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Le grand retour des petites officines ?
Bien qu’inachevée, l’année 2015 n’a pas su faire oublier les mauvais résultats de 2014. Le marché est toujours pénalisé par le manque de confiance des acquéreurs. Néanmoins, il s’est trouvé un allié au travers de la courbe croissante du chômage des adjoints qui prennent consience qu’il reste des opportunités d’installation dans les petites officines.
Le bilan de l’année 2014 n’a été guère brillant. En deux mots : une troisième année consécutive de baisse en volume avec 6 % de cessions de fonds en moins qu’en 2013, compensée par une hausse de 20 % des cessions de parts sociales, et des prix toujours tirés à la baisse, en moyenne à 80 % du CA HT ou 6,5 fois l’EBE. Ce qui reste insuffisant pour que vendeurs et acquéreurs tombent d’accord.
Cette page étant (vite) tournée, le cru 2015 a-t-il été meilleur ? Pas vraiment. Luc Fialletout, directeur général d’Interfimo, constate que l’animation du marché s’est détériorée au cours du premier semestre 2015. « Le nombre de mutations de fonds continue de baisser sans que cela soit compensé par une accélération des ventes de parts sociales. Cette atonie durable du marché est préoccupante et anormale, car sauf profonde modification touchant aux monopoles de dispensation et de propriété des pharmacies, les fondamentaux sont toujours là : vieillissement de la population, augmentation des coûts des nouveaux traitements, accroissement du maintien à domicile des patients, consécration du rôle d’acteur de santé du pharmacien… »
Il est vrai que l’instabilité dans tous les domaines, politique, économique, professionnelle et fiscale, n’incite pas les pharmaciens à avoir des comportements d’entrepreneurs audacieux. Y compris chez ceux déjà installés, dont la capacité à investir dans d’autres officines que la leur a été refroidie par l’épisode des SELAS. Rappelons que, depuis un décret datant du 6 juin 2013, la majorité du capital social de la SEL de pharmacie doit être détenue par les pharmaciens exerçant leur activité au sein de l’officine.
En attendant la vague des départs à la retraite…
Cette absence de mobilité interne ne durera évidemment pas éternellement. Différée, la vague des départs en retraite finira par déferler. Et il y aura une reprise mécanique du marché. Mais quand ? Les cabinets de transaction, les experts-comptables et les juristes s’accordent à dire que les prix continuent de chuter, de 5 à 10 points, selon la taille et l’emplacement des biens, mais chaque acteur a un ressenti différent selon son propre volume d’affaires.
Annie Cohen-Wacrenier, avocate du cabinet ACW Conseil, constate une légère reprise en trompe-l’œil du marché dès novembre 2014. Un regain d’activité dû, selon elle, à des apports de fonds à des SEL ou à des ventes à des SPF-PL. Ces opérations sur le capital ne sont donc pas à proprement parler des mutations. « Le marché devient néanmoins plus raisonnable, les vendeurs sont moins exigeants sur les prix, et malgré le nouveau régime des SELAS, beaucoup de patrons installent encore un ancien adjoint et acceptent d’être investisseurs en SEL en qualité d’associé minoritaire », explique-t-elle
Les cessions de titres de SEL à l’IS (impôt sur les sociétés), après un frémissement en 2014, ne semblent pas prendre plus que cela le relais des mutations de fonds dont le nombre continue à décroître. Selon les cabinets de transaction, ces cessions de parts ne représentent que quelques pourcentages à 30 % du volume total des ventes réalisées. Les actes sont plus complexes que pour les ventes de fonds de commerce, ils doivent être bien expliqués afin qu’il y ait moins d’appréhension.
« Dans certains cas, où les valeurs de parts sont faibles ou en présence d’une moins-value de cession importante, les comptes de sortie que nous réalisons pour les vendeurs montrent peu de différence sur le plan fiscal selon les scénarios et le plus simple est alors de vendre le fonds, ce qui satisfait l’acquéreur qui peut alors apporter une vraie garantie au banquier », explique Rémi Dubigeon, du cabinet de conseil en transaction POD.
On peut vivre d’une petite pharmacie
Les petites affaires de quartier, de bourg ou de zone rurbaine préservées de la concurrence trouvent encore preneurs à des prix, en proportion du chiffre d’affaires hors taxes, plus importants que ceux de leurs homologues des grands centres urbains qui, elles, ne se vendent pas. En revanche, dans les grandes métropoles comme à Paris, les meilleurs emplacements sont surpayés. « Des officines de 7 à 8 millions d’euros de chiffre d’affaires sont rachetées cash par des pharmaciens grâce à des fonds d’investissement au travers de systèmes », soutient Annie Cohen-Wacrenier. En regard de cet extrême, en dehors des grandes villes, le marché des petites transactions se maintient. « On arrive sur ce type de biens à intéresser des primo-accédants avec un faible apport, explique Michel Watrelos, expert-comptable du cabinet Conseils et Auditeurs Associés. En les achetant à 50 % ou moins du chiffre d’affaires, ils ne prennent aucun risque et vivent correctement de leur outil de travail. »
Le marché de l’emploi, de plus en plus difficile pour les adjoints, fait mûrir ce type de décisions. Car l’installation dans de bonnes conditions laisse entrevoir une sécurité de l’emploi et le choix d’être son propre patron. D’autant que, si le chiffre d’affaires est un critère important, ce n’est pas parce qu’une pharmacie fait du chiffre qu’elle est rentable. « Combien d’officines petites ou moyennes avec peu de charges s’avèrent très rentables, surtout en première installation ? Et c’est une excellente façon de se fabriquer un apport personnel qui permettra ensuite d’acquérir une pharmacie plus importante », analyse avec bon sens François Gillot, expert-comptable du cabinet CAAG
IL A CONTRIBUÉ À CE NUMÉRO
Jean-Christophe Hurel, président du directoire d’Interfimo
CHIFFRES CLÉS
• 27 380 titulaires
• 21 772 officines
• Exploitation individuelle : 6 541
• SNC : 2 922
• SEL : 8 053
• EURL : 2 210
• SARL : 1 910
Au 1er janvier 2015 (source : Ordre national des pharmaciens)
OÙ ET COMMENT S’INSTALLENT LES JEUNES ?
Depuis le début de l’année 2015, 346 pharmaciens de moins de 35 ans sont devenus titulaires*. On en compte au total 2 197 dans cette tranche d’âge.
Ces jeunes titulaires sont plus nombreux en Ile-de-France (348), en PACA (227), en Rhône-Alpes (182), dans le Nord-Pas-de-Calais (171), en Languedoc-Roussillon (136) et en Aquitaine (127).
Ils exercent en majorité en SELARL (1312 titulaires), mais aussi de manière bien moins fréquente en SARL (269) et SELAS (223).
L’exercice en SNC n’a été choisi que par 97 titulaires de moins de 35 ans, l’entreprise individuelle concerne 88 d’entre eux et seulement 73 jeunes titulaires exercent en nom propre.
* Chiffres arrêtés au 19 octobre 2015 (source : Ordre des pharmaciens).
Jean-Christophe Hurel Président du directoire d’InterfimoUne nouvelle donne en 2016
Les prochaines transactions (ventes, associations, regroupements) vont s’appuyer sur des bilans comptables 2015 qui retraceront « l’année I de la nouvelle rémunération ». Baisse de la marge dégressive lissée, apparition des honoraires de dispensation et d’ordonnances complexes, basculement de tout ou partie des prestations en « remises » (jusqu’à 40 %), enregistrement des rémunérations sur objectifs de santé publique et des nouvelles missions (AVK, asthme…), soit en recettes, soit en subventions d’exploitation… Plus que jamais, les pharmaciens vont avoir besoin de leurs experts-comptables pour analyser leurs performances et les comparer à celles des exercices antérieurs. Ces éléments risquent d’amplifier les difficultés d’interprétation chez les acquéreurs potentiels et leurs banquiers financeurs : il leur fallait déjà intégrer une évolution économique contradictoire (baisse des CA versus une hausse des marges), un environnement de marché déroutant (baisse historique des taux, mais disparition de l’inflation) et des transactions d’un type nouveau (ventes de parts de SEL financièrement complexes mais fiscalement favorables avec les SPF-PL et les réductions de capital). Ces complications apparaissent au moment même où la profession a un grand besoin de mobilité pour remplacer les titulaires en âge de prendre leur retraite (qui ont doublé en 10 ans), restructurer le réseau et intégrer les jeunes pharmaciens. Tout cela va, en tout cas, favoriser un consensus pour asseoir la valorisation des pharmacies à partir de leur rentabilité (prix exprimé en multiples de l’EBE et non plus en pourcentage du CA).
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