LA RENTABILITÉ MANQUE DE RESSORT

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Publié le 16 mai 2015
Par Francois Pouzaud
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Installer un distributeur automatique de parapharmacie apporte un service de proximité différenciant et de dépannage sur des produits de première nécessité. Mais, en termes de rentabilité, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Le chiffre d’affaires généré permet juste de financer l’investissement.

Il n’y a guère plus de 200 distributeurs automatiques de parapharmacie installés dans l’Hexagone. Les passants les remarquent alors d’autant mieux. A Thiézac, une commune du Cantal, l’automate Pharma 24 proposé par Alliadis est devenu l’attraction des touristes qui séjournent à la station de sports d’hiver Le Lioran. « Certains le photographient pour le montrer à leur pharmacien à leur retour », précise Sandrine Taillandier, cotitulaire de la pharmacie.

Cet espace de vente, directement accessible depuis l’extérieur de la pharmacie, est, en effet, très apprécié partout où il est implanté, parce qu’il apporte un service de dépannage à tout moment, 24 heures/24 et 7 jours/7. « Nous avons installé cet automate dans notre vitrine lorsque la pharmacie du Lioran a fermé pour profiter des retombées du tourisme d’hiver et d’été, explique la pharmacienne. Cela permet aussi de répondre au besoin d’autonomie sur les produits de première nécessité des habitants du village pendant les heures de fermeture. »

A Ouistreham, dans le Calvados, c’est la présence d’une importante clientèle de passage avec le trafic du ferry pour l’Angleterre (Portsmouth) qui a décidé Jacques Agulhon, titulaire de la pharmacie du Port, à installer La Petite Parapharmacie, de la société RETinCO. « Le but premier n’est pas de faire plus de chiffre d’affaires, mais de me démarquer en termes de services et d’image », précise-t-il. Le service, c’est par exemple offrir aux clients discrétion et confidentialité sur les produits liés à l’intimité. « Le plus gros des achats via l’automate concerne les préservatifs et gels lubrifiants, dont les ventes se sont envolées », poursuit-il.

Idéal pour une clientèle de passage

A l’officine de Michael Habib, titulaire de la pharmacie Centrale de l’Est, près de la gare de l’Est à Paris, la présence de La Petite Parapharmacie convient au client pressé qui a son train à prendre en pleine heure d’affluence.

Fabienne Bonassoli, titulaire à Roissy-en-France (Val-d’Oise) a dû faire face aux besoins d’une autre catégorie de voyageurs. « Je suis située près de l’aéroport et entourée d’une dizaine d’hôtels. Avec les voyages internationaux, beaucoup de touristes et clients d’affaires embarquent très tôt le matin ou très tard le soir. Or, la pharmacie n’étant ouverte que 40 heures par semaine, il fallait trouver une solution pour répondre à leurs achats de dernière minute », explique-t-elle.

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Les marques internationales sont d’ailleurs très présentes dans son automate : Listérine bain de bouche, crème antimoustiques Cinq sur Cinq, solution Renu en contactologie… mais aussi une grande variété de produits : couches bébé, laits infantiles, déodorants, produits antipoux. Les hôtels environnants ont pris l’initiative de déposer des flyers à la réception pour faire connaître ce service aux clients. Sur place, l’automate est illuminé en permanence et les produits sont facilement visibles de l’extérieur au travers d’une vitrine rétro-éclairée.

Une gestion comptable simple

A part regarnir les rayons, changer le rouleau de carte bleue et récupérer la caisse des espèces, l’automate ne demande aucune autre attention particulière. La maintenance est peu élevée et les pannes sont exceptionnelles. Quant au vandalisme, il est plutôt rare, de l’avis des pharmaciens interrogés. L’enregistrement des recettes dans la comptabilité reste à la discrétion de chacun. Sandrine Taillandier renseigne dans l’ordinateur deux montants sur la ligne « client Pharma 24 », correspondant aux recettes espèces et CB déjà créditées sur le compte. « Les recettes de l’automate sont transmises à mon expert-comptable tous les deux ou trois mois environ », précise-t-elle.

Fabienne Bonassoli est plus régulière : elle enregistre ses ventes tous les trois jours et communique le total des recettes à son cabinet comptable à chaque fin de mois. « Les CB sont créditées sous quinze jours, et, grâce à une application Web utilisant une connectique GPRS, je peux suivre mes ventes, gérer le stock et extraire des données. »

Pas de rentabilité immédiate

Souvent, le chiffre d’affaires réalisé reste mesuré, le distributeur étant là pour parer aux éventuelles urgences. Il diffère néanmoins selon l’emplacement et la typologie de la pharmacie. La recette journalière du Pharma 24 de la pharmacie de Thiézac est de l’ordre d’une vingtaine d’euros (hors périodes de vacances). L’automate est financé en crédit-bail, qui expire dans deux ou trois ans, mais, compte tenu du faible chiffre d’affaires réalisé, la titulaire estime que cet investissement n’est toujours pas rentabilisé.

En outre, la marge dégagée couvre à peine les remboursements d’emprunt, les charges de crédit-bail ou de location financière. Constat unanime parmi les pharmaciens équipés. « Le chiffre d’affaires mensuel réalisé est de 600 €, pour une marge moyenne de 30 %, ce qui couvre le montant de la charge locative, précise Michael Habib. S’il n’est pas plus élevé, c’est aussi en raison de la large amplitude des horaires d’ouverture de la pharmacie, soit de 7 heures à 20 h 30. »

Fabienne Bonassoli rembourse 450 € par mois sur cinq ans. « En mars, la recette a été de 610 € mais, en période estivale, elle peut monter jusqu’à 1 000 € ! La machine sera rentable quand elle sera finie d’être payée ».

Même son de cloche chez Jacques Agulhon : « Les ventes couvrent le coût de la location, soit 400 €. » Ses recettes mensuelles en « basse saison » fluctuent selon les mois entre 200 et 300 €, mais elles doublent facilement l’été.

Les recettes dégagées sont donc loin du compte. En effet, le seuil de rentabilité d’un tel automate est d’environ 1 000 € mensuels. « Il faut vendre cinq produits à 7 € par jour pour amortir l’investissement », indique Frédéric Lemaire, de la société RETinCO.

Conseils pour une implantation réussie

Pour Frédéric Lemaire, directeur commercial de la société RETinCo, cet espace d’exposition supplémentaire se gère à l’identique d’un linéaire classique, avec des PLV, des écrans avec animation vidéo, etc. « La mise en valeur des produits est réalisée debout comme sur les étagères de l’officine, les cassettes s’adaptant aux packagings des produits, on peut donc aller très loin dans la présentation des facings, pour rendre ce linéaire visible de loin. »

Selon lui, cette vitrine doit vivre et s’adapter à la saisonnalité. Pour optimiser l’impact et la productivité de l’automate, « il faut certes les produits de première nécessité les plus demandés mais ne pas hésiter non plus à faire tourner des références, faire des tentatives et suivre leurs ventes pour avoir l’offre produits la plus rentable et la plus appropriée à cet espace de vente », conseille-t-il.