Groupements, le temps du partenariat

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Publié le 30 novembre 2016
Par Fabienne Colin et Myriam Loriol
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C’est une premiere. Giphar et pharmactiv ont participé Au congrès phr le mois dernier. Les groupements se Rapprochent… et, sur le principe, aimeraient partager Certains services (achats, digitalisation…). Le verrou Du chacun pour soi a saute.

Allo, allo, les groupements parlent aux groupements. L’an dernier, PharmaVie et Ceido se sont associés pour créer un mandat de négociation commerciale. Cette année, Giropharm et Giphar ont organisé des formations communes. Signe des temps, PHR a invité lors de son congrès le mois dernier, Laëtitia Hible, présidente du conseil de surveillance Giphar et Serge Carrier, DG de Pharmactiv. Sujet du débat : « Dessine-moi la pharmacie et le métier de pharmacien des années 2020-2025. » Certes, les groupements ont l’habitude de réfléchir ensemble (ils ont créé un premier « collectif » en 2002) mais ce qui se passe actuellement est d’un autre ordre. Aujourd’hui, ces structures aux profils disparates (plus ou moins d’adhérents, rayonnement national ou pas…) commencent à imaginer pouvoir partager des services, des produits… Même si on n’ose pas le dire clairement. « C’est privé, cela concerne la stratégie des entreprises », esquive Christian Grenier, fondateur de Népenthès et président de la chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacies Federgy. « Ça grouille en off », glisse Jean-Christophe Lauzeral, directeur général de la coopérative Giropharm. Plus concret, Didier Maarek, président de Pharmadom confie avoir « approché un groupement breton ».

FAIRE le poids

Pourquoi les groupements pensent-ils à des synergies ? D’abord, parce que les réseaux historiques, composés de centaines d’adhérents, réalisent que les laboratoires proposent volontiers des conditions commerciales plus alléchantes à certains jeunes GIE régionaux. « Nous répondons à des sollicitations », confie Vincent Duménil, président de Rhône Vallée Pharmacie, qui fédère une trentaine d’officines en Rhône-Alpes. « Quand nous rencontrons de gros laboratoires pour négocier, on nous renvoie l’image de lilliputiens. Aucun groupement n’est en mesure de mobiliser 1 000 officines [pour les achats], constate Jean-Christophe Lauzeral (Giropharm). Il faut que nous apprenions à mutualiser. Il y a urgence. Laquelle parmi les PME que représentent les groupements, est en mesure d’employer des centaines de salariés pour agir sur la digitalisation de l’officine, la gestion, l’accom- pagnement du patient, etc. » Même écho du côté de Pharmadom : « Question mutualisation, nous allons devoir passer à la vitesse supérieure, c’est une question de mois », estime Didier Maarek.

OPTIMISER la gestion

La coopération entre les groupements peut porter sur quantité de sujets. Telle la formation. Le fait que des pharmaciens Giphar et Giropharm ont suivi ensemble la formation validante de 40 heures en éducation thérapeutique ne devrait pas affecter leur image auprès du grand public. Mais quand il s’agit d’aller plus loin, certains patrons de groupement craignent de perdre leur identité… et des adhérents. « Nous faisons un peu peur à des structures qui ne sont pas aussi avancées que nous en termes de marketing, d’enseigne… », observe Didier Maarek à l’ori- gine de l’enseigne Well & Well. « Comment dire à des parents qui ont fait le plus beau bébé du monde de le partager », résume à sa manière Lucien Bennatan. Confiant, le président de Pharmacie Référence Groupe (PHR) a annoncé lors de son dernier congrès à Monaco : « On a travaillé avec Pharmactiv et la branche digitale de l’OCP pour vous aider à mieux pouvoir piloter vos achats. » Et de faire la promotion auprès de ses adhérents pour Link, la nouvelle solution de gestion officinale online du répartiteur, tout comme l’a fait Serge Carrier aux Rencontres Pharmactiv, un mois auparavant. Interrogé par Pharmacien Manager, Lucien Benattan explique qu’il s’organise déjà avec la filiale de l’OCP pour planifier certaines productions de produits MDD, histoire de commander en masse et s’y retrouver sur le prix de revient.

PRÉPARER l’avenir

D’autres rapprochements pourraient s’opérer sur la base d’une complémentarité géographique. Ainsi, pourquoi ne pas imaginer Rhône Vallée Pharmacie s’allier avec Leader Santé, Réseau Santé et Rocade respectivement implantés à Paris, en Bretagne et en Gironde ?

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Déjà, au niveau de Federgy qui réunit 16 groupements (soit 14 000 pharmacies), quelques idées progressent. « Au sein de la commission prospective, nous nous sommes mis d’accord pour nous doter d’une plateforme neutre où collecter nos données, au cas où le marché des objets connectés décolle, explique Christian Grenier. On peut aussi imaginer que les complémentaires de santé, qui deviennent des acheteuses de santé, puisse signer des accords-cadres avec Federgy. » 2017 sera-t-elle l’année de la mutualisation assumée ?

Prospective

Fusions à prévoir ?

Il est possible que nous sautions l’étape de la mutualisation pour aller vers des fusions/acquisitions pour ne pas disparaître. Alors, nous serions assez forts face à l’industrie pharmaceutique, aux SSII… », estime Lucien Bennatan, président de Pharmacie Référence Groupe. De son côté, Philippe Becht, président du directoire de Giphar, anticipe aussi une concentration mais limitée. « C’est toujours compliqué de marier deux organisations et l’expérience dans d’autres circuits a montré plusieurs échecs comme Système U/Leclerc… Finalement, on croit plutôt à l’intégration de petits groupes informels. Mais le rapprochement avec un autre groupement installé au niveau national n’est pas envisageable. » Si les groupements commencent à se racheter entre eux, certains auront plus de moyens que d’autres. À commencer par ceux adossés à des répartiteurs (Pharmactiv, Alphega, PharmaVie) ou à des fonds d’investissement (Lafayette, Paris Pharma).

L’ESSENTIEL

→ Des discussions plus ou moins formelles sont en cours à propos de la mutualisation de moyens entre groupements de pharmacies.

→ Les mutualisations peuvent concerner la formation, les outils numériques, les MDD voire les systèmes de cartes de fidélité et les achats.

→ Le rapprochement de GIE avec de plus grandes structures est dans l’air.

→ La chambre syndicale des groupements et enseignes Federgy prépare une plateforme commune de recueil des données numériques.

OMERTA

Nous avons constaté une certaine réticence de la plupart des groupements à évoquer publiquement leurs tractations avec d’autres groupements.

3 M€

C’EST LE MONTANT minimum que doit dépenser un groupement pour lancer sa marque propre aujourd’hui (source Federgy). Lequel peut encore se le permettre ? D’où l’intérêt de mutualiser les coûts de production d’une MDD.

EXCEPTION

Alors qu’on assiste à une concentration (la suite de rachats) des laboratoires et des répartiteurs, le secteur de la pharmacie et de ses groupements reste éclaté