L’alignement des prix ne profite à personne

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Publié le 3 juillet 2021
Par Francois Pouzaud
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La stratégie des princeps d’aligner leurs prix sur les génériques est un système perdant-perdant. D’une part pour l’économie de l’officine, d’autre part pour les princeps alignés qui n’en tirent pas profit. Démonstration.

Faut-il y voir un lien de causalité ? Le laboratoire Organon est entré en Bourse à Wall Street le 3 juin. Sous couvert d’un discours tourné vers le patient pour lui éviter d’avoir à mettre la main au porte-monnaie en faisant le choix du princeps, il a décidé d’abaisser les prix de 18 de ses médicaments et de les aligner sur ceux de leurs génériques. Avec l’objectif moins affiché de regagner des parts de marché (PDM) et de consolider ainsi la valeur du titre.

Ces baisses volontaires de prix interviendront le 1er juillet. Ce ne sont pas les premières du genre. Pfizer et Servier ont provoqué les mêmes remous sur le marché des génériques lorsqu’ils ont aligné en janvier 2020 le prix de médicaments matures, tels qu’Amlor et Hyperium, et quand, deux jours après, était publiée au Journal officiel (JO) une liste de nouveaux tarifs forfaitaires de responsabilité (TFR) reprenant notamment Amlor. Une stratégie qui vise à limiter les effets des dispositions de l’article 66 de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2019, entrées en vigueur en janvier 2020, et qui prévoient, en cas de refus de substitution sans raison médicalement justifiée, un reste à charge pour le patient correspondant à la différence entre le prix du princeps et la base de remboursement du générique le plus cher.

Pas de hausse des ventes de princeps

Les deux syndicats pharmaceutiques ont dénoncé cette nouvelle contre-attaque des princeps, pointant le risque de tuer le secteur du générique en retirant à ces médicaments l’avantage concurrentiel du prix. Pour Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), l’exclusion des spécialités de moins de 24 mois de commercialisation du périmètre de la base unique de remboursement (arrêté publié au JO du 14 décembre 2020) ne résout rien. « L’article 66 instaure une politique à court terme du développement des génériques, car quel est l’intérêt des génériqueurs de lancer des génériques qui au bout de deux ans risquent de se retrouver à égalité de prix et de remboursement avec les princeps ? Nous demandons toujours au gouvernement le maintien d’un écart de prix entre les deux… ».

Pour faire cesser ces dérives, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) appelle le Comité économique des produits de santé (CEPS) à ne pas rentrer dans le jeu des princeps. Mais selon Catherine Bourrienne-Bautista, déléguée générale du Gemme (association des génériqueurs), « il ne peut pas s’opposer à des demandes d’alignement de prix ».

TFR et alignements de prix se traduisent par des pertes économiques immédiates liées à la baisse des marges sur le générique (calculées sur la base de celle du princeps) et des remises accordées (plafonnées à un niveau plus bas pour les génériques sous TFR). De plus, les molécules sous TFR sortent du champ conventionnel et de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) génériques, qui se réduit comme peau de chagrin.

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Cette stratégie des princeps semble toutefois avoir manqué sa cible puisque, selon le Groupement pour l’élaboration et la réalisation de statistiques (Gers), ils n’ont pas repris de PDM. Ainsi, avant alignement de prix, la PDM d’Amlor était de 4,3 % en janvier 2020, elle est de 3,9 % en mai 2021.

LES 18 PRINCEPS ALIGNÉS

Aerius (desloratadine), Arcoxia (étoricoxib), Chibro-Proscar (finastéride), Cozaar (losartan), Diprosone crème (bétaméthasone), Ezetrol (ézétimibe), Fortzaar et Hyzaar (losartan + hydrochlorothiazide), Fosamax (alendronate), Inegy (ézétimibe + simvastatine), Maxalt et MaxaltLyo (rizatriptan), Nasonex (mométasone), Norset (mirtazapine), Orgalutran (ganirelix), Sinemet (lévodopa + carbidopa) ; Singulair (montélukast) et Zocor (simvastatine).