- Accueil ›
- Conseils ›
- Maux du quotidien ›
- Grippe A (H1N1) : que dire aux patients ?
Grippe A (H1N1) : que dire aux patients ?
« J’ai reçu mon bon de la Sécu pour la grippe A ; vous pensez que je dois me faire vacciner ? » Cette phrase, vous allez l’entendre des dizaines de fois par jour puisque la campagne « grand public » devrait débuter le 6 novembre. Revue de détail du « Pour » et du « Contre » autour de la vaccination.
D’après un sondage IFOP réalisé les 22 et 23 octobre pour le journal « Ouest France », à peine 20 % des Français sont partants pour la vaccination. Et seuls 16 % se disent inquiets face à la grippe A. A tort, si l’on en croit les spécialistes réunis lors du 3e colloque Pandémie grippale organisé par le CLEF (Centre de lobbying, d’étude et de formation) le 22 octobre dernier à Paris.
30 à 40 % des décès sans facteur de risque
« Il existe des complications graves qu’on ne voyait plus décrites que dans les livres », s’inquiète le Pr Pierre Carli, directeur médical du SAMU de Paris. « Regardez ces poumons blancs à la radio ! On ne peut plus rien ventiler ! », renchérit le Pr François Bricaire, chef de service des maladies infectieuses et tropicales, à la Pitié-Salpêtrière.
Aux Etats-Unis, qui connaissent une nouvelle flambée épidémique (à 99 % liée au H1N1), 43 enfants et adolescents sont décédés depuis début septembre. Le président américain, Barack Obama, vient d’ailleurs de déclarer la pandémie de grippe A (H1N1) « urgence nationale » sur le territoire. « La majorité des décès pédiatriques se produit chez des enfants qui n’ont pas de facteurs de risque », précise Catherine Weil-Olivier, professeur des Universités en pédiatrie à l’université Paris VII. Et c’est bien là le plus fort argument en faveur de la vaccination : adultes ou enfants, 30 à 40 % des patients décédés n’avaient aucun facteur de risque. « C’est une sorte de loterie macabre », commente Roselyne Bachelot venue inaugurer le colloque. Au 15 octobre, sur plus de 500 000 cas, il y avait un peu plus de 4 000 morts, soit moins de 1 %. Mais sur la population des cas graves, on déplore 17 % de mortalité. Ce ne sera donc pas une épidémie « zéro mort », et ce ne sera pas forcément le voisin malade ou fragile qui sera victime d’une forme grave. « Le taux d’attaque dépendra de la saison de démarrage. Plus le pic épidémique sera tardif, plus il risque d’être étroit et élevé », précise le Pr Bruno Lina, directeur du Centre national de référence sur la grippe de la région Sud. Pourquoi dès lors ne pas se ruer sur le vaccin ? Que redoutent patients et professionnels ? Faut-il les convaincre envers et contre tout de se faire vacciner ? Les arguments antivaccination, sont-ils scientifiquement recevables ?
Des adjuvants dangereux ?
Le risque de déclenchement d’un syndrome de Guillain-Barré lié aux adjuvants introduits dans les vaccins pour booster l’immunité existe bel et bien, mais il est évalué à un cas pour un million de vaccinés alors que toute infection virale, et en particulier la grippe, semble responsable d’environ 2 cas pour 100 000 patients. De leur côté, les autorités arguent que 47 millions de personnes ont déjà été vaccinées avec un vaccin adjuvanté au squalène dans le monde sans remontée de pharmacovigilance. En France, seul GripGuard, destiné exclusivement aux plus de 65 ans, est adjuvanté au squalène. Le recul est encore modeste. Faut-il encenser pour autant Celvapan, seul vaccin sans adjuvant ? Lui aussi a sa part d’inconnu, puisque c’est le premier vaccin antigrippal a avoir été produit non pas sur oeuf embryonné mais sur culture cellulaire.
Un vaccin fabriqué trop vite ?
Trop vite, on ne sait pas. Très vite, c’est certain. Si pour le vaccin saisonnier, la souche est habituellement choisie début mars, laissant un délai de 7 mois de production, le vaccin H1N1 a été réalisé en 4 mois. Coup de chapeau ou inquiétude ? « Le temps gagné l’a été sur le temps administratif », assure le Pr Daniel Camus, chef de la mission de coordination pandémie grippale à la Direction générale de la santé. Le doute s’est néanmoins installé dans les esprits, alors même que les doses vont arriver par millions et que la campagne est censée se dérouler sur un temps très court.
Servir de cobayes ?
Y a-t-il un manque d’études ? Les trois vaccins contre la grippe A ayant une AMM, Pandemrix, Focetria et Celvapan, sont des vaccins dits « mock-up » ou vaccins-maquettes. La maquette servant au présent virus a été conçue en 2005, avec le virus de la grippe aviaire H5N1 et l’efficacité et la tolérance du vaccin ainsi réalisé ont été testées sur une période de trois ans. Lorsque la souche pandémique A a été connue au mois de juin, elle a remplacé la souche H5N1 dans le vaccin maquette. L’EMEA précise que « les études originales peuvent être utilisées pour prédire comment la population va répondre à la vaccination ». Cela peut inquiéter. Le Pr Daniel Camus reconnaît que la base d’essais cliniques est restreinte. Mais, chaque année, c’est bien ce principe qui est appliqué à la préparation du vaccin de la grippe saisonnière : on remplace le virus d’une année sur l’autre tout en gardant la maquette du précédent. Les études cliniques ont forcément peu de recul.
Un schéma vaccinal incertain ?
D’autres mesures peuvent perturber : alors que la stratégie vaccinale actuelle est basée sur l’injection de deux doses administrées à trois semaines d’intervalle, les dernières études montrent que la réponse antigénique est meilleure que celle attendue. L’EMEA a toutefois validé le 23 octobre dernier un protocole à deux doses. Finalement, n’est-ce pas plutôt le choix de la vaccination de masse qui inquiète à outrance ? Les lieux collectifs de vaccination qui font penser à un état de guerre ? Le saucissonnage en tranches prioritaires de candidats à la vaccination ? Les catégories « privilégiées » relevant du vaccin sans adjuvant ? Le Dr Jean-Louis Bensoussan, généraliste à Toulouse et président du réseau des GROG, rapportait au colloque une parole d’un de ses patients qui traduit bien le malaise : « Si ce n’est pas vous qui vaccinez, docteur, on ne la fera pas. » Certains généralistes, tout comme l’Académie de médecine, réclament d’ailleurs la possibilité de proposer le vaccin antigrippe A au cabinet et non dans les centres de vaccination. « La participation du généraliste serait un facteur de confiance majeur », ajoute le Dr Bensoussan. Roselyne Bachelot, inquiète de voir ces vaccins lui rester sur les bras, a tenté deux approches. Apostropher l’ensemble des concitoyens frileux sur un ton indigné face à la réticence collective : « Il s’agit d’une réaction de gosse de riche ! » L’autre approche, plus altruiste, est peut-être la bonne : « Le vaccin est le meilleur moyen de protéger ses proches. »
Paris frémit
Le président de l’Association des médecins urgentistes de France, Patrick Pelloux, le confirme « la grippe a bien débuté. La fréquentation des services d’urgences pédiatriques explose en Ile-de-France ». Pour lui, un tel schéma laisse entendre que « les adultes seront touchés dans 15 jours ». La direction de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a parallèlement recensé, le 26 octobre, 296 consultations liées au virus dans ses hôpitaux, dont 202 concernaient des enfants. Le Pr Gérard Cheron, chef du service réanimation urgences anesthésie à l’hôpital Necker, a fait état d’une hausse de 76 % des consultations pour les enfants de 1 à 15 ans, par rapport à la moyenne des quatre années précédentes à la même époque, dans les cinq établissements pédiatriques de l’AP-HP (capitale et petite couronne). Et, dans 95 % des cas pour lesquels des prélèvements ont été effectués, la présence du virus A (H1N1) est confirmée.
ce que vous en pensez
« Me faire vacciner »
YVES-HENRI YAOUANC, Nantes (Loire-Atlantique)
J’attends de voir pour me faire vacciner ou pas. La préparation du vaccin a été assez confuse, de même que les échos que l’on peut en avoir. Je n’ai pas encore tous les éléments en main pour cerner le rapport bénéfice/risque de ce vaccin. N’ayant pas, pour l’instant, de crainte particulière à ce sujet, je ne suis pas opposé au principe de vacciner les professionnels de santé particulièrement exposés au risque de contagion.
CATHERINE GUILLAUME, Charleville-Mézières (Ardennes)
Je n’ai pas encore pris ma décision. Elle sera conditionnée par la manière dont va évoluer la pandémie. Si l’on s’orientait vers une seule vaccination qui serait suffisante pour induire une immunité acceptable, cela pourrait m’inciter davantage à me faire vacciner. Néanmoins, les mesures barrières qui ont été mises en place se révèlent pour l’instant plutôt efficaces. Si elles le restent, il n’y aura même pas besoin d’aller dans un centre de vaccination contre la grippe A (H1N1).
PATRICK FABRY, Plouhinec (Finistère)
Je suis formateur pour l’Utip sur la grippe A (H1N1) et cette question m’est souvent posée par mes confrères. Quels que soient les moyens mis en place, nous serons contaminés avant d’être vaccinés. Dans l’ordre de priorité fixé par le gouvernement, les pharmaciens n’arrivent qu’au septième ou huitième rang. Nous serons vaccinés au mieux fin décembre ou début janvier. Quant à la fiabilité du vaccin, elle a été étudiée lors de la préparation du vaccin contre la grippe H5N1. Nous n’avons donc pas de crainte à avoir. Le seul problème peut venir des adjuvants.
Propos recueillis par François Pouzaud
Tamiflu pédiatrique, fait maison
Fâcheux. Les enfants risquent d’être les plus touchés par la grippe A (H1N1) mais le « sirop » de Tamiflu est indisponible. Face à cette carence, l’Afssaps a publié le 15 octobre dernier de toutes nouvelles « Recommandations sur l’utilisation de Tamiflu chez les nourrissons de moins de un an et pour la préparation d’une solution buvable »*. Une préparation qui peut être effectuée par tout officinal sous réserve de respecter les Bonnes pratiques de préparation, afin d’en assurer la traçabilité et la sécurité. La solution est préparée pour la durée totale du traitement (5 jours en curatif, 10 jours en préventif), en mélangeant pendant deux minutes le contenu de plusieurs gélules de Tamiflu 30, 45 ou 75 mg avec de l’eau, pour obtenir une solution à 10 mg/ml. La dose à administrer par les parents dépend du poids de l’enfant mais se situe entre 0,6 et 3 ml, au dixième de ml près. Il faut donc fournir une seringue de 1, 2 ou 5 ml et bien expliquer la manipulation. La solution se conserve 11 jours au réfrigérateur. Le goût très amer peut être masqué en mélangeant la solution prélevée à de l’eau sucrée ou à une compote. Les pharmaciens sous-traitants pourraient proposer prochainement un kit contenant un excipient permettant de masquer le goût et une seringue doseuse. L’excipient pressenti, à base d’Ora-Sweet du laboratoire Fagron, est autorisé aux Etats-Unis mais pas en Europe à l’heure actuelle.
* En ligne sur http://www.afssaps.fr
- Comptoir officinal : optimiser l’espace sans sacrifier la relation patient
- Reishi, shiitaké, maitaké : la poussée des champignons médicinaux
- Budget de la sécu 2026 : quelles mesures concernent les pharmaciens ?
- Cancers féminins : des voies de traitements prometteuses
- Vitamine A Blache 15 000 UI/g : un remplaçant pour Vitamine A Dulcis
