Le jeu du «   zéro défaut   » de la certification

Réservé aux abonnés
Publié le 25 juin 2016
Par Francois Pouzaud
Mettre en favori

L’assurance qualité s’impose de plus en plus dans les officines. Près de 10 % d’entre elles se sont même engagées dans la certification. Une démarche qui repense le métier et améliore les performances de son entreprise, en dépit des contraintes liées à ses exigences.

L’avenir de l’officine passe-t-il par l’assurance qualité ? Toujours est-il que les pharmaciens sont de plus en plus nombreux à avoir pris le tournant de la certification. Au 12 mai 2016, 2263 pharmacies sont certifiées ISO 9001/QMS Pharma, soit plus de 10 % des officines françaises, indique Hélène Marvillet, présidente de l’association Pharma Système Qualité (PHSQ) qui accompagne la mise en place de la démarche qualité auprès de 16 groupements et 80 pharmacies certifiées de manière indépendante. Une tendance désormais irréversible. «   Les pharmacies certifiées s’y réengagent dans leur très grande majorité   », précise-t-elle.

Illustration avec Olivier Cailleau, titulaire à Daoulas (Finistère), engagé dans la certification dès 2005 et qui ne ferait machine arrière pour rien au monde. Pour lui, cette exigence de qualité apparaît dans les moindres détails. «   Fin 2013, nous avons décidé de nous lancer dans la micronutrition, raconte-t-il. La méthode qualité nous a imposé de définir une stratégie pour développer ce projet. Il a fallu nommer un pilote du projet, définir une échéance et des moyens, évaluer nos fournisseurs et nos prestataires. Nous avons choisi l’organisme de formation le mieux noté et référencé une gamme jugée performante. Le projet a été évalué au cours de nos réunions qualité. Dès la fin de la première année, le chiffre d’affaires réalisé était supérieur à 20 000   euros. Depuis, nous réalisons plus de 30 000   euros de chiffre d’affaires par an sur cette gamme, avec une marge confortable.   »

A travers tous les aspects de l’officine, la qualité se joue aussi au comptoir et en back office. Pour Michel Jeanjean, adhérent du groupement Ceido et titulaire de la Pharmacie centrale à Saint-Raphaël (Var), l’engagement dans la démarche qualité va de pair avec une meilleure qualité de travail. «   Comme il y a moins de dysfonctionnements, de déperdition de temps et moins de stress, mes collaborateurs peuvent se consacrer davantage aux patients   », explique-t-il.

Même constat à Dettwiller (Bas-Rhin), chez Gabriel Klein, pharmacien Giropharm. «   J’ai eu trois congés maternité à gérer dans la même année. Grâce aux procédures mises en place, les remplaçants ont pu rapidement s’intégrer et être performants, sans, pour cela, accaparer l’équipe.   »

Publicité

Comme le souligne Hélène Marvillet, «   la profession est en train d’évoluer vers les services. La certification est un gage très fort donné au public. Par ailleurs, c’est un élément rassurant pour le pharmacien et une différenciation fondamentale vis-à-vis de ses partenaires.   » Cette démarche deviendra-t-elle incontournable ? Gabriel Klein en est convaincu : «   Tous nos partenaires sont certifiés. Le dernier maillon de la chaîne du médicament doit l’être absolument   ».

Un pli à prendre

La tâche ne paraît pas insurmontable. «   La difficulté majeure est de convaincre l’équipe du projet et de la faire participer », expose Olivier Cailleau. Pour vivre, un système qualité doit se nourrir de nos erreurs et dysfonctionnements. «   J’accepte de mes collaborateurs une erreur par jour, mais jamais deux fois la même, indique Michel Jeanjean. Ces dysfonctionnements doivent être répertoriés concrètement, à défaut, il ne se passe rien. Au début, l’équipe n’y arrivait pas. Pour faire surgir un élan collectif, j’ai demandé, en réunion, de réfléchir à un process qui lui simplifierait la vie.   » Dix-huit mois plus tard, ce pharmacien a construit son système qualité et le remplissage des fiches de dysfonctionnements est devenu un réflexe pour chacun. Par ricochet, la satisfaction de la clientèle devient un outil de management. A la Pharmacie centrale de Saint-Raphaël, l’appropriation par l’équipe des principaux items du manuel qualité a également été progressive. «   L’accompagnement par un cabinet consultant est primordial lors de la première année de mise en place des processus, explique Michel Jeanjean. Il est important de fixer des objectifs et des échéances à l’équipe, de restituer régulièrement les résultats, car c’est un réel levier de motivation.   » Outre les qualités managériales requises, Gabriel Klein a fait preuve de persévérance. «   La standardisation des tâches s’est mise en place naturellement. Au bout de quelques mois, tout le monde s’est rendu compte qu’un tel changement était nécessaire.   » La certification n’est donc pas une montagne infranchissable. «   D’autant que de nombreux items sont déjà remplis dans les officines   », rappelle Hélène Marvillet.

Des retours sur investissement

Une des difficultés de la certification est le chiffrage des gains pour les pharmacies entrées dans le processus. Oliver Cailleau a enregistré, lors des 4 premières années de la certification, une progression de chiffre d’affaires de 5 % par an, une croissance imputable à d’autres actions, comme l’intéressement de l’équipe. Cependant, les effets de la certification sont aisément mesurables sur les équipes et la clientèle via des enquêtes de satisfaction. «   Je m’appuie sur les résultats des enquêtes qualitatives menées par le groupement pour valoriser le travail de mes salariés, confie Michel Jeanjean. Nous avons remporté deux fois le prix du challenge de la qualité organisé par Ceido. Cela aide au renforcement de la motivation et de la cohésion de l’équipe !   ». 

À RETENIR



• La certification nécessite l’adhésion et la persévérance de l’équipe qui y trouve rapidement son intérêt.

•Cette exigence de qualité est reconnue par la clientèle.

•Elle a un coût mais elle contribue aussi à augmenter sensiblement le chiffre d’affaires de l’officine.

TROIS QUESTIONS À 

« LE COÛT DE LA CERTIFICATION QUALITÉ POUR LES INDÉPENDANTS EST DE 4 200 € SUR TROIS ANS »

* Pharma Système Qualité Pourquoi entrer dans une démarche de certification ?
Martine Costedoat :Les pharmaciens recherchent dans la certification un vecteur de rentabilité et de sécurisation des actes.Outre la réduction des coûts liés à la non-qualité évaluée à 6 à 8 % du chiffre d’affaires annuel, cette certification permet au titulaire d’assurer son rôle de chef d’entreprise et de disposer d’atouts dans un environnement difficile.

Cette démarche paraît complexe à mettre en place…
M.C. : Nos outils sont simples à mettre en œuvre, faciles à déployer au sein des équipes, validés par des officinaux en activité. Les pharmaciens acquièrent les standards de base du manuel qualité en 12 à 18 mois. Il faut compter, la première année, pour la mise en place du système, environ 3 heures de travail par semaine. La formation d’un pharmacien responsable assurance qualité est fortement recommandée afin de répartir les tâches au sein de l’officine. Par exemple, un préparateur vérifie la conformité aux exigences des bonnes pratiques de préparation, les responsables de gammes cosmétiques suivent les procédures pour passer leurs commandes, etc.

Combien coûte la certification ?
M.C. : Le coût d’une certification ISO indépendante peut être estimé à 10 000 euros la première année et de 2500 à 3000 euros les années suivantes. L’adhésion à la démarche ISO 9001/QMS Pharma, permet de mutualiser les coûts en les divisant par trois environ : le coût de la certification pour les indépendants est de 4 200 euros sur trois ans, incluant le coût de la certification Bureau Veritas Certification. Ce qui est tout à fait abordable pour tous les types de pharmacies.
Propos recueillis par françois Pouzaud