Vente en ligne : les « pure players » aux portes de l’officine

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Vente en ligne : les « pure players » aux portes de l’officine

Publié le 14 juin 2025
Par André Borg
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L’e-commerce des médicaments a connu un essor considérable en Europe depuis la crise sanitaire. En France, le cadre juridique de la vente en ligne reste très strict, ouvrant grand le marché aux sites internet des autres États membres.

C’est un mouvement de fond irréversible. La crise sanitaire a favorisé la dématérialisation des échanges, accélérant le développement de nouveaux services. Plateformes en ligne et livraison à domicile sont désormais entrées dans le quotidien des Français, au point que l’e-commerce dépasse les frontières de l’Hexagone et de l’Europe. Le médicament n’a pas échappé à cette évolution, même si sa commercialisation sur Internet présente certains risques.

Au sein de l’Union européenne (UE), chaque État membre peut imposer le cadre réglementaire de son choix. En Belgique, en Espagne, en Italie et en Irlande, seule la vente en ligne des médicaments à prescription facultative (PMF) est autorisée, et soumise à l’obligation de détenir une officine physique. L’Allemagne, le Portugal, le Danemark et la Suède permettent, quant à eux, de proposer tous types de médicaments, mais imposent également la détention d’une officine physique.

D’autres États membres autorisent la création de pure players : des opérateurs dont l’activité commerciale s’exerce exclusivement par voie dématérialisée. Cette possibilité est limitée aux PMF en Grèce, mais étendue à tous les médicaments aux Pays-Bas.

Côté parts de marché, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique et la Suisse réalisent à eux seuls plus de la moitié de la vente en ligne de médicaments en Europe.

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Le modèle « click and mortar »

Loin de ses homologues européens, plus avant-gardistes, la France soumet cette activité à un cadre juridique extrêmement stricte. Défini par l’article L. 5125-33 du Code de la Santé publique (CSP), il assujettit cette vente à la présence d’un pharmacien (article L. 4211-1 du CSP), au devoir de conseil et à la détention d’une licence, et donc d’un rattachement à une structure physique. Il faut donc détenir une officine et un lieu de stockage dans les limites du quartier d’implantation tel que visé à l’article R. 5125-8 du CSP. S’ajoutent des règles de publicité strictes, l’interdiction d’entremise ou de courtier actif, la remise d’un questionnaire de santé, l’indexation du nombre de pharmaciens au chiffre d’affaires, et la limitation à la vente des seuls PMF. En d’autres termes, la France a fait le choix du modèle click and mortar, qui désigne les entreprises développant une activité on line en parallèle de leur activité physique. Ce modèle est cependant particulièrement coûteux d’un point de vue charges (loyer, personnel, etc.) et limite la faculté de concurrencer les pure players autorisés dans d’autres pays européens. Toutefois, il permet de lutter efficacement contre le risque de commercialisation de faux produits. Selon l’Organisation mondiale de la santé, 10 % des médicaments circulant dans le monde seraient contrefaits.

Une concurrence effrénée et déloyale

Sans surprise, le commerce électronique des médicaments par les officines françaises reste marginal, son cadre trop restrictif réfrénant de nombreux élans. Le projet Ma pharmacie en France, qui va voir le jour, pourrait cependant relancer la machine. Pour l’heure, moins de 4 % des officines ont déclaré un site de vente en ligne dans ce domaine. En revanche, le nombre de refus de créations de ces sites internet par les agences régionales de santé est significatif…

Difficile dès lors de tenir tête aux concurrents européens, d’autant plus que, depuis l’arrêt « DocMorris » (Cour de justice des communautés européennes, 2003), un État membre ne peut pas adopter ou maintenir des mesures ayant pour effet d’empêcher le commerce en ligne de spécialités non soumises à prescription, lorsque cette offre provient d’acteurs établis dans un autre État membre de l’Union.

Il serait donc bon que plusieurs dispositions du CSP, devenues obsolètes, soient réactualisées pour permettre aux acteurs français de la vente de médicaments en ligne de s’adapter aux nouveaux modes de consommation. Il en va tant de l’économie, que du maillage officinal français.