À quels booster d’apport se vouer ?

Réservé aux abonnés
Publié le 29 mars 2018
Par Francois Pouzaud
Mettre en favori

La nature a horreur du vide. Comme les modes de financement pour soutenir les pharmaciens investisseurs étaient souvent insuffisants pour faire tomber le prix du ticket d’entrée à la titularisation, les groupements se sont naturellement immiscés dans le monde de la finance. Objectifs : faciliter l’installation des jeunes et éviter que les fonds d’investissement spéculatifs n’interviennent insidieusement par le biais d’obligations, qui permettent d’accéder au capital lorsqu’elles sont convertibles. « L’offre alternative de financement des groupements est liée à l’arrivée de la déferlante des fonds d’investissement, tels que Sagard », explique Christian-éric Mauffré, président du groupe Ceido Santé. Pour éviter que les futurs titulaires ne cèdent aux sirènes des capital-risqueurs, « le marché des officines se structure en enseignes et les groupements sont confrontés à une crise de croissance et au développement du nombre de leurs adhérents », ajoute Alexis Berreby, président et co-fondateur de Leader Santé. De plus, « la vague du papy-boom arrive, la nécessité de renouveler la profession oblige à remettre les jeunes au centre du dispositif de l’installation », poursuit-il. « Dans cinq ans, 5 000 pharmacies seront à la vente », indique Guillaume Champault, directeur commercial en charge du réseau Giphar.

OBTENIR un prêt personnel Interfimo

Face à ce challenge générationnel, les groupements ont imaginé différents outils pour monter la première marche de l’installation. L’offre de financement la plus répandue et commune à plusieurs groupements (Giphar, Pharmactiv, Pharmavie, PHR, Leader Santé…) est issue du partenariat avec Interfimo, le banquier des professions libérales : un prêt personnel réservé aux primo-accédants d’un montant maximum de 150 000 € sur neuf ans (dont quatre ans de franchise en capital), proposé à un taux cohérent par rapport au marché. Un prêt sans risque pour le souscripteur de perdre son indépendance et d’être confronté au mur de la dette. « Cette offre existe depuis 2013 chez Pharmactiv et il n’y a pas de difficultés particulières avec ce prêt », rapporte Guillaume Morel, responsable des solutions de financement de l’OCP et de l’analyse technique des dossiers de financement présentés par Pharmactiv.

LE MONTAGE du crédit in fine

Pour que les échéances de remboursement ne pèsent pas économiquement sur les finances de la pharmacie pendant sa phase de développement, les groupements proposent aussi des crédits in fine. C’est le cas, par exemple d’HPI. « Le prêt HPI est de douze ans maximum avec un taux de trois points de plus que le taux bancaire classique, avec possibilité de remboursement anticipé sans pénalités », décrit Jean-Philippe Carré, pharmacien responsable du développement de HPI. C’est dans cette même logique que l’OCP a développé l’offre Initio, « dont peuvent également bénéficier les pharmaciens s’installant à l’enseigne Pharmactiv », souligne Guillaume Morel. Pour garantir la sécurité et la viabilité des projets, les groupements n’hésitent pas à se porter caution auprès des banques partenaires. Leader Santé ne se donne pas de limites et peut être amené à cautionner jusqu’à 400 000 € de prêt complémentaire. « De plus, sous réserve que son dossier soit accepté par la commission du groupement, le jeune peut recevoir une dotation de 25 000 € financée sur les fonds propres de Leader Santé et qui peut être cumulée avec notre booster d’apport », précise Alexis Berreby. La contrepartie ? Une fidélité de neuf ans au groupement.

LE CRÉDIT COOPÉRATIF : avantage/ inconvénient

Les groupements organisés sous forme de coopérative (Giphar, Giropharm, Astera…) ont accès aux fonds coopératifs de la Socorec, une société financière constituée pour le financement de commerçants de groupements indépendants. Ce type de concours, qui bénéficie aussi d’un différé d’amortissement, permet de doubler l’apport personnel dans une certaine limite. Son avantage : « Le risque est attaché à la société qui emprunte, de plus le prêt Socorec est accordé quelle que soit la banque qui finance le prêt principal, alors que le prêt Interfimo ne peut fonctionner qu’avec Le Crédit Lyonnais », précise Guillaume Champault. Son inconvénient : « L’intérêt annuel de 3,5 % est le reflet du risque pris par la Socorec », souligne Emmanuelle Stuber, responsable du pôle juridique et social de Giropharm.

ÉVALUATION du projet et du futur titulaire

Loin d’être un effet de mode, les boosters d’apport sont partis pour durer. « L’exposition au risque est plus important dans un contexte de décroissance de l’activité, il faut donc le répartir en utilisant plusieurs véhicules de financement », explique Christian-éric Mauffré. S’il n’a pas d’objection de principe à cumuler deux crédits, Joffrey Blondel, directeur gestion officinale Astera, reste mesuré quant au recours au booster d’apport. « Il peut fragiliser le plan de financement et conduire à un endettement exagéré, il faut donc l’utiliser avec précaution et discernement », invite-t-il. Les groupements en sont conscients, c’est pourquoi ils analysent scrupuleusement les projets et sont très vigilants sur les prix d’acquisition. Le booster d’apport, ça se mérite aussi. « Compte tenu des enjeux financiers, les risques doivent être calculés et maîtrisés, explique Alexis Berreby. Les jeunes qui sollicitent notre aide doivent se soumettre à un « assessment » au cours duquel sont appréciées les compétences professionnelles du candidat, ses qualités entrepreneuriales et managériales. » Si le score obtenu est endessous du seuil d’admission, rien n’est perdu. Le candidat a le droit à une seconde chance et une séance de rattrapage, moyennant une mise à niveau.

Publicité

LE CAS DU MOIS

Des prix de cession plus raisonnables, des taux d’intérêt faibles, un effectif de titulaires en âge de prendre leur retraite qui n’a jamais été aussi important… C’est le bon moment pour vous de vous installer. Mais voilà, l’apport personnel reste votre talon d’Achille et les banques se montrent de plus en plus prudentes. À juste titre, puisque de nombreuses pharmacies voient leur activité chuter et les fermetures se sont accélérées.

Comment booster votre apport si vous ne pouvez pas compter sur une aide familiale ? À quelle porte frapper pour trouver du cash ? Les fonds d’investissement ? Non merci. Les requins de la finance, très peu pour vous, vous êtes trop attaché à votre indépendance.

Dans ce cas, tournez-vous vers les groupements, l’installation des jeunes, c’est devenu leur cheval de bataille.

LES EXPERTS

Christian-Éric Mauffré

PRÉSIDENT DE CEIDO SANTÉ

Emmanuelle Stuber

RESPONSABLE DU PÔLE JURIDIQUE ET SOCIAL DE GIROPHARM

Guillaume Morel

RESPONSABLE DES SOLUTIONS DE FINANCEMENT DE L’OCP

Guillaume Champault

DIRECTEUR COMMERCIAL CHEZ GIPHAR

Jean-Philippe Carré

PHARMACIEN RESPONSABLE DU DÉVELOPPEMENT DE HPI

Alexis Berreby

PRÉSIDENT DE LEADER SANTÉ

Joffrey Blondel

DIRECTEUR GESTION OFFICINALE ASTERA

Conditions d’emprunt

Le profil du titulaire est déterminant

Mélodie Caudron-Nigar Titulaire à Sèvres (92)

Pour acheter une officine de centre-ville, de taille moyenne à Sèvres (92), Mélodie Caudron-Nigar a fait appel à un financement complémentaire, pour augmenter son apport personnel de 100 000 euros. En s’adressant à un groupement, elle n’a eu que l’embarras du choix. Les modalités de financement étant assez proches, ce sont d’autres critères qui ont fait la différence. « J’ai choisi Giphar, car c’est le groupement le plus en adéquation avec mon éthique professionnelle. Cette enseigne est respectueuse de l’indépendance du pharmacien et les contraintes d’adhésion sont raisonnables. Un totem et un macaron comme seuls éléments de signalisation de l’enseigne, ce n’est pas trop demandé. » Par ailleurs, elle était au parfum de l’offre d’accompagnement « main dans la main » de Giphar, puisqu’elle avait suivi, dans la phase d’avant-projet, le séminaire réservé aux adjoints qui souhaitent mettre le cap sur l’installation. « Giphar s’est aussi montré le plus réactif. » Le plus difficile n’a pas été de convaincre son banquier, mais de ne pas se tromper de solution pour doubler son apport. « Le choix de financement dépend du profil du titulaire. Le prêt Socorec me paraissait au départ plus intéressant, car il est supporté par la société. » Au final, elle a opté pour le prêt personnel Interfimo, plus avantageux sur les taux d’intérêts (2,58 %, contre 4 % pour le prêt participatif). « N’ayant pas d’emprunt en cours, je peux me le permettre. En cas de projet d’acquisition d’un bien immobilier, il sera toujours possible de le renégocier, », explique-t-elle.

AH OUI !

À l’échéance d’un prêt in fine, le remboursement pourra se faire sur les fonds propres, par la souscription d’un nouvel emprunt ou le ré-étalement du crédit principal.

OH NON !

Passer par des obligations convertibles en actions. Si un jour les textes changent, le jeune titulaire pourrait se retrouver avec des associés non pharmaciens sans qu’il l’ait voulu.