LES GROSSISTES RÉPARTITEURS N’Y VOIENT AUCUN CADEAU
Entre la taxe sur les ventes directes et le dernier avis de l’Autorité de la concurrence qui leur est favorable, les grossistes-répartiteurs pourraient trouver un nouveau souffle. La Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP) se défend d’être l’instigateur de cette nouvelle dîme et de gagner sur le dos des industriels et des officinaux.
Prévue dans l’article 13 de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS), la taxe sur les ventes directes (voir encadré ci-dessous) a créé la polémique. « La taxation de 20 % des ventes directes n’est pas une initiative des grossistes-répartiteurs [contrairement aux accusations de l’USPO], se défend Emmanuel Déchin, délégué général de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique. Elle était depuis longtemps dans la tête des pouvoirs publics, lesquels trouvent anormal que la collectivité finance à 100 % la politique commerciale des opérateurs de la vente en gros. » Pour Emmanuel Déchin, il ne faut pas non plus se méprendre sur les recettes de cette taxe, qui ne seraient pas significatives. Exemple : pour un médicament de 10 € de PFHT avec une marge de distribution en gros de 0,67 €, la taxe se monte à seulement 0,13 € (20 % de 0,67 €), sous réserve de l’interprétation des services ministériels. Par ailleurs, pour la CSRP, cette nouvelle taxe ne constitue pas une incitation pour le pharmacien à passer plus de commandes chez son grossiste. « Son application n’aura pas d’effet significatif sur les flux traités par les différents circuits, affirme Emmanuel Déchin. Les éventuels arbitrages auxquels pourraient procéder pharmaciens ou industriels resteront marginaux et n’avantageront pas un circuit par rapport à un autre. » De même, l’article 13 n’aura, selon lui, aucune incidence sur les ruptures d’approvisionnement.
Une perte de 250 euros par officine selon la FSPF
Des arguments aussitôt balayés par le Leem, regroupant les entreprises du médicament en France, qui considère que l’objectif du dispositif est de permettre aux répartiteurs de reconstituer leur marge en récupérant des volumes. Par ailleurs, Philippe Lamoureux, son directeur général, s’interroge sur la conformité de l’article 13 au regard du droit européen de la concurrence : « La LFSS n’a pas à entraver le libre jeu de la concurrence en mettant en place des outils fiscaux dissuasifs. »
Gilles Bonnefond, président de l’USPO, redoute des arrêts du circuit du direct chez plusieurs grands laboratoires (GSK, AstraZeneca, Novartis, Pfizer…). « Cette situation de quasi-monopole des grossistes dans l’approvisionnement des médicaments princeps est tout à fait inacceptable et en contradiction avec le fait de pouvoir mieux acheter », précise-t-il, s’attendant à une baisse des conditions d’achat du direct. Gilles Bonnefond évalue le préjudice économique pour l’officine à au moins 25 M€. « La charge de cette nouvelle taxe risque d’être partagée entre les laboratoires pharmaceutiques et les officines », ne cache pas Philippe Lamoureux.
De son côté, Philippe Gaertner, président de la FSPF, relativise l’enjeu économique, même s’il n’apprécie pas la manière employée pour créer cette taxe. Avec la rétrocession de tout ou partie de la marge de gros au pharmacien, la remise globale est en moyenne de 4 % sur les princeps, moins les 2,5 % de remises légales, la taxe de 20 % s’appliquant sur 1,5 % de remise. « Ce sont 0,3 % (20 % x 1,5) qui sont taxables et, s’ils sont reportés de moitié sur l’officine, ce ne seront plus que 0,15 %, soit une perte de l’ordre de 5 à 7 M€ pour le réseau, soit 250 € par officine, calcule Philippe Gaertner. Il est certain que dans une période où les marges sont de plus en plus serrées, chaque euro compte et que les capacités d’achats des officines sont un élément déterminant des résultats de l’entreprise quand il n’y a plus de croissance. »
La CSRP demande une équité de traitement
Autre sujet qui divise : l’avis de l’Autorité de la concurrence. Celle-ci appelle de ses vœux une animation de la concurrence sur l’ensemble de la chaîne de distribution et soutient clairement les répartiteurs. Elle veut renforcer leur rôle de contre-pouvoir à l’achat face aux laboratoires pharmaceutiques et met le doigt sur un point névralgique. Depuis longtemps, la CSRP réclame que tout opérateur qui perçoit la marge de distribution de gros soit soumis aux mêmes contraintes. « Pour la première fois, une autorité publique reconnaît qu’il existe un déséquilibre, en termes de concurrence, entre le circuit de la répartition et celui des ventes directes, le premier étant contraint par des obligations de service public dont le second est exempté alors que les deux circuits bénéficient de la même rémunération », se félicite Emmanuel Déchin.
Le Leem se montre très critique envers l’avis de l’Autorité de la concurrence : « Le droit de la concurrence doit veiller à l’application des lois du marché, et non pas au partage des valeurs entre les acteurs. C’est dommageable pour les entreprises du médicament qui doivent pouvoir choisir leurs canaux de distribution sur des critères d’efficience et de besoins, et pas de fiscalité. »
Le lancement d’une mission de l’Inspection générale des affaires sociales, annoncé par la ministre de la Santé le 19 décembre, est accueilli positivement par la CSRP qui y voit une opportunité de traiter notamment la question de l’équilibre concurrentiel sur le marché de la distribution en gros, et de mettre fin à un cycle négatif pour la répartition. « Nous avons été stigmatisés avec une agressivité inimaginable ! », estime Emmanuel Déchin, faisant allusion à plusieurs dossiers sensibles : ruptures d’approvisionnement, importations parallèles, frais de livraison… « Maintenant, il y a urgence à traiter la question de la distribution en gros et à faire émerger des solutions équilibrées et durables car les ressources de la répartition devraient une nouvelle fois s’inscrire en baisse par rapport à 2013 : près de 40 millions d’euros, et les perspectives 2014 sont encore plus sombres avec moins 50 millions d’euros. » Sur les onze premiers mois de l’année 2013, le chiffre d’affaires de la répartition est en effet en baisse de 2,84 % à 15,32 milliards d’euros et sa marge après contributions et taxes recule de 2,24 % à 826 millions d’euros.
Taxe de 20 % : quèsaco ?
La taxe sur les ventes en gros comprenait jusqu’à présent deux éléments de calcul. Le premier avait pour assiette le CA de l’année n et son taux était de 1,9 %. Le second avait pour assiette la différence entre le CA de l’année n et celui de l’année n – 1 et son taux était de 2,25 %.
L’article 13 a modifié le premier élément en ramenant son taux à 1,75 %. De plus, il crée un troisième élément dont l’assiette est constituée par le montant de la marge de distribution en gros rétrocédé par les distributeurs à leurs clients et son taux est de 20 %. Ainsi, lorsque les grossistes-répartiteurs accordent des conditions commerciales au-delà de 2,5 %, ils sont concernés par la nouvelle taxe au même titre que les laboratoires.
REPÈRES
La marge de distribution en gros correspond historiquement à la marge du grossiste. Néanmoins, un laboratoire peut percevoir tout ou partie de cette marge quand il vend en direct. En effet, il peut en rétrocéder une part au pharmacien.
L’article 13 de la LFSS 2014 crée une taxe de 20 % sur les ventes directes.
L’Autorité de la concurrence est favorable à un équilibre concurrentiel sur le marché de la distribution en gros.
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