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SITÔT DIPLÔMÉS, SITÔT INSTALLÉS
La volonté de s’installer n’attend pas le nombre des années. Voici l’histoire de tr ois jeunes pharmaciens qui se sont lancés avec succès dans l’achat d’une officine quelques mois à peine après l’ob tention de leur diplôme. Des exemples à suivre.
Michel Watrelos, expert-comptable du cabinet Conseils et Auditeurs Associés, garde en mémoire quelques anecdotes des nombreuses installations de jeunes diplômés qu’il a réalisées : « En tant que membre de jury, j’ai assisté à la soutenance d’une thèse d’une étudiante qui, dès le lendemain, m’a sollicité pour l’aider à s’installer alors qu’elle s’apprêtait à signer une promesse de vente. » Parfois, l’anticipation n’a pas de limites : « J’ai eu aussi quatre ou cinq cas d’installation où le jeune acquéreur a signé un compromis en cours de thèse. » Moralité : « l’installation, c’est une question d’état d’esprit et de motivation ».
Si le désir est là, dès l’obtention du diplôme, « le jeune ne doit pas se freiner dans ses intentions par rapport à son âge et son manque d’expérience », estime Michel Watrelos. Il ne doit pas non plus se mettre inutilement des barrières : « Les femmes diplômées cherchent souvent à concilier vie professionnelle et vie privée dans un ordre bien défini : je me marie, je fais des enfants et ensuite je m’installe. C’est un faux problème pour ne pas s’installer ! J’ai vu une pharmacienne accoucher quinze jours après son installation ! »
Mais une forte volonté ne suffit pas pour devenir rapidement titulaire. Encore faut-il trouver la bonne affaire. « Les opportunités du marché sont de moins en moins nombreuses et il faut de mieux en mieux les étudier avant de les saisir », prévient l’expert-comptable. Sur un plan financier, le temps ne joue pas en faveur des acquéreurs. « Ce ne sont pas les 100 000 € d’apport supplémentaire mis de côté au terme de plusieurs années d’effort qui feront la différence auprès du banquier, affirme Michel Watrelos. L’économie de financement de 100 000 € sur 12 ans au taux de 3,80 % ne représente qu’une mensualité de remboursement de 877,66 €! »
A trop attendre on risque de finir par s’installer par défaut
« Plus ils acceptent tôt les exigences financières de l’installation, plus vite ils se constituent rapidement un capital qui leur permettra ensuite de se projeter sur une affaire plus importante », estime François Gillot, expert-comptable dans le même cabinet que Michel Watrelos. A l’inverse, plus un adjoint attendra avant de se lancer, plus ce sera difficile pour lui. « Je pense à un pharmacien, certes expérimenté mais qui a trop attendu, raconte encore Michel Watrelos. Il a fini par s’installer, par défaut, dans une officine où il ne s’est jamais vraiment épanoui. »
« La rémunération du salarié qui prend de l’ancienneté augmente ; aussi peut-il être surpris, au moment du changement de statut, par le différentiel entre son salaire d’adjoint et sa rémunération de titulaire, alors que s’il s’installe en début de carrière, le jeune n’aura pas le sentiment de faire un sacrifice sur son train de vie », explique François Gillot.
Reste que le manque d’apport personnel peut être un frein à l’installation, en grande partie levé grâce aux possibilités offertes par un éventail de formules (parrainage dans le cadre d’une SEL, association en SNC ou SARL, acquisition seul d’une petite officine à prix décoté…).
« Plus vite on s’installe, mieux c’est ! »
Six mois seulement après la fin de son stage de validation de fin d’études, Jérôme Escojido s’est retrouvé, en janvier 2007, aux commandes d’une SELAS exploitant une officine à Pérols, près de Montpellier (Hérault). Cinq ans plus tard, il ne regrette pas de s’être lancé dans le grand bain aussi tôt et estime que son jeune âge au moment de cette primo-accession n’a pas été un handicap. Bien au contraire, l’installation est facilitée à une période de la vie où le jeune n’a pas encore d’attaches (un conjoint, des enfants…) et tout à gagner et rien à perdre. « Plus vite on s’installe, mieux c’est », lance Jérôme aux jeunes confrères fraîchement diplômés. Et de se justifier : « Les premières années du diplôme, un adjoint qui ne se voit confier aucune tâche de gestion par son employeur n’apprendra rien de plus que le métier au comptoir et ne sera pas mieux préparé à trente ans qu’à vingt-cinq ans à devenir chef d’entreprise. »
Sans hésiter une seconde, il a saisi la perche que lui avaient tendue ses deux maîtres de stage, lesquels sont devenus ses deux associés car investisseurs dans cette SEL. « Il faut faire attention aux propositions d’associations par des investisseurs intéressés avant tout par l’opération patrimoniale. L’humain doit primer dans les relations entre associés ainsi que le désir de nos aînés à transmettre aux jeunes un savoir et un savoir-faire de pharmacien titulaire, insiste Jérôme. Il est essentiel de bien s’entendre entre associés. Si les investisseurs partent dans l’idée de retirer rapidement un revenu du capital, l’association risque de connaître des déconvenues dans les périodes difficiles où le rendement n’y serait plus. »
Jérôme Escojido conseille de jeter son dévolu sur une affaire raisonnable en taille (CA entre 800 000 € et 2 000 000 €) et présentant un potentiel de développement. « Il ne faut pas prendre de risques sur le chiffre d’affaires ni avec des petites officines à prix décoté qui risquent de péricliter parce qu’elles se situent dans des zones peu attractives ou de désertification médicale. Et, dans les grandes villes, il faut savoir garder la tête froide par rapport à l’éventualité d’un projet de transfert très aléatoire. »
Travailler préalablement avec ses futurs associés pour apprendre à se connaître est une règle d’or énoncée par Jérôme – une règle qui ne vaut d’ailleurs pas que pour la première installation. Jérôme explique que ses deux associés ont légitimé véritablement leur statut d’associé en ayant un rôle d’accompagnement et de conseils dans les premiers mois de l’installation – sans excès de paternalisme – pour l’aider à endosser le costume d’employeur parfois un peu trop large pour ses épaules. « Au démarrage, le plus dur a été d’appréhender le changement de statut et d’établir une nouvelle relation hiérarchique avec l’équipe officinale, je n’avais pas assez de poigne, confesse Jérôme. Mes associés sont intervenus pour recadrer un salarié et, en tant que cautionnaires, auprès de la banque. »
Son jeune âge lui a aussi joué des tours auprès de clients et de quelques médecins qui peinaient à croire qu’il était le nouveau titulaire. « J’ai repris la pharmacie tenue par la doyenne des titulaires, aussi le différentiel d’âge a surpris plus d’un ! » Dans peu de temps, la mission du commissaire aux comptes de la SELAS arrivera à son terme, ce qui ôtera une charge importante à la société. Cet événement va permettra de transformer la SELAS en SELARL et à Jérôme de prendre une participation majoritaire dans le capital de la société et de revêtir le statut de travailleur non salarié, comme cela était prévu initialement avec ses associés.
Touche pas à ma SELAS !
Strasbourgeoise, Carole Davidson s’est également installée rapidement après la fin de ses études : thèse soutenue en décembre 2008, installation en SELAS en mai 2009. Là encore, le stage a servi de tremplin à l’accession à la propriété. « Je l’ai effectué dans la pharmacie du père de mon futur associé », indique-t-elle. Le fils en question a sa propre officine dans une commune voisine et des participations dans une SELARL d’officine située à vingt kilomètres. « Dans cette pharmacie tenue par son associée, je faisais un remplacement de quatre mois quand, au bout de deux mois, la titulaire m’annonce qu’elle va vendre ses parts parce que son conjoint a été muté », raconte Carole.
Malgré les avis défavorables de son entourage (parents, avocat…), elle saisit l’opportunité qui lui est offerte de racheter sa participation. « C’était inattendu ! La pharmacie étant endettée, le prix des parts était faible et je ne souhaitais entrer dans le capital qu’à hauteur de 5 %, soit le minimum requis par la loi pour un pharmacien exploitant une SEL. » Elle n’a pas écouté les cassandres, détracteurs des SELAS, où l’argent détient le pouvoir. « On m’avait prévenue que j’allais beaucoup travailler sans pouvoir capitaliser et pour le compte d’une personne extérieure », ajoute Carole. Elle connaissait son associé pour avoir travaillé chez lui. « Je savais que je pouvais compter sur lui pour m’épauler au départ, sans pour autant qu’il ne s’immisce dans mes affaires, et lui téléphoner dix fois par jour si besoin ! Par ailleurs, nous avons convenu qu’il n’y aurait pas de distribution de dividendes et que s’il restait des bénéfices après remboursement des emprunts, ils seraient mis en réserve afin d’être réinvestis dans la société. »
La prise de risque était minime puisque, après transformation de la SELARL en SELAS, elle a apporté 5 000 € au capital, correspondant à 5 % des parts. Malgré cette faible participation, Carole a toute latitude pour gérer son entreprise. Et n’envisage pas de monter en capital dans l’immédiat, programmant plutôt un mariage et un achat immobilier. Carole précise qu’elle sera très embarrassée si le futur décret sur les SPF-PL (voir Le Moniteur n° 2948 du 15 septembre 2012) vient à supprimer la dissociation entre droits de vote et détention du capital – caractéristique première des SELAS – et interdisait les prises de participation majoritaire des pharmaciens investisseurs. « Je n’ai pas la capacité financière de racheter 45 % des parts de cette SELAS, et cela me désolerait de revenir à un statut d’adjoint », confie-t-elle. Depuis deux ans, elle défend les avantages des SELAS (faiblesse de l’apport, achat d’officines plus importantes, caution financière et professionnelle de l’investisseur, sécurité) auprès de l’Ordre et des syndicats pour elle-même, mais aussi au nom de tous les jeunes confrères qui ont peu de moyens.
Carole travaille en officine depuis sa première année d’études, lors des vacances scolaires et les samedis pendant le reste de l’année. Comme Jérôme, rien dans la gestion de l’entreprise ne l’a effrayée. Le point névralgique du jeune entrepreneur, est, concèdent-ils, son inexpérience de la gestion des ressources humaines. « Je suis partie avec une équipe neuve, plus jeune que moi, ce qui a beaucoup facilité mon apprentissage », reconnaît Carole. Comme d’autres jeunes titulaires, elle ne regrette pas l’aventure : « Elle est difficile au début, il faut beaucoup travailler, mais je n’ai eu aucun regret et encourage, si l’opportunité se présente, le jeune diplômé, expérimenté ou pas, à se lancer. »
Une annonce qui change tout
Dimitri Detres a obtenu son diplôme le 30 juin 2011 et s’est lui aussi engagé rapidement. Son installation à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) date du 5 décembre 2011. Il a su provoquer la chance. « J’ai passé une annonce à l’OCP indiquant que je recherchais un poste à responsabilités, soit un remplacement, soit une gérance. » Un cabinet de transactions prenant connaissance de son annonce contacte le jeune pharmacien de vingt-cinq ans : « On m’a interrogé sur mon apport personnel, mon expérience, mon lieu d’habitation, etc. Concernant le lieu d’installation, j’ai répondu que je ne cherchais pas spécifiquement à proximité de mon domicile et que j’étais prêt à quitter la région s’il le fallait. » En postulant pour un poste de gérant, Dimitri lance un double avis de recherche d’un cédant et d’un investisseur. « Mes parents, d’origine ouvrière, n’avaient pas les moyens de m’aider financièrement mais ils m’ont encouragé à m’installer rapidement, raconte-t-il. C’est en travaillant en officine tout au long de mes études que j’ai pu réunir 45 000 € d’apport personnel Mais il me fallait un autre associé pour apporter le complément et surtout défendre, non sans mal, le dossier de financement auprès de la banque. »
L’opération se réalise sur une petite officine de moins de 1 million d’euros située à… 5 kilomètres du domicile de Dimitri et à 15 kilomètres de la pharmacie de son sponsor. « Nous avons monté une SELARL dont j’ai 51 % des parts, et si la pharmacie progresse comme je l’espère, dans cinq ans je rachète les parts de mon associé ou je revends les miennes », annonce ce titulaire méritant.
Dimitri étant juste assisté d’une préparatrice de sept ans son aînée, il n’a donc pas été confronté aux affres de la reprise du personnel. « Les deux premiers mois ont été difficiles car il fallait recevoir les représentants des laboratoires, quand dans une petite structure comme la mienne, vous êtes très accaparé par le comptoir. » Il fait montre d’une certaine sérénité, évoquant son apprentissage de chef d’entreprise « sur le tas ». « Je me débrouille tout seul, mon associé me laisse gérer à ma guise et ne m’impose rien », apprécie Dimitri. Quant aux erreurs de jeunesse qu’il a pu commettre au démarrage, il est encore trop tôt, selon lui, pour s’en rendre compte. Il ne se met aucune pression et il a l’énergie pour lui, pour « tout donner » sur cette première installation.
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