UN BONUS VARIABLE À PRIVILÉGIER

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Publié le 10 octobre 2015
Par Francois Pouzaud
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Pendant les premières années après l’installation, les titulaires se fixentune rémunération a minima. Mais il est possible de faire une entorse aux privations,sans augmenter la rémunération de base et sans pénaliser la trésorerie de l’entreprise. Comment ? En instaurant une prime de gérance.

Après installation, la rémunération de gérance du titulaire est souvent équivalente, voire légèrement inférieure à celle qu’il percevait quand il était adjoint, car la société s’est lourdement endettée pour acquérir le fonds. Ce faible niveau est d’ailleurs nécessaire pour faire valider le business plan auprès de la banque. « Mais travailler 60 heures par semaine pour gagner la même chose qu’un adjoint aux 35 heures, ça ne marche qu’un temps », constate Gilles Andrieu, du cabinet Espace. D’où l’intérêt de prévoir une prime de gérance plutôt qu’une augmentation de rémunération, quand les bénéfices dégagés sont supérieurs au prévisionnel établi. « Il est difficile de faire machine arrière lorsqu’une rémunération supérieure est mise en place », souligne-t-il.

Un bonus motivant qui sensibilise à la gestion de l’entreprise

La question de la prime de gérance se pose pour les associés gérants d’une société, comme les SEL. Chaque année, les associés doivent, en effet, arbitrer entre une hausse de rémunération, une prime de gérance ou la distribution de dividendes si les résultats sont au rendez-vous. Mais, tout comme une hausse de rémunération manque de souplesse, la distribution de dividendes « est très souvent écartée par les pharmaciens dans les premières années d’exploitation et peu appréciée par la banque, dans la mesure où, au début, les résultats sont employés prioritairement à rembourser les emprunts », précise Carole Lejas, expert-comptable du cabinet Exco Valliance FP.

En particulier, en présence d’associés investisseurs ne fournissant aucun travail d’exploitation ou en cas de détention inégalitaire en capital entre associés exploitants, la prime de gérance est une solution recommandée, car la répartition du bénéfice sous forme de dividendes, qu’elle soit versée en fonction du travail accompli ou au prorata du capital détenu, peut rapidement devenir une source de conflit entre associés.

La prime de gérance est, par exemple, l’option suivie par Sunvirak Chhit, titulaire à Paris. Il détient des participations dans trois autres SEL, en plus de celle où il exerce. « Pour apporter une motivation supplémentaire à l’installation, la prime de gérance a été généralisée à l’ensemble des jeunes associés exploitant ces SEL. » Le montage est toujours le même pour ces pharmacies : l’excédent d’EBE réalisé au-delà de l’objectif fixé en début d’année est reversé à l’exploitant à hauteur de 5 % à 20 % selon la difficulté du projet d’entreprise, les efforts fournis… Cette prime peut tout aussi bien récompenser des actions de développement du chiffre d’affaires que les qualités de bon gestionnaire du titulaire (politique d’achats et de prix). « La plupart du temps, elle équivaut à un treizième mois, le restant du surplus d’EBE venant consolider la trésorerie. »

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Pacte d’associés indispensable

« C’est le règlement intérieur ou le pacte d’associés qui précise notamment les modalités de rémunération du travail des associés exploitants, les modalités de calcul et la périodicité de l’éventuelle prime de gérance ainsi que les conditions de versements de dividendes », précise Eric Thiébaut, avocat du cabinet Jurispharma. La rédaction de ces documents est capitale car ce sont les associés exploitants majoritaires en capital et droits de vote qui ont le pouvoir de privilégier, soit le travail, soit la détention du capital, en d’autres termes de fixer le niveau des rémunérations des gérants (qui doivent être en phase avec la capacité financière de l’entreprise et correspondre à un travail effectif) et les dividendes. « Le règlement intérieur ou le pacte d’associé permet d’éviter que les associés exploitants majoritaires n’abusent de leur pouvoir, souligne-t-il. Ce document peut préciser, par exemple, que la distribution de dividendes n’interviendra qu’une fois que les comptes courants seront remboursés. »

Le principe de la rémunération sous forme de prime acté, c’est l’assemblée générale annuelle qui décidera, en fonction des résultats, du versement d’une prime. « La prime de gérance est fixée au préalable par l’assemblée générale et ne doit pas être ratifiée a posteriori lors de l’approbation des comptes annuels », rappelle François Gillot. Cependant, « une autre assemblée générale, en cours d’exercice, peut être décidée, par exemple, pour statuer sur une modification de rémunération du dirigeant », précise Eric Thiébaut.

Le versement de la prime – taxée – sur le compte courant équivaut à son paiement. Elle peut être laissée sur le compte courant et, au besoin, le pharmacien peut attendre que la trésorerie le permette pour récupérer cette somme.

Une taxation plus lourde pour les dividendes

Rémunération ou dividendes ? Cette question se pose au seinde sociétés assujetties à l’IS, pour bon nombre de co-exerçantsou d’associés uniques. François Gillot, expert-comptable, souligne que les dernières évolutions fiscales et sociales ne militent pas en faveur des dividendes mais des rémunérations :

• Suppression de l’abattement forfaitaire de 3 050 € (ou 1 525 € pour un célibataire) qui permettait une exonération d’impôt sur le revenu sur les 5 080 premiers euros bruts de dividendes ;

• Assujettissement aux cotisations sociales pour les dividendes versés aux gérants majoritaires pour leur partie supérieure à 10 % du capitalet du compte courant ;

• Suppression du prélèvement forfaitaire libératoire ;

• Mise en place d’un acompte d’impôt sur le revenu à verser (égal à 21 % des dividendes bruts) payable immédiatement ;

• Hausse constante des prélèvements sociaux (désormais 15,5 %).

À RETENIR

La prime de gérance est une prime de résultat motivante pour un pharmacien associé exploitant qui démarre.

• Elle correspond à une partiedu surplus d’EBE réalisé par rapport à un objectif de rentabilité préalablement fixé.

• La décision de l’attribution d’une prime au gérant est décidée en assemblée générale. Mais le paiement ne pourra être effectué que si l’entreprise dispose de la trésorerie nécessaire.