Comment bien coter votre offre

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Publié le 21 avril 2016
Par Yves Rivoal
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Le travail d’optimisation de l’assortiment dans une officine commence toujours par une phase d’audit. Une étape qui exige beaucoup de rigueur sur le plan de la segmentation de l’offre produits. « Il faut en effet analyser et comparer les performances de l’offre exposée, marque par marque, rayon par rayon, souligne Joëlle Hermouet, directrice de Formaplus, qui construit son audit autour de sept grands univers et d’une quarantaine de catégories. Cette analyse permet de faire évoluer les gammes exposées, la qualité et la largeur d’exposition de chacune d’entre elles. » Pour obtenir des tableaux de bords efficients, qui vont permettre de prendre les bonnes décisions, Xavier Bouhet, fondateur du cabinet de conseil What Health, utilise deux extracteurs du marché : Offisanté et Ospharm. « Grâce à ces outils décisionnels, nous pouvons effectuer des relevés exhaustifs de toute la surface de vente, et identifier au m2 les bonnes et les mauvaises performances, ainsi que les éventuelles incohérences. »

VISER juste.

L’assortiment se construit d’abord autour des marques et références indispensables, de forte demande spontanée, dont on ne peut se passer, au risque sinon d’inciter la clientèle à s’orienter vers la concurrence. « Cette offre de base représente le plus souvent les 20 % des références exposées qui génèrent 80 % du CA des principaux rayons », précise Joëlle Hermouet. Ces « indispensables » doivent être complétés par une offre plus spécifique, définie en fonction du profil de l’officine. « Dans une petite officine, je ne retiendrais qu’une seule marque leader, que je complèterais avec une ou plusieurs gammes plus spécifiques ou plus techniques en fonction de l’expertise que le titulaire souhaite afficher ou pas sur un rayon, confie Joëlle Hermouet. Dans une grande pharmacie, qui mise sur la dermo cosmétique et la santé au naturel, j’appliquerais le même mode de segmentation, mais avec une offre plus large en exposition afin d’offrir plus de choix. »

Directrice générale de VU Merchandising, Aurélie Paquier, est sur la même longueur d’ondes. « Sur la dermo cosmétique, qui constitue un gros pôle de marge, je référencerais un seul leader. A côté, je placerais des laboratoires moins connus comme Eclae ou Lady Green qui apportent de l’innovation et de la différenciation, et un potentiel de marge plus important avec des coefficients de 2 à 3. » Xavier Bouhet recommande, lui, de construire un assortiment composé d’une marque basique ou premier prix, d’un produit technique et d’un produit premium, avec une organisation des linéaires par allégation.

RATIONALISER.

Optimiser l’assortiment impose aussi de faire des choix drastiques, chose que beaucoup de pharmaciens ont encore du mal à faire d’après Aurélie Paquier, surtout dans les grandes officines. « Comme elles disposent de surfaces de vente importantes, elles empilent les références, mais lorsque l’on analyse les chiffres, on s’aperçoit que 60 % de l’assortiment ne paie pas son loyer lorsque l’on calcule la rentabilité par rapport à l’encombrement linéaire et au stock. » De son côté, Joëlle Hermouet incite les pharmacies à rester vigilantes face à certaines pressions commerciales. « Les conditions de remises supplémentaires sur des références stars sont souvent liées à un sur-stockage de ces produits. »

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GAGNER plus.

Le référencement a été rationalisé, et que la pharmacie déploie une politique d’animations et de prix dynamiques, les bénéfices sont en général au rendez-vous. « Un titulaire peut espérer une progression de la marge globale des rayons traités de 5 à 15 % au bout d’un an », estime Joëlle Hermouet. Aurélie Paquier a, elle, constaté une augmentation de la marge globale de 1 à 3 points dans les officines où elle est intervenue. Xavier Bouhet avance, lui, que l’on peut enregistrer entre 10 % et 15 % de croissance du CA sur la TVA à 20 %, sans dégradation de la marge, et des progressions de l’ordre de 5 % sur le 5,5 % et le 10 %. « J’ai travaillé récemment pour une pharmacie située dans l’Oise, confie-t-il. Nous avons diminué de moitié l’exposition de la dermo cosmétique et du bébé grâce à un category management drastique. Ce qui nous a permis d’allouer 30 % de la surface pour renforcer l’offre sur certaines pathologies comme le diabète et le HTA, et sur de nouveaux marchés générateurs de marge comme la micro nutrition ». Résultat, cette pharmacie est devenue « la référence » dans ce domaine, avec une marge doublée par rapport aux anciens univers. Le titulaire a aussi gagné près de 8 000 € sur le stock. Ce qui a permis de renflouer la trésorerie et le besoin de fonds de roulement de l’officine. » Qui dit mieux ?

LE CAS DU MOIS

Deux indicateurs commencent à vous interpeller. Depuis quelques mois, votre LGO indique que la valeur globale de votre stock dépasse six mois de chiffre d’affaires, et que sur certaines références, les rotations de produits peuvent atteindre 200 ou 300 jours. Ces indicateurs laissent à penser que votre référencement n’est pas optimisé, et que certaines marques ne paient probablement plus leur loyer. Ce qui se traduit dans les rayons concernés par de la poussière qu’il devient difficile de ne pas voir. D’où la nécessité d’effectuer un peu de ménage… Vous avez donc raison de vous inquiéter car ce qui est en jeu, avec l’assortiment, c’est la rentabilité et la pérennité de votre officine.

LES EXPERTS

Joëlle Hermouet DIRECTRICE DE FORMAPLUS

Xavier Bouhet FONDATEUR DU CABINET WHAT HEALTH

Aurélie Paquier DIRECTRICE GÉNÉRALE DE VU MERCHANDISING

TÉMOIGNAGE

Répondre aux profils de sa clientèle

En 2014, la titulaire de la Pharmacie de l’Ange à Haguenau profite de travaux de réaménagement de son officine pour remettre à plat son assortiment avec l’aide de la consultante Joëlle Hermouet. Le travail d’optimisation commence par une analyse de la clientèle qui se révèle très diversifiée, avec beaucoup de mamans du fait de la proximité avec la maternité. L’audit de performance des linéaires montre, lui, que certains rayons ne sont pas bien placés. « C’était par exemple le cas de l’univers bébé que nous avons déplacé près de l’entrée afin qu’il soit plus visible », précise la pharmacienne. Après analyse, elle décide d’opter pour une offre pluridisciplinaire, et de développer quatre grands axes : la cosmétique, la diététique, la phytothérapie et le vétérinaire qui sont traités sur le mode « shop-in-the-shop ». Sur le rayon cosmétique, la pharmacie travaille en partenariat avec les deux laboratoires leaders Avène et la Roche Posay. « Nous proposons également une offre plus orientée sur l’achat plaisir avec des gammes comme Caudalie, Nuxe, Darphin, Biotherm ou Lierac. L’objectif étant de répondre à tous les besoins de nos clientes, de la jeune fille de 15 ans à la mamie. » La réflexion engagée a aussi conduit la titulaire à rationaliser son offre. « Par exemple, sur le maquillage, nous n’avons retenu que la gamme la Roche Posay qui a l’avantage d’être simple et de bonne qualité. Je n’ai pas voulu aller plus loin car j’ai considéré que Sephora et Marionnaud font cela très bien. »

Grâce à cette réorganisation, la baisse du CA sur le médicament a été compensée par la croissance enregistrée sur les autres segments. « Du coup, la marge globale de l’officine a aussi été stabilisée », se félicite Herrade Keiff-Sala qui demande à toute son équipe de rester attentive à la qualité de l’assortiment. « Nous le revoyons à chaque changement de saison. »

AH OUI !

Une fois par an, tout remettre à plat et ne pas hésiter à retravailler son référencement, la répartition et l’organisation de son espace de vente. L’optimisation de l’assortiment doit être une préoccupation permanente.

OH NON !

Continuer à référencer une gamme qui devient moins performante. Lorsque les résultats ne sont plus à la hauteur en termes de rentabilité, il faut savoir se séparer de certains produits ou laboratoires…