoir Cédric Bousquet. Puis, « après extraction, les données collectées sont anonymisées avant tout traitement visant à analyser le contenu ». Le pseudonyme du patient est par exemple remplacé par un identifiant crypté ne pouvant être déchiffré. Enfin, « aucune information personnelle n’est enregistrée en plus du message », ajoute le chercheur.


•  Plusieurs projets pilotes présentés lors d’un colloque organisé par l’Académie de pharmacie évaluent les bénéfices potentiels de l’analyse des commentaires circulant sur la Toile pour mieux connaître les effets indésirables des médicaments.

•  Les chercheurs reconnaissent les biais possibles, mais sont persuadés de pouvoir obtenir des signaux d’alerte précoces.
Texte : anne-hélène collin, infographie : Franck L’hermitte