Comment amortir le fonds commercial sur un coussin

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Publié le 22 octobre 2022
Par Francois Pouzaud
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La mesure temporaire de l’amortissement du fonds commercial est une aubaine, selon Olivier Delétoille. Cet expert-comptable estime que les risques signalés pour l’acquéreur peuvent être facilement écartés.

Surenchère sur les prix de cession, réduction des fonds propres de l’entreprise, résultat faible voire négatif, gel des décisions stratégiques à moyen terme du pharmacien, sortie coûteuse en matière de plus-values de cession… Les conseils ont appelé jusqu’ici les acquéreurs à beaucoup de prudence avant de se positionner sur l’option d’amortissement du fonds commercial. Il faut arrêter d’agiter les chiffons rouges, selon Olivier Delétoille, expert-comptable du cabinet AdequA.

Concernant les conséquences négatives de l’amortissement fiscal (possibilité de pertes comptables qui impacteront les capitaux propres, devenant inférieurs au capital ou même négatifs, incapacité de la société à remonter des dividendes), il ne voit pas de difficulté pratique. « L’objectif est de constituer une société nouvelle qui acquerra un ou plusieurs fonds (en cas de regroupement) financés par les apports des pharmaciens en capital et comptes courants d’associés et complétés traditionnellement d’un emprunt bancaire, explique-t-il. La priorité est donc de rembourser les dettes avec le cash-flow dégagé, nettement amélioré du fait de l’absence ou de la faiblesse des impôts à payer. Si jamais les résultats sont meilleurs que prévus et si la trésorerie prévisionnelle est positive, il apparaîtra justement que les capitaux propres seront suffisants pour remonter des dividendes. »

Olivier Delétoille concède toutefois que l’existence de pertes comptables dans la société pourrait chagriner les banques en cas de sollicitation d’un prêt (pour des travaux, par exemple), mais il est encore tôt pour prédire leur réaction sur ce sujet. Pour éviter que les dotations aux amortissements annuels ne pèsent trop sur les comptes de l’entreprise en faisant apparaître des capitaux propres négatifs, l’expert-comptable conseille de retenir une durée d’amortissement plus longue, de 20 ans par exemple, et de l’interrompre au bout de 10 ans, l’administration ayant émis une opinion favorable dans une réponse à un rescrit dont il est à l’origine.

Revendre des parts de société à l’IS

Une autre mise en garde porte sur la plus-value à terme (calculée sur la valeur nette comptable du fonds qui est nulle au terme des 10 ans d’amortissement pratiqués), égale au prix de cession. Pour Olivier Delétoille, le risque de fiscalité latente lors de la revente n’a pas de sens si la société ayant constaté une provision pour dépréciation totale est à l’impôt sur les sociétés (IS). « En effet, le pharmacien sortira en cédant ses titres de société et non en vendant le fonds », souligne-t-il. Et de remarquer que cette situation est survenue dans le passé pour celui qui avait créé son officine au travers d’une société pour laquelle il avait opté à l’IS. La structure du haut de bilan était assez simple avec, à l’actif, un fonds de commerce non valorisé et, au passif, des capitaux propres faibles (mais s’ils étaient élevés, il était courant alors que la trésorerie le soit aussi !). « Le pharmacien, en sortant, a presque toujours cédé les titres de sa société et la problématique de la non-valorisation du fonds de commerce à l’actif n’a pas été un obstacle, il en sera de même pour les SEL qui amortiront les fonds de commerce sur 10 ans », affirme-t-il. « Néanmoins, le raisonnement n’est pas du tout le même pour les contribuables qui choisiraient de soumettre leurs résultats à l’impôt sur le revenu (IR), signale Anne-Sophie Brunel, avocate du cabinet RDB Associés. Plus tard, la revente du fonds ou des titres de la société à l’IR révèlera une plus-value taxable, de sorte que les avantages de l’amortissement du fonds pendant 10 ans partiront en fumée à la sortie. »

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