Les ficelles du succès

Réservé aux abonnés
Publié le 4 juin 2013
Par Francois Pouzaud
Mettre en favori

Demain, c’est le grand jour ! Vous rencontrez un banquier pour solliciter un prêt qui vous permettra de réaliser votre projet d’installation. Nos conseils pour mettre toutes les chances de votre côté.

La recherche d’un financement est devenue de plus en plus ardue. Sur des dossiers solides qui faisaient antérieurement l’objet d’une certaine concurrence entre les établissements financiers, le repli en ordre est devenu la règle et les refus polis se multiplient. Autant dire qu’il faut présenter un projet bien ficelé…

Demander une somme réaliste

Les exigences des banquiers en matière d’apport personnel sont devenues très dissuasives. « Sauf contexte exceptionnel, en dessous de 20 à 25 % d’apport, le financement sera compliqué », annonce Jean-François Priou, responsable des professions libérales à la Bred. C’est pourquoi, de plus en plus souvent, un prêt est accordé sous réserve que le prix baisse. « Aujourd’hui, les banques hésitent de plus en plus à financer au-delà de 7,5 fois l’EBE. Ce ratio devrait encore chuter dans l’avenir », complète Henri-François Rolland, responsable BNP Entreprise Grand Nord. Et dans tous les cas, la banque ne finance pas plus de 100 % du prix du fonds et demande des garanties.

Démontrer son expertise

L’apport personnel n’est pas le seul élément déterminant. Le sérieux et le professionnalisme du futur chef d’entreprise seront de nature à amener un banquier à s’engager davantage. « On va notamment regarder l’expérience du pharmacien, son CV, son parcours professionnel : a-t-il déjà été gérant d’une officine ?, détaille Jean-François Priou. Avoir en face de soi quelqu’un qui peut prouver sa valeur de chef d’entreprise, c’est toujours mieux pour son dossier ». Stéphane Lang, installé à Weitbruch (67), est habitué à cet exercice délicat avec les banques. À plusieurs reprises, il a aidé un jeune à s’installer en SEL dans laquelle il prend des participations en tant qu’associé investisseur. Son expérience en la matière et le fait de passer par la même banque sont des atouts. « Travailler sur la relation de confiance plutôt que sur la mise en concurrence des banques optimise les chances d’obtenir un accord de crédit », explique-t-il. Et si c’est un jeune diplômé, seul, sans expérience de titulaire ? « On va juger sur les échanges si la personne est suffisamment mature pour gérer une pharmacie », répond Jean-François Priou. Comment, dans ce cas, convaincre la banque que l’on a le profil pour reprendre une officine ? À 25 ans, Julien s’apprête à s’installer en Normandie, sur ses terres d’origine. Il est actuellement en phase active de recherche d’un prêt. « Je suis conscient de mon jeune âge et de mon inexpérience, mais j’ai rassuré ma banque sur ma détermination en lui remettant une lettre de motivation lors du premier entretien. » Il y a mis en évidence son parcours professionnel, ses expériences en officine dans le giron familial, mais aussi ses motivations à s’installer, ses objectifs, son projet de développement de l’officine… « Le banquier a besoin de se faire un avis sur ma personnalité, lui-même devant convaincre son comité de crédit », ajoute-t-il.

Monter un dossier complet

Il convient d’établir un dossier complet et détaillé, avec un maximum d’éléments présentant l’officine à reprendre (historique, activité, situation, environnement), bilans et comptes de résultats antérieurs, etc. « Mon interlocuteur a été sensible au fait que ma pharmacie se situe au début d’une rue à sens unique, près d’une école et de la mairie », rapporte Julien.

Publicité

Insérer une étude géomarketing peut renforcer l’attrait du dossier. « À condition qu’elle soit de bonne facture, car si elle est bâclée, elle incitera au contraire à la prudence », met en garde Jean-François Priou. Avec son futur installé, Stéphane Lang prépare méthodiquement un volumineux dossier comprenant la présentation de l’officine et le business plan. Objectif : sécuriser point par point tous les risques, sans lésiner sur la précision des informations collectées (par exemple, l’âge des médecins, calculs fouillés sur le potentiel de développement…) et le nombre de documents (plans des locaux, bilans des autres pharmacies montrant qu’elles sont bien gérées, pacte d’associés…) « Le pacte doit montrer que l’association ne risque pas de déboucher sur des conflits ou des situations de blocage », précise-t-il. Pour faciliter la lecture du banquier, le résumé du projet tient sur cinq pages mais les pièces jointes en annexe peuvent représenter jusqu’à 200 pages !

Peaufiner son business plan

Pièce essentielle du dossier, le business plan doit être parfaitement bordé. « Il doit faire transparaître un projet réfléchi établi sur trois ans maximum, et ne peut être la traduction que de ce que le pharmacien a en tête pour développer son activité », conseille Jean-François Priou. Sur la forme, « il doit être synthétique et présenté avec conviction », précise Monique Sylvestre d’Interfimo. S’il y a des points faibles, il ne faut pas les passer sous silence. « Montrez que vous en avez connaissance et expliquez comment vous allez y remédier », invite-t-elle.

Sur des questions techniques relatives au bilan du prédécesseur, au plan de financement et au compte de résultat prévisionnel, le pharmacien doit être capable de répondre aux questions de la banque. « Sur le bilan, nous regardons en premier lieu la cohérence de l’évolution du chiffre d’affaires et, en cas de rupture brutale, demandons si les causes sont liées à des éléments qui peuvent être inversés (par exemple, une gestion du titulaire défaillante) ou à des conditions de marché (par exemple, l’arrivée d’un concurrent discounter) », rapporte Henri-François Rolland. Sur des hypothèses d’évolution du CA trop optimistes, même curiosité. « Une prévision de croissance de 2 ou 3 % doit se fonder sur des arguments solides : une modification des horaires, un changement favorable du contexte du marché, une approche commerciale dynamique, une rénovation de la pharmacie, etc., poursuit-il. Nous devons nous assurer de la capacité à durer de l’officine et du reste à vivre pour son titulaire. S’il ne reste que 30 000 à 35 000 euros pour le foyer, le prêt sera refusé. »

Marche à suivre

Pour un dossier sans fautes

Pour être « vendeur », la demande de financement doit être illustrée (insérer des photos de la pharmacie…), claire (présentation pour convaincre, tableaux, graphiques), chiffrée et cohérente (avec les données du marché).

On peut la structurer en 6 parties :

• Présentation générale

• Les acteurs

• La structure juridique

• Le marché : opportunités/menaces

• L’affaire visée : forces/faiblesses

• Le projet financier (avec le concours de l’expert-comptable) : plan de financement, comptes de résultats prévisionnels, plan de trésorerie prévisionnel.

Et aussi…

La part de chance

L’analyse des risques n’est pas une science exacte. La banque peut rejeter un projet viable et, inversement, financer un dossier qui aurait dû être écarté. « La banque essaie d’être rationnelle mais parfois prend quelques libertés avec les règles bancaires parce qu’il y a aussi une part d’intuition », livre Jean-François Priou de la Bred.