Préparer un réagencement

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Publié le 20 janvier 2017
Par Francois Pouzaud
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La décision de rénover son officine est un acte majeur qui doit être bien réfléchi. En particulier, il ne faut pas se tromper sur l’enveloppe des travaux et leur faisabilité financière, afin que l’investissement ne se transforme pas en une dépense inutile.

La phase de préparation d’un réagencement est importante car la sécurité et la réussite d’un tel projet se gagnent en amont. Sa finalité s’apprécie sous plusieurs angles. « Un réagencement doit avoir un impact significatif sur l’attractivité de l’officine, la qualité du travail, l’amélioration du service rendu, la qualité de service et de l’offre, des effets sur la concurrence… », expose Jean-Marc Dominguez, président de Fahrenberger.

L’étape la plus délicate est certainement le chiffrage du projet et la détermination de l’enveloppe budgétaire idoine. En matière de travaux, un sous-investissement peut se révéler aussi dangereux financièrement qu’un surinvestissement.

QUEL budget prévoir ?

Avant toute chose, il faut fixer une enveloppe budgétaire et vérifier sa cohérence avec les capacités financières de l’entreprise. Il n’y a pas, à proprement parler, de budget moyen. En fonction de la qualité des matériaux et du mobilier, on peut donner une fourchette comprise entre 1 000 € et 1 500 € hors taxes par mètre carré. Mais Alain Viaud, président de Cap Agencement estime que le montant d’une rénovation doit se chiffrer poste par poste.

Selon Olivier Delétoille, expert-comptable du cabinet AdequA, on ne peut pas non plus parler de budget « raisonnable ». Il estime que la décision de faire des travaux ne doit pas se faire sur des critères purement mathématiques. « Je considère l’approche comptable comme “tueuse” de l’esprit d’initiative du pharmacien. Ainsi, même en cas de difficultés financières (de trésorerie), le repli sur soi (ne rien faire) peut être un danger… », observe-t-il. Le rôle du comptable étant de déterminer quel chiffre d’affaires supplémentaire doit générer ces travaux pour couvrir l’endettement. En clair, il s’agit de réaliser une étude prévisionnelle de résultat pour évaluer le risque de surendettement.

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Cette étude prend bien sûr en compte les nouveaux amortissements sur 5 ou 7 ans générés par les dépenses pour les travaux, et qui vont permettre d’alléger les impôts.

QUELS indicateurs respecter ?

Côté emprunt, il y a des ratios de gestion qui sont déterminants pour gagner la confiance de la banque et décrocher un prêt. Les chances seront réduites si le ratio d’autonomie financière (rapport entre les fonds propres et l’endettement total) est inférieur à 30-35 % et si la trésorerie correspond à moins d’un mois de CA HT. « La trésorerie est jugée suffisante quand elle est comprise entre 5 et 10 % du CA HT », précise Olivier Delétoille. Quel que soit l’endettement de la pharmacie, une banque accompagnera le projet si le bilan est équilibré. D’une manière générale il faut financer ses investissements avec des ressources stables à long terme (augmentation de capital, emprunt, apport en compte courant des associés) et non pas sur des ressources à court terme (fournisseurs, trésorerie), pour des raisons évidentes de prudence.

Si l’analyse du bilan révèle une insuffisance de trésorerie, rien n’est perdu mais il faudra en comprendre l’origine. Si la raison est structurelle (prix d’acquisition trop cher, rentabilité trop faible…), le projet ne pourra faire l’économie d’un refinancement de l’ensemble des dettes. Au risque de recevoir le véto de la banque…

« Le pharmacien peut également faire jouer une clause de modularité pour rallonger la durée du prêt et donc alléger les charges de remboursement mais toutes les banques ne proposent pas une telle clause dans leurs contrats », suggère François Gillot, expert-comptable du cabinet CAAG.

QUEL financement choisir ?

« Le pharmacien dirigeant ne doit jamais perdre l’occasion de financer à crédit ses investissements », rappelle Luc Fialletout, directeur général d’Interfimo. Surtout dans une période où les taux n’ont jamais été aussi bas. « Mieux vaut, d’une manière générale, épuiser toutes les possibilités d’endettement professionnel, afin d’autofinancer le plus possible ses investissements privés ou de conserver sa trésorerie pour les besoins à court terme de son exploitation ». Pour les travaux, « la meilleure durée de prêt est celle qui se rapproche le plus de la durée moyenne d’amortissement de l’investissement, soit 5 à 7 ans », précise François Gillot.

Si la banque n’apporte pas son soutien ou limite ses engagements, le pharmacien devra alors faire financer ses travaux par crédit-bail ou location financière ou par une augmentation de capital, par exemple en faisant appel à un investisseur dans le cas d’une SEL. Attention, toutefois ! Le crédit-bail est d’une durée assez courte – 4 à 5 ans –, donc l’impact sur la trésorerie sera plus fort les premières années.

Le B.A.-ba du choix du prestataire

La recherche. Opérer une sélection des agenceurs ou d’agences spécialisées en retail sur les conseils de confrères, d’autres commerçants. Ne pas hésiter à mettre en concurrence des spécialistes de la pharmacie avec des professionnels dans d’autres secteurs.

L’examen des projets. Programmer les rendez-vous sur place. Les discussions avec les commerciaux et l’analyse des devis et pré-études permettront un premier écrémage. Se fier à son feeling est important car l’agencement d’une officine est un réel travail d’équipe entre l’agenceur et le pharmacien.

Le comparatif. Évincer les études trop chères par rapport au budget défini, les propositions qui n’apportent rien par rapport à l’agencement actuel, les projets bâclés ou qui ne respectent pas les attentes exprimées… Le titulaire doit s’ingénier à détecter dans chaque proposition d’agencement quelques points originaux.

La synthèse des propositions. Vont rester en concurrence deux ou trois projets. Le chiffrage doit être aussi précis et explicite que possible, détaillé poste par poste.

La décision finale. Plusieurs critères entrent en ligne de compte : le prix à projet équivalent, les aspirations du titulaire, les délais de fabrication du mobilier, la date de démarrage du chantier, etc.

POUR EN SAVOIR +

→ L’ouvrage « solutions de gestion pour l’officine » aux éditions Le Moniteur des pharmacies, vous éclairera sur les orientations à prendre lors de vos décisions stratégiques (dont l’agencement).

Retombées

Faire preuve de prudence

Quant aux retombées positives d’un réagencement sur le CA, les prévisions doivent être prudentes. « Je table en général sur une croissance mesurée du CA de 0,5 % à 2 %/an, il peut arriver aussi que le retour sur investissement ne soit pas immédiat », indique François Gillot (cabinet CAAG). Pire, un nouvel agencement peut aussi générer une dégradation de la trésorerie. en effet, celui-ci s’accompagne très souvent d’une augmentation de la surface de vente et de l’exposition des produits, ce qui entraîne mécaniquement une augmentation du stock et un nouveau besoin en financement. « Les frais généraux peuvent également devenir plus importants : plus d’éclairages, plus de maintenance en cas d’extension du parc informatique ou d’investissement dans un automate », détaille François Gillot. Si cette augmentation n’a pas été anticipée et financée en interne, il n’est pas toujours facile ensuite de trouver auprès des partenaires financiers les lignes de crédit souhaitées.