Vaccination des voyageurs, paludisme : des pharmaciens prescripteurs, ça existe !

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Vaccination des voyageurs, paludisme : des pharmaciens prescripteurs, ça existe !

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Publié le 16 avril 2025 | modifié le 18 avril 2025
Par Christelle Pangrazzi et Laurent Lefort
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Depuis avril, le groupement Wellpharma expérimente une consultation officinale complète consacrée aux voyageurs. Une initiative hors nomenclature, structurée en lien avec les MSP et CPTS, qui mêle vaccination, prescription d’antipaludéens et conseils préventifs et curatifs individualisés.

Pas de cadre conventionnel, pas de rémunération par l’Assurance maladie : pourtant, l’expérimentation lancée par Wellpharma avec douze pharmacies pilotes mobilise des moyens significatifs. Elle repose sur une consultation officinale inédite, construite à partir d’un protocole de délégation signé entre un médecin délégant (en MSP ou en CPTS) et le pharmacien délégué.

« On ne parle pas simplement de réaliser une injection de vaccin. Il s’agit d’une vraie consultation de préparation au voyage, avec analyse des antécédents, des risques infectieux selon la destination, des recommandations vaccinales et préventives, ainsi que la constitution de la trousse du voyageur », explique Guillaume Paquin, président de Wellpharma. Les pharmaciens impliqués peuvent ainsi prescrire et injecter tous les vaccins – sauf évidemment celui contre la fièvre jaune – ainsi que prescrire et délivrer la chimioprophylaxie antipaludéenne.

Cette capacité à prescrire des antipaludéens, dans le cadre du protocole, constitue un tournant. « Le pharmacien peut établir une ordonnance de Malarone, par exemple, et la délivrer directement. C’est un gain de temps et de fluidité pour le patient, qui évite ainsi un rendez-vous chez le généraliste », précise Guillaume Paquin. 

Un protocole encadré, hors nomenclature mais traçable

Pour rendre possible cette consultation, Wellpharma s’appuie sur des délégations individuelles, dans le cadre du décret du 7 janvier 2022 relatif aux protocoles de coopération interprofessionnelle. « C’est plus simple à mettre en œuvre dans une MSP que dans une CPTS, mais les deux sont possibles », souligne Guillaume Paquin.

Chaque pharmacien a suivi une formation spécifique de sept heures, dispensée par l’organisme intégré Atoopharm, filiale de la coopérative Wellcoop. « Ce n’est pas une formation entrant dans le cadre du DPC [développement profesionnel continu], mais avec un niveau d’exigence élevé. Nous avons défini des critères d’inclusion, d’exclusion comme l’âge [ndlr : l’expérimentation ne cible pas les patients en dessous de 11 ans], une méthodologie et des algorithmes d’aide à la décision partagés avec les médecins déléguants. »

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« Le temps médical fait défaut, les pharmaciens peuvent le prendre »

Pourquoi cette initiative ? D’abord pour répondre à un besoin mal couvert. « Les centres de vaccination sont peu nombreux. Et les médecins généralistes n’ont plus le temps de mener des consultations longues et spécialisées comme celle-ci. Nous passons en moyenne 20 minutes par patient, parfois davantage », note Guillaume Paquin. La consultation comprend aussi des conseils sur les maladies sexuellement transmissibles, les accidents bénins, les risques liés au décalage horaire pour les patients atteints de maladies chroniques, etc.

La trousse à pharmacie du voyageur est adaptée aux besoins de chaque patient et intégre notamment : des produits de prévention contre les piqûres de moustiques (répulsifs, moustiquaires imprégnées), les traitements des troubles digestifs (anti-diarrhéiques, réhydratation orale), les produits pour le soin des plaies légères (pansements, désinfectants), la contraception d’urgence, et les médicaments des pathologies préexistantes. « Elle est individualisée en fonction de la destination, du profil médical du patient et de la durée du séjour. C’est un acte de pharmacie clinique à part entière », souligne Guillaume Paquin. Cette démarche inclut aussi des conseils de prévention comportementale, notamment pour les jeunes, ainsi qu’une éducation thérapeutique pour gérer ses pathologies en voyage.

Le service peut être facturé par les pharmaciens en lien avec les actes réalisés (entretien, délivrance, vaccination), mais en dehors de toute prise en charge par l’Assurance maladie, quand bien même les médicaments ouvriraient droit au remboursement. Le modèle économique repose donc sur une logique de paiement direct par les patients, à l’image de ce qui se pratique dans les centres de vaccination internationaux.

Un dispositif reproductible et structurant

La phase pilote regroupe 12 pharmacies réparties sur l’ensemble du territoire (Nord-Est, Sud-Ouest, Bretagne notamment). « Il n’y a pas de durée définie pour cette expérimentation. On fera un premier bilan d’ici la fin de l’année, avec les données issues des délégations. Ce sera traçable, et cela pourra alimenter une revendication syndicale », affirme Guillaume Paquin, qui reconnaît que cette démarche a aussi vocation à « préfigurer ce que pourrait être un droit commun de la consultation du voyageur à l’officine ».

Le laboratoire Valneva, fournisseur de vaccins pour les voyageurs, est partenaire de l’initiative, sans être impliqué financièrement, selon Guillaume Paquin : « Il n’y a pas de soutien économique direct, mais un partenariat sur la formation et la structuration de l’offre. »

Une avancée en santé publique

En s’emparant de cette mission, les pharmaciens testent une nouvelle voie de coopération interprofessionnelle, hors actes conventionnels classiques. Ils pallient aussi un angle mort de la prévention. 

« Il s’agit d’une vraie mission de santé publique. Et si les syndicats parviennent à l’intégrer dans un prochain avenant, cela pourrait durablement transformer la place des pharmaciens dans le parcours de soin du voyageur », conclut Guillaume Paquin.

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