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C’est déjà la pagaille sur les transferts et regroupements
La mise en œuvre par les agences régionales de santé (ARS) de la nouvelle ordonnance sur le réseau parue au Journal officiel le 4 janvier connaît des débuts difficiles. Certaines des nouvelles dispositions générales sur les créations, regroupements et transferts sont d’application immédiate, d’autres nécessitent des décrets d’application qui devront être publiés au plus tard le 31 juillet. Les ARS en perdent leur latin.
Dans le doute, abstiens-toi. Entre anciennes et nouvelles mesures, les agences régionales de santé (ARS) sont en proie à de valses hésitations et ne savent pas toujours à quel texte législatif ou réglementaire se fier pour traiter les enregistrements des demandes de transfert ou de regroupement d’officines, allant jusqu’à bloquer momentanément l’enregistrement des dossiers.
Corinne Maurin a essuyé les plâtres avec l’application de l’article L5125-6* de l’ordonnance. Cette titulaire a demandé le transfert de sa pharmacie dans un territoire au sein duquel l’accès au médicament pour la population n’est pas assuré de manière satisfaisante. Ce territoire est issu du regroupement de communes contiguës dépourvues d’officine, dont une recense au moins 2 000 habitants, afin de totaliser un nombre d’habitants conforme au seuil prévu par les textes. « Le récépissé de dépôt de mon dossier à l’ARS de Montpellier (Hérault) date du 12 février, sans qu’il ait été enregistré, et donc sans pouvoir bénéficier des droits d’antériorité et de priorité », explique-t-elle. Malgré ces relances, le silence de l’ARS a duré plus d’un mois, avant de lui confirmer l’enregistrement de sa demande. « En l’absence des décrets, l’ARS ne sait pas comment opérer au regard de la nouvelle ordonnance et ne souhaite donc pas prendre de risques », en déduit cette pharmacienne.
Risque de multiples contentieux
En PACA, la prudence est également de rigueur. Pour motiver un refus de demande d’enregistrement, l’ARS a expliqué que « tant que les décrets ne sont pas édictés et publiés, l’ensemble des nouveaux régimes juridiques de ces opérations ne peut être regardé comme pleinement défini et ne peut donc être considéré comme applicable ». Le pharmacien impétrant n’a pu ni bénéficier des nouveaux droits institués par la nouvelle ordonnance, ni même des droits liés à l’enregistrement de sa demande.
En Ile-de-France, le tâtonnement est de rigueur. « Ma licence de transfert a été accordée en juillet 2017 et l’ARS m’a indiqué par courrier, fin janvier, que je disposais du nouveau délai de deux ans, pour ouvrir au public, raconte un pharmacien francilien. En février, je reçois un second courrier précisant que cette information est erronée et que le délai est de un an expirant en juillet 2018. Or, en raison de retard dans les travaux, la livraison de mon futur local n’est prévue qu’en octobre, c’est avec les moyens du bord que son ouverture va pouvoir être anticipée. »
Comme d’autres ARS, celle d’Ile-de-France considère qu’en attendant les décrets, ce sont les anciennes dispositions du Code de la santé publique qui s’appliquent. On est donc loin de l’esprit de l’ordonnance : assouplir les modalités d’installation.
Pour Anne Lefebvre, pharmacienne consultante, les failles et imperfections de cette ordonnance rédigée dans l’urgence risquent dans le futur de nourrir d’abondants contentieux. « La question s’est rapidement posée de savoir si l’ordonnance devait ou non entrer en vigueur immédiatement comme le prévoit la législation concernant les ordonnances, expose-t-elle. Or, le texte de l’ordonnance réseau ne fait référence à des décrets qu’à deux occasions, concernant l’article L5125-3 et l’article L5125-6-1. Ces deux textes doivent préciser d’une part la manière dont il faut désormais envisager la notion d’abandon de population et d’autre part la définition exacte des territoires dits “fragiles” au sein desquels il est possible, par dérogation, d’ouvrir une pharmacie par transfert ou par regroupement indépendant du quorum. »
Dilemme sur les regroupements
Considérant qu’aucun des autres articles figurant dans l’ordonnance ne mentionne de décret d’application, la question se pose de savoir s’il est d’ores et déjà possible de les appliquer.
Toujours est-il qu’un certain nombre de dossiers de demandes de regroupements ont été déposés dans des communes dépourvues d’officine qui comptent plus de 2 500 habitants. « Les différentes ARS sollicitées pour ce type de dossier se sont retrouvées devant un dilemme, explique Anne Lefebvre. Il y a généralement dans les communes concernées des demandes de transfert en cours d’examen. Or, les regroupements priment sur les transferts. Certaines ARS ont choisi de ne pas enregistrer ces demandes de regroupement au motif que l’ordonnance n’entrerait en vigueur qu’après la publication des décrets. Cette prise de position a été contestée par les pharmaciens, se basant sur le fait qu’aucun texte ne justifie un éventuel temps de latence précédant l’entrée en vigueur des dispositions sur les regroupements, et que l’enregistrement n’est que la validation de la complétude d’un dossier. »
Entre omissions et incohérences
Les oublis peuvent également devenir un nid à problèmes. La suppression du délai de cinq ans imposé entre deux autorisations délivrées à la même officine, mentionnée dans le rapport de présentation au président de la République, ne figure pas dans la section 6 de l’ordonnance où elle devait apparaître.
Autre casse-tête en perspective pour les ARS : la simplification du transfert intracommunal d’une officine seule dans sa commune. Dans le Var, deux officines de deux communes voisines, actuellement distantes de 4 km, demandent leur transfert en même temps, pour des lieux d’accueil très proches, à proximité de la limite communale. Dans la loi actuelle, une limite communale n’est pas une limite de quartier, mais selon l’ordonnance une limite communale peut être une limite de quartier…
Le piège des aéroports
Quid des transferts et regroupements dans les aéroports ? « Si la galerie est implantée directement dans un aéroport, cela implique un appel public à candidature pour tout projet d’ouverture », indique Anne Lefebvre. Pour ceux qui remportent l’appel d’offre, il n’y aura pas de bail commercial – donc pas de fonds de commerce –, mais seulement une autorisation d’occupation temporaire, donc d’une durée limitée. Malgré ce risque, « de nombreux pharmaciens ont contacté les sept aéroports dans lesquels une ouverture de pharmacie est possible et plusieurs axes de réflexion sont en cours de mise en place », signale la consultante. Une question reste en suspens. D’où peuvent venir les pharmacies qui vont transférer ou se regrouper au sein d’un aéroport ? Du ban communal sur lequel est implanté l’aéroport ou de n’importe quelle commune, sous réserve de ne pas compromettre l’approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier, de la commune ou des communes d’origine ?
• L’ordonnance sur le réseau publiée au Journal officiel le 4 janvier 2018 est censée simplifier les règles de créations, transferts et regroupements d’officine.
• Certaines des dispositions sont d’application immédiate, d’autres nécessitent des décrets d’application publiés au plus tard le 31 juillet 2018.
• Les ARS ne savent pas toujours à quel texte législatif ou réglementaire se fier, ce qui les conduit à s’abstenir, voire bloquer l’enregistrement des dossiers.
• Pour certaines ARS, en attendant les décrets, ce sont les anciennes dispositions du Code de la santé publique qui s’appliquent.
• Regroupements dans les aéroports, transferts intracommunaux, suppression de l’obligation de garder la pharmacie pendant cinq ans avant toute vente sont potentiellement des nids à contentieux.
REPÈRES
Par François Pouzaud en collaboration avec Anne Lefebvre – Infographie : Franck L’Hermitte
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