SUR LE PRIX DES PHARMACIES

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Publié le 26 juin 2021
Par Francois Pouzaud
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SI LA TAILLE DE L’OFFICINE EST UN CRITÈRE DE VALORISATION DE PLUS EN PLUS DÉTERMINANT, IL N’EST PLUS LE SEUL DEPUIS L’AVÈNEMENT DES SERVICES. LA QUALITÉ DES LOCAUX ET LEUR SUPERFICIE FIXENT DE MANIÈRE PLUS PRÉGNANTE LES PRIX.

L’apparition des services en pharmacie conjugué à une stabilisation rassurante de la situation économique des officines selon les dernières statistiques publiées par les cabinets d’expertise comptable (+ 3 % de croissance en moyenne sur 2020) sont à l’origine d’un regain d’intérêt pour la filière officine. Les premiers constats sont unanimes. « L’évolution du métier, accentuée par la crise sanitaire, confirme l’engouement des jeunes diplômés à acquérir une officine », note Joël Lecoeur, président du groupement CGP, expert-comptable du cabinet LLA. Mathéa Quercy, expert-comptable du cabinet Quercy, dresse le même constat sur le marché de la première installation : « Depuis le début de l’année, nous n’avons jamais réalisé autant de plans de financement pour primo-accédants, pour tous types de biens. La demande ne porte pas que sur des pharmacies de taille importante ou sur une prise de participation, même faible, dans de grosses structures, les acquéreurs manifestent aussi un intérêt pour les pharmacies de quartier. » Celles-ci sont rarement des officines de taille importante, or jusqu’ici ces derniers n’étaient intéressés que par des affaires au-delà de la taille critique (1,8 M€ à 2 M€). Avec la pandémie, on assiste donc à un retour en grâce des pharmacies de quartier, de proximité. Ainsi, la taille critique devient moins un critère déterminant. Dans une certaine limite…

La prime aux services

Le Covid-19 semble avoir rebattu les cartes en matière d’attrait pour les pharmacies et d’investissements. A l’heure des premiers enseignements de la crise sanitaire, les chiffres livrent les noms des perdants et des gagnants : les officines véritablement orientées vers les services et soins des patients sont celles qui ont le mieux performé. Ce constat a de quoi faire réfléchir les titulaires qui songent à céder à court ou moyen terme leur fonds de commerce, comme leurs futurs repreneurs soucieux d’acquérir un outil de travail les rémunérant correctement.

La crise a été révélatrice de nouveaux comportements d’achat et de fréquentation des officines pendant les confinements, privilégiant la proximité, créant des opportunités commerciales et médicales grâce notamment aux ventes de masques, à la réalisation des tests antigéniques, à la vaccination anti-Covid-19.

Les « petites » pharmacies, en perte de vitesse, ont-elles pu profiter d’un effet d’aubaine pour développer les services, répondre aux nouveaux besoins, fidéliser une clientèle captée grâce à des circonstances exceptionnelles et ainsi se relancer auprès des acquéreurs ? La réponse de Mathéa Quercy est à la fois cinglante et tranchée : « Une pharmacie de moins de 1,5 M€ qui, faute de personnel, n’a pas développé les services et n’a rien mis en œuvre pour conserver cette nouvelle clientèle et le chiffre d’affaires (CA) acquis pendant les confinements, se retrouve au même niveau de valorisation qu’avant la crise. » A l’inverse, « les officines moyennes à grandes qui ont développé ces services et fidélisé une clientèle nouvelle bénéficieront sur le long terme d’une meilleure valorisation du fonds, même si ce CA additionnel devra être retraité pour la détermination du prix de cession », explique Hervé Ferrara du cabinet Pharmacessions. « Il est important de savoir comment ces services sont comptabilisés, à part ou dans le CA, expose Michel Watrelos, expert-comptable du cabinet Conseils et Auditeurs Associés. Dans une approche de valorisation d’un fonds de pharmacie en multiple de la rentabilité, la marge dégagée par les services aura une incidence sur la valeur de l’excédent brut d’exploitation (EBE) et donc sur le prix de cession. »

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En tout état de cause, « les officines de 2 M€ et plus, positionnées sur les services, représentent un terreau fertile pour les acquéreurs qui les rachètent à bon prix [au-dessus du prix du marché, le prix de cession moyen pour 2020 s’établissant à 78 % du CA HT, selon les statistiques publiées par Interfimo en 2021, NdlR], reprend Mathéa Quercy. Les survalorisations peuvent aller jusqu’à 100 % du CA HT pour des pharmacies de 2,5 M€ à 3 M€. » Une pharmacie de services offre également plus d’attrait aux yeux des banques. « Le service sert l’implantation locale, l’image et la notoriété de l’officine et le niveau déployé témoigne de la capacité d’une pharmacie à être dynamique sur son marché, et cela plaît forcément au banquier », signale Hervé Ferrara.

A contrario, « la désaffection à la reprise des petites officines qui n’ont pas les locaux ni les moyens humains pour offrir des services va s’accroître dans l’avenir… sauf si leurs titulaires ont maintenu ou développé le CA en proposant des prestations. Leur prix de cession sera alors mieux négociable qu’aujourd’hui », pense Michel Watrelos.

Pas de mètres carrés, pas de perspective

« Les nouveaux critères de choix des acquéreurs que sont la taille et la qualité des locaux s’intensifient avec les services », remarque Gilles Andrieu, du cabinet Espace (groupe PSP Pharma). Car l’emplacement ne suffit plus pour séduire les acquéreurs. « Une pharmacie sans perspective de développement des locaux sera plus compliquée à céder, c’est pour cette raison que dans les centres-villes, des officines se regroupent », ajoute-t-il.

Avoir développé la dimension services et investi dans les nouvelles missions Covid, sont-ils des arguments pour mieux revendre sa pharmacie ? « C’est encore un peu trop tôt pour l’affirmer, car l’impact n’est au mieux que de 9 mois dans les comptes de résultats 2020 », estime Michel Watrelos. Une chose est sûre, le fait de ne pas l’avoir développée ne peut pas être présenté comme un argument et un potentiel de croissance dont le vendeur pourrait se prévaloir pour augmenter son prix. « Chaque pharmacien ne peut compter que sur sa capacité à innover, à proposer de nouveaux services et à capter une nouvelle clientèle pour voir croître son CA, explique Joël Lecoeur. Il est donc primordial de ne pas surpayer un fonds que seules les compétences du nouveau titulaire permettront de développer ».