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Un marché en pleine euphorie
Alors que les ventes et cessions d’entreprises en France accusent un repli structurel qui dépasse le seul contexte de la crise sanitaire, le bilan des cessions d’officines sur le premier semestre 2021 affiche un dynamisme à toute épreuve. Presque resplendissant.
L’activité en croissance des officines sur 2021 a chassé les derniers doutes et l’attentisme, déjà à peine perceptible en 2020. « Sur les six premiers mois de l’année, nous recensons 855 transactions de fonds et cessions de parts sociales, alors qu’avec la parenthèse du premier confinement et le report de quelques mois des cessions qui en a découlé le marché avait enregistré 739 mutations en 2020 », annonce Jérôme Capon, directeur du réseau d’Interfimo.
Compte tenu des effets « parasites » de la pandémie, il paraît plus judicieux d’évaluer la tonicité du marché de 2021 à l’aune des dernières années avant l’arrivée du Covid-19. Et là, pas de doute possible sur l’état de forme du marché ! « Nous recensions 801 transactions en 2019 et 800 transactions en 2018 sur la même période », précise-t-il, ajoutant que le dynamisme du marché est de plus en plus porté par les cessions de parts (360 comptabilisées, soit 42 % des mutations).
La crise sanitaire et la résilience dont a fait preuve l’officine ont mis davantage en appétit les acquéreurs dans un secteur où les fondamentaux restent bons (activité, modèle économique relativement protecteur, confiance renforcée de la population à l’égard du pharmacien, faiblesse du nombre de fermetures, valorisation des officines en fonction de leur rentabilité, etc.). « Dans cette période d’épidémie, le rôle du pharmacien a été valorisé aux yeux de la clientèle, des médias et à cela s’ajoutent des taux d’intérêt d’emprunt extrêmement bas, la confiance des acquéreurs et le réveil des primo-accédants », énumère Jean-Luc Guérin, du cabinet Pharmathèque.
Effet d’usure plus attendu, « le Covid-19 a fatigué les vendeurs qui ne se décidaient pas à vendre ; avec les problèmes de recrutement en personnel, le mouvement vers un départ à la retraite s’est intensifié », ressent Nadine Maquet, du cabinet GTF Pharma, qui constate une rentrée de mandats de vente plus importante depuis la rentrée.
Tension sur les prix
Cet engouement renouvelé pour l’installation se focalise sur les affaires importantes. « La demande est plus grande que l’offre sur le marché des officines de 2 M€ et plus, ce qui crée une tension sur les prix », explique Jérôme Capon. Comme l’an passé. Selon Interfimo, le prix de cession a repris en moyenne 2 points pour se situer à 78 % du chiffre d’affaires hors taxes (CA HT) en 2020 et à 6,3 fois l’excédent brut d’exploitation (EBE, + 0,1 point). « Au niveau des prix de cession de 2021, les évolutions sont sur la même ligne que l’année 2020, ils ne chutent pas mais ne flambent pas non plus. On constate une inflation de 2 ou 3 points sur les belles affaires liée au dynamisme du marché et non pas aux impacts positifs du Covid-19 sur l’activité des officines », constate Hervé Ferrara, de Pharmacessions.
La rareté des affaires de 2 M€ et plus fait que tous les acteurs du marché sont à l’affût de ce type de biens. « A commencer par les cabinets de transactions dont la concurrence qu’ils se font entretient la tension sur les prix. Une pharmacie de 1,8 M€ se vend au-delà de 90 % et, avec les frais d’agence, le prix d’acquisition flirte avec les 100 % du CA HT », signale Michel Watrelos, expert-comptable du cabinet Conseils et Auditeurs Associés.
Claude Artaud, directeur général de l’Auxiliaire Pharmaceutique, rapporte que toutes les tailles d’officines se vendent, de la pharmacie de 700 k€ par le biais d’un rachat de clientèle jusqu’à celles de 10 M€. « Le marché était déjà actif avant même la possibilité pour les pharmaciens de réaliser des tests antigéniques, souligne-t-il. Les pharmacies de plus de 10 M€, avec une importante clientèle de passage, réalisant des gros volumes en parapharmacie et en conseil sont les seules officines sur lesquelles le marché est attentiste, car elles n’ont pas encore retrouvé leur CA d’avant-Covid-19. » Concernant les petites affaires, « nous arrrivons encore à les vendre en faisant feu de tout bois, en proposant des rachats de clientèle, des regroupements, des rachats/transferts », souligne Michel Watrelos.
Pourtant, le marché aurait pu se crisper et le CA servant de référence pour la valorisation de l’officine aurait pu être un motif de blocage entre vendeur et acquéreur. La crise a fait des gagnants et des perdants, les mesures sanitaires ont contraint à des fermetures conjoncturelles en centre commercial, les confinements et les couvre-feux ont contribué à des baisses importantes de CA.
Le marché doit être vigilant
A l’inverse, l’activité des pharmacies de proximité, dont la fréquentation a été renforcée pendant la crise et qui se sont investies massivement dans les tests antigéniques et la vaccination anti-Covid-19, a hyperformé. « Nous réalisons les valorisations à partir des bilans de l’année 2020, et expliquons aux vendeurs et aux acquéreurs que l’on ne peut pas se référer au CA du bilan, qu’il convient de le retraiter du CA exceptionnel et de s’appuyer sur la marge de l’officine de l’avant-Covid-19 », explique Hervé Ferrara. En général, cela se passe bien, mais « dans certains cas, cela peut tourner à la prise de tête quand les parties ne veulent pas entendre raison quant à la valeur du CA retraité », complète-t-il.
« Si le vendeur n’est pas prêt à faire des concessions sur son CA, l’acquéreur peut se retirer », indique Jean-Luc Guérin, précisant que sur des transactions portant sur des pharmacies de centre commercial, leur durée peut être prolongée d’un ou deux mois. Mais les protagonistes ont-ils le choix ? « Si le chiffre d’affaires n’est pas du tout retraité, l’acquéreur essuiera les réticences du banquier », avertit Hervé Ferrara.
La période qui s’ouvre doit être d’une extrême vigilance, selon Gilles Andrieu, du cabinet Espace. « Dans les dossiers de reprise, il est important de bien retraiter la marge et la rentabilité qui sert à évaluer les fonds, car le risque pour les acquéreurs serait d’acheter trop cher et de créer ensuite des situations de surendettement, ce qui casserait la dynamique du marché », met-il en garde.
CONTRIBUTEURS
GILLES ANDRIEU
(Espace)
CLAUDE ARTAUD
(L’Auxiliaire Pharmaceutique)
JÉRÔME CAPON
(Interfimo)
HERVÉ FERRARA
(Pharmacessions)
JEAN-LUC GUÉRIN
(Pharmathèque)
NADINE MAQUET
(GTF Pharma)
MICHEL WATRELOS
(Conseils et Auditeurs Associés)
L’analyse
A l’exception des Hauts-de-France et de l’Occitanie en baisse d’1 point, de la Bourgogne-Franche-Comté stable en prix, les autres régions s’inscrivent à la hausse.
L’Auvergne-Rhône-Alpes se distingue par une forte progression (+ 4 points) qui lui permet de se retrouver dans la moyenne nationale.
Comme l’an dernier, les régions les plus valorisées sont la Normandie, la Nouvelle-Aquitaine, le Grand-Est et les départements d’outre-mer, alors que la Bourgogne-Franche-Comté, dont le prix moyen reste stable, demeure la région la moins chère de France.
L’analyse
Il y a autant de régions en hausse qu’en baisse concernant l’évolution du prix de vente par région au regard de la rentabilité. La tendance 2020 est à un recentrage vers la moyenne. C’est le signe d’un marché arrivé à maturité.
L’Auvergne-Rhône-Alpes s’illustre à nouveau, enregistrant la hausse de prix la plus importante
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