ANTICIPER, ANTICIPER, ANTICIPER…

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Publié le 1 juillet 2022
Par Fabienne Colin
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La Pharmacie du Mortier à Rixheim, dans le Haut-Rhin, a su faire face à la tornade du Covid-19 dans l’Est de la France, en mars 2021. Sa résilience tient surtout dans de solides habitudes fondées sur le respect de l’humain et une démarche qualité. Aujourd’hui, on tâche de reprendre une vie normale.

A première vue dans la Pharmacie du Mortier à Rixheim, en banlieue de Mulhouse (Haut-Rhin), la crise sanitaire du Covid-19 semble dernière nous. Il reste bien quelques stigmates, comme cette bâche annonçant les tests antigéniques sur l’escalier extérieur, ou ce carton Cyclamed converti en collecteur de masques à l’entrée du point de vente et, quelques pas plus loin, ce bidon de 5 litres de gel hydroalcoolique près du distributeur de tickets. Mais, tout le reste a des airs de normalité. Exit les pas au sol pour guider vers les comptoirs du fond. Terminé le flux obligatoire avec une porte d’entrée et, une autre, de sortie. Ici, tout le monde a été sonné par les années successives de Covid-19, mais, dans l’officine de Guileine Levy, on ne s’affiche pas KO !

OSER SE RÉINVENTER.

Il faut dire que la titulaire a le sens de l’anticipation. Quand, en 2019, la titulaire apprend que deux des trois autres officines de sa commune de 14 000 habitants vont transférer, elle prend le taureau par les cornes. « Il fallait me différencier », dit-elle d’une voix douce. Elle engage alors des travaux. Sept ans seulement après avoir créé un pôle médical dans le pâté de maisons où son père avait donné naissance à l’officine en 1976 (en commençant par louer un local avant de posséder le tout), et après l’avoir doté d’un ascenseur extérieur et d’un parking. Cette fois, elle concentre ses investissements sur le point de vente. Au rez-de-chaussée, un mur porteur est cassé pour agrandir la surface de vente, qui passe du coup de 90 à 190 m2. Pilier du projet, un robot de 7 m de long et de 3 m de haut, est installé au premier, un étage jusque-là non utilisé et désormais transformé en back-office.

UN VRAI ACCUEIL.

Concernant l’aménagement, la titulaire confie la mise en musique de ses idées à Fuchs Création. Côté merchandising, elle se fait épauler par Joëlle Hermouet, puis par Shérazade Martin (Gamma’s Conseil). Aujourd’hui, l’entrée se fait par une allée dédiée au rayon “bébé”. Elle débouche sur “le soin de la peau”, théâtralisé avec une table de présentation en bois égayé de papier peint (en référence au musée local). Un espace valorisé par des luminaires qui n’a rien à envier aux plus élégantes des parfumeries ! Il faut tourner à droite pour découvrir le reste de la surface de vente. Le mural dédié au naturel surligné d’un bandeau de mousse végétale lyophilisée interpelle également. Au milieu, en permanence, quelqu’un a la mission d’accueillir les gens au comptoir avancé. Ce matin-là, c’est la préparatrice Audrey qui reçoit chacun avec le sourire : « Bonjour, avez-vous une ordonnance ? ». L’idée étant de conseiller ceux qui ne viennent pas pour des médicaments, et de canaliser les autres vers les comptoirs. Au-delà de cette zone, se trouvent des gondoles hautes et d’autres espaces ponctués de papiers peints (là surgit un félin sauvage, ailleurs des éléphants qui se baladent…). On laisse sur sa droite, une exposition de chaussures, un mural de contention et deux salles de confidentialité : l’une pour l’orthopédie, l’autre pour l’oncologie… « On parle plus de conseils, que de prix. Ça donne envie de s’arrêter », explique un responsable commercial de Sigvaris venu en rendez-vous ce jour-là. « L’ambiance chaleureuse est palpable », complète sa collaboratrice. Plus loin, Ericka, une cliente venue là pour la première fois, confirme : « On a envie d’aller dans les rayons ! ».

DES RÔLES RESSERRÉS.

Pour l’organisation, la titulaire s’appuie sur sa démarche qualité instaurée depuis 2012. À la pharmacie du Mortier, chacun sait ce qu’il a à faire ! Pour préserver son équipe, malmenée par la pandémie du Covid-19, Guileine Levy a recruté une acheteuse. Objectif : laisser les pharmaciennes se concentrer encore davantage sur le cœur de métier. Désormais, c’est Emeline, ex-Pileje, l’interlocutrice des laboratoires. « C’est une vraie chance de l’avoir. On ne ferait plus marche arrière », dit sans détour la titulaire, qui apprécie d’être « disponible pour les patients ». Les laboratoires semblent également conquis : « Cela permet la construction d’un partenariat où chacun joue son rôle », résume le duo de Sigvaris rencontré ce jour-là dans les allées. La même logique de délégation non feinte est appliquée pour tout. Les deux logisticiennes, Isabelle et Eva, réceptionnent les commandes, rangent la para, etc. Audrey s’occupe du merchandising « avec carte blanche », précise-t-elle. Emma, en contrat d’alternance, pilote la communication digitale en mettant constamment en avant les membres de l’équipe : Un jour, elle poste une photo de Julie au rayon bébé, un autre, une vidéo de l’esthéticienne en alternance Victoria, etc. On est loin du flux de posts impersonnels ! Résultat de cette stratégie, l’officine a vu son chiffre d’affaires grimper de l’ordre de 4,5 % depuis 2019 hors TVA à 0 %. Et la titulaire réfléchit déjà à comment faire encore évoluer son officine vers un « lieu de santé de services ». Par exemple, en ouvrant plus de salles de confidentialité et un service de téléconsultation…

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ÉQUIPE

1 titulaire, 3 adjointes,

6 préparatrices,

2 logisticiennes,

1 acheteuse,

1 secrétaire administrative,

1 apprentie en pharmacie,

1 étudiant en pharmacie,

1 stagiaire en alternance chargée de communication,

1 esthéticienne.

DATE DES TRAVAUX

De septembre à décembre 2019

INVESTISSEMENTS

400 000 € robot inclus

SURFACE DE VENTE

(avant/après)

90 m2/190 m2

dont 2 salles de confidentialité

SURFACE TOTALE

(avant/après travaux)

250 m2/500 m2

CA 2021 HT

4,9 M€

(+ 6 % vs 2019)

TAUX DE MARGE COMMERCIALE

29 %

RÉPARTITION DU CA PAR TAUX DE TVA

65 % de TVA à 2,1 %

15 % de TVA à 20 %

14 % de TVA à 5,5 %

6 % de TVA à 10 %

PANIER MOYEN

37,50 €

FRÉQUENTATION

380 clients/jour (stable vs avant travaux)

GROUPEMENT

Pharmavie

MYRIAM ROSIER-COCO

FONDATRICE D’UNE SOCIÉTÉ DE COACHING, FORMATION ET CONSEIL EN RELATIONS HUMAINES

Myriam Rosier-Coco accompagne Guileine Levy et son équipe en s’appuyant sur une nouvelle méthode de communication, qui a pour but de faciliter les échanges.

Quelle fut la demande de la titulaire de la pharmacie du Mortier, Guileine Levy ?

Elle voulait prendre du temps pour créer une cohésion d’équipe. L’idée était de favoriser la motivation du collectif, de remercier son équipe pour sa bienveillance et son courage malgré les difficultés rencontrées ces deux dernières années. Ainsi, j’ai commencé par une première soirée de 3h30 ensemble. L’équipe a pu notamment faire une rétrospective de la période qui venait de s’écouler, et réaliser, avec un exercice d’optimisation des points forts, la force du collectif malgré le stress. J’ai aussi présenté le “process communication model®”, qui permet de mieux se comprendre pour mieux communiquer.

Quelle suite avez-vous donnée à ce séminaire ?

Chacun doit remplir un questionnaire en ligne d’environ 45 minutes pour obtenir “un inventaire de personnalité” et comprendre son mode de fonctionnement. Je vais débriefer avec chacun, puis avec la titulaire. L’intention est de mettre en cohérence leurs points d’accroche et leurs différences, en prenant conscience de sa personnalité, en reconnaissant son comportement, pour ensuite pouvoir s’adapter à son interlocuteur de manière à renforcer la relation. Sous stress, on peut être nerveux, démotivé, générer des malentendus… L’idée est d’apprendre à détecter ces signes chez soi et chez les autres pour relativiser et gérer sa nervosité en se focalisant sur l’objectif. À la fin des debriefs, un autre séminaire sera organisé avec des exercices pour utiliser les canaux de communication adaptés à l’interlocuteur et à l’équipe.