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« Les officines deviennent plus agressives entre elles »
Grégory Reyes est l’un des rares universitaires à s’intéresser au management de l’officine. Quel rôle joue l’identité du titulaire sur sa façon de considérer son métier ? Comment les groupements interviennent dans la gestion d’une officine ? Il nous livre les premières conclusions de ses recherches.
« Pharmacien Manager » : Vous avez travaillé sur l’identité des titulaires. Quels sont leurs profils types ?
Grégory Reyes : Il existe deux cas de figure. Du fait de son double statut, le pharmacien va osciller entre le professionnel de santé, investi d’une mission de santé publique pour laquelle il a une vocation, et le commerçant, un métier qu’il apprend sur le tas. Il fait évoluer ses pratiques selon où il se positionne entre ces deux extrêmes.
P.M. : Comment organiser son entreprise en fonction de son identité ?
G.R. : D’abord, il faut prendre conscience de cette double identité et de cette tension, avant d’orienter sa pratique et son organisation vers l’une ou l’autre. Celui qui se reconnaît prioritairement comme professionnel de santé doit gérer son entreprise dans une logique de proximité. Cela nécessite de développer ses compétences techniques pour les nouvelles missions. Cela suppose que les pouvoirs publics permettent d’augmenter le type de missions et mettent en place une logique de rémunération adaptée, afin de garantir une compensation financière à l’investissement humain consacré à ces nouvelles tâches. Le pharmacien a aussi l’obligation de trouver des moyens économiques pour assurer une clientèle constante. Soit en créant une maison de santé, soit en se rapprochant d’un médecin.
L’espace de vente doit être organisé pour favoriser la proximité, y compris avec des zones de confidentialité. Le titulaire doit être présent au comptoir. Enfin, l’équipe doit être bien formée. Les rôles de chaque collaborateur seront sans doute de plus en plus compartimentés.
P.M. : Et pour le titulaire qui se sent davantage commerçant ?
G.R. : Dans cette situation, le titulaire assume pleinement son rôle de gestionnaire de la distribution pharmaceutique. Son objectif : développer son commerce pour supporter l’ensemble des charges de structures, faire face à l’évolution des réglementations… En tant que dirigeant, il consacre moins de temps au comptoir. Ce titulaire va donc déléguer et animer l’équipe. Il va recruter des adjoints formés aux compétences techniques des missions de santé. Lui, il focalise son attention sur l’optimisation, la rationalisation et le développement de l’entreprise. Il doit alors développer ses compétences managériales, c’est-à-dire se former au merchandising, au management d’équipe, assurer un vrai contrôle de gestion avec des tableaux de bord… Il gère au plus juste. C’est un homme-orchestre. Il est très présent en amont de son activité – auprès de ses fournisseurs –, mais aussi en aval. Il sait ce que le client veut.
P.M. : La dualité entre professionnel de santé et commerçant est-elle mieux assumée aujourd’hui ?
G.R. : Non, au contraire, c’est pire. Et ce, en raison du contexte : le pharmacien est obligé de changer d’attitude vis-à-vis de ses clients et de ses confrères. Sans compter qu’il est toujours obligé de concilier avec les pouvoirs publics. Il lui est donc difficile de suivre un cap précis. Mais ces contraintes vont dicter les évolutions futures du métier. Le client a vraiment changé : il a moins de pouvoir d’achat, il est volatil, il compare les prix, s’informe sur Internet, dispose de nombreux moyens d’approvisionnement… Le pharmacien, enfin, a lui aussi évolué. Il s’est adapté à ce client, est devenu plus compétitif. Autrefois, il se limitait à montrer du doigt la grande distribution. Finalement, la menace des grandes surfaces s’est essoufflée. De même, on a eu peur d’Internet. Là aussi on se rend compte que ce type de commerce est très réglementé, assez spécifique. Il ne permettra pas des développements tels qu’imaginés. En réalité, ce sont les officines qui deviennent plus agressives entre elles.
P.M. : Selon votre étude, quelle est l’influence d’un groupement sur la pratique du pharmacien ?
G.R. : Dans une première phase qualitative, nous avons interrogé des pharmaciens de groupements pour comprendre leur positionnement sur le marché et à quoi sert le groupement. Nous avons identifié trois logiques. La première est une logique transactionnelle où le groupement est une plate-forme d’achat. L’objectif est de proposer des produits à prix attractifs pour l’adhérent. La deuxième est une logique de partage de ressources. Le groupement propose des services spécifiques comme le merchandising, le conseil ou le client mystère pour aider les adhérents dans leur pratique au quotidien. La troisième, plus ambiguë, plus rare mais en développement, est la logique d’encastrement. Le groupement permet un échange et un capital relationnel entre ses membres. On le rejoint par exemple pour confronter les pratiques des uns et des autres. Cela concerne notamment des groupements réservés à de très grosses officines, avec peu de membres. Cette logique est impossible dans les groupements où on compte les adhérents par millier.
P.M. : Comment voyez-vous les groupements évoluer ?
G.R. : Actuellement, la logique de partage de ressources est très dynamique. Elle répond à un besoin du pharmacien qui a un manque de connaissances managériales pour gérer l’entreprise. Côté remises, les groupements rencontrent des difficultés à se positionner et se légitimer dans le canal de distribution du médicament. De fait, de nombreuses officines parviennent en direct à obtenir les mêmes conditions d’achat qu’un groupement. Elles se demandent alors pourquoi cotiser. Le groupement a donc intérêt à développer des services spécifiques d’aide au développement officinal.
P.M. : Assistons-nous à un virage décisif pour les groupements ?
G.R. : Beaucoup sont en plein questionnement. De plus, il y a saturation de groupements, entre les nationaux, les régionaux, les non-officiels… Ils se retrouvent en concurrence. On n’est plus dans une logique d’adhérent mais dans une logique contractuelle qui ne peut plus être basée uniquement sur les conditions d’achats. Les groupements ne sont plus attendus sur ce point. Du coup, certains sont en train de se positionner comme accompagnateur.
Grégory ReyesEnseignant chercheur à l’IAE de Poitiers
Titulaire d’un doctorat en sciences de gestion sur la structuration des petites et moyennes entreprises, Grégory Reyes a soutenu une thèse sur « la structuration de l’activité commerciale des entreprises françaises de taille moyenne ». Depuis, il s’intéresse plus précisément aux dirigeants propriétaires des TPE et en particulier au management de l’officine. Il intervient ponctuellement pour des groupements et à l’EMBA Management & marketing de l’officine à l’école de management de Strasbourg. Il tient le blog Gregoreyes.free.fr/La_pharmacie_vue_par_un_gestionnaire.
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