Faire face à l’arrivée d’un discounter
Une pharmacie discount s’installe dans votre proche environnement concurrentiel. Comment réagir ? Quel positionnement adopter ? Stratégies à mettre en place pour ne pas sombrer et éviter la chute du chiffre d’affaires.
Le sort s’acharne sur les officines du centre-ville de Bergerac, en Dordogne. Après deux transferts en centre commercial, l’un route de Sainte-Alvère, l’autre dans la commune voisine de Creysse, voici maintenant qu’une autre officine, la Pharmacie du Bien-être, change d’enseigne pour arborer celle du réseau Lafayette. Déjà très fragilisées, notamment par le départ de la moitié des médecins en cinq ans, une poignée des pharmaciens va néanmoins tenter de faire face à cette concurrence nouvelle.
Ghislaine Laur est l’un d’eux. Malgré une situation financière critique du fait de la baisse de son chiffre d’affaires de 2 M€ à 1,2 M€ en 5 ans, cette titulaire sait qu’elle ne pourra pas s’aligner sur l’officine discount qui s’est installée à proximité. « On ignore toujours comment les patients vont réagir face à l’arrivée d’un discounter », estime la pharmacienne, perplexe. Cependant, sur des références clés et sur des gammes qu’elle ne souhaite pas perdre (Avène, La Roche-Posay, Nuxe…), sa stratégie est de proposer les mêmes prix. « J’attends mon bilan pour savoir jusqu’où je peux aller », confie-t-elle. Des achats groupés, menés avec des pharmacies de la périphérie, plus réactives, lui permettront peut-être de faire la différence. « Le but est de pouvoir proposer une offre alternative, moins connue mais équivalente en qualité et moins chère. »
Philippe Lebas, directeur de l’agence pédagogique Evok, conseille d’abord, face à un discounter, « d’identifier les zones à risque et d’estimer les pertes potentielles sur les ventes en pourcentage et en euros ». Cette analyse permettra de mettre en avant les 50 produits les plus concurrentiels. A partir de là, « le pharmacien pourra avoir une politique de prix offensive, qu’il faudra rendre visible, sur les 25 produits vedettes de l’officine ». Le consultant recommande ensuite d’adopter une démarche de marges compensées pour fixer sa politique de prix : vendre un produit leader avec un prix volontairement bas (avec une marge forcément réduite) puis, en complément, un produit moins connu sur lequel la pharmacie peut réaliser une marge correcte. Ce travail sur le conseil associé doit être délégué à un ou plusieurs collaborateurs. Pour déterminer le prix des produits leaders, le pharmacien devra analyser jusqu’où il peut aller sans mettre en danger l’équilibre financier de son officine, en vendant à prix coûtant ou avec de 8 à 15 % de marge. Cet état des lieux ne peut se faire sans l’aide de son expert-comptable.
Etre à l’affût de nouvelles marques
Joëlle Hermouet, directrice du cabinet de conseil Formaplus, est souvent sollicitée par des pharmaciens en perte de vitesse face à l’arrivée d’un nouveau concurrent menant une politique de prix agressive. A Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), elle est intervenue pour aider un officinal à repositionner sa stratégie. « Sur les produits sensibles, les prix pratiqués n’étaient pas assez bas et, inversement, sur des produits de moins forte notoriété, ils n’étaient pas assez élevés », remarque-t-elle très souvent lors de ses audits.
Mais pour s’affranchir d’un niveau de prix bas dont la pharmacie s’est rendue prisonnière, une solution plus radicale consiste à référencer une nouvelle marque moins connue, pas concurrencée, et sur laquelle le pharmacien va pouvoir mettre en avant son conseil sur des segments porteurs, comme les gammes naturelles et la dermocosmétologie.
Pour faire face à une concurrence agressive, Ghislaine Laur réfléchit aussi à de nouveaux services, comme la préparation des doses à administrer, la livraison à domicile, les services sur Internet, mais aussi cours de maquillage, diagnostics de peau, actions de dépistage du diabète…, sous réserve du respect de la réglementation. Les animations devront aussi être organisées en prenant le contre-pied de la pharmacie concurrente.
« Le développement d’une expertise sur des niches ou des spécialisations sont essentiels pour marquer les clients de l’empreinte de la pharmacie. Aucun d’eux ne doit être traité comme un étranger à l’officine », considère Philippe Lebas. Pour être dans cette démarche, la pharmacie devra mettre en place une vraie stratégie d’accueil, avec une procédure et la désignation d’un responsable des flux de clientèle. Car la communication avec l’équipe, dans ce contexte, est primordiale.
Ghislaine Laur a ainsi fait face à une équipe inquiète et abattue, qu’elle a dû remobiliser en priorité au comptoir. Pour ce faire, « le titulaire doit informer ses collaborateurs sur ses options stratégiques, l’impliquer dans les actions à mettre en œuvre et l’informer régulièrement de la situation de l’entreprise et des résultats, comme l’évolution du montant du panier moyen, du nombre de clients et des ordonnances », ajoute Philippe Lebas.
Le regroupement n’est pas une solution miracle
Dans le centre de Rennes (Ille-et-Vilaine), Pascale Le Fevre, ex-titulaire de la Pharmacie de l’Horloge, et Florence Neveu ont repris la Pharmacie du Chapitre et procédé à un regroupement, ce qui a entraîné la restitution de la licence de la première officine. Les deux pharmaciennes étaient persuadées que l’officine, en grossissant, pourrait mieux supporter et affronter la concurrence d’une officine Lafayette qui occupe, à 500 mètres de chez elles, deux étages d’un immeuble. Le résultat n’a pas été à la hauteur de leurs espérances. « Ce regroupement ne nous a pas rendues plus solides, mais nous a apporté une meilleure qualité de vie », analyse, avec franchise, Pascale Le Fevre.
« Un regroupement ne doit pas être envisagé dans le cadre d’une stratégie de défense par rapport à un discounter ou un concurrent, estime Philippe Lebas. Dans le commerce, il ne faut pas oublier que 1 + 1 ne fait jamais 2. En revanche, un regroupement peut être pertinent dans le cadre d’une stratégie globale d’évolution de la pharmacie, en rapport, par exemple, avec l’environnement démographique et médical. »
S’appuyer sur son groupement
L’arrivée d’un concurrent plus dynamique agit parfois comme un révélateur de ce que peut apporter un groupement à un adhérent pour qu’il soit plus fort demain. Laurence Dubois, directrice du développement commercial et partenariats chez Pharmavie, constate que certains adhérents s’impliquent davantage dans la politique du groupement quand ils sont dans la réaction. « Nous les aidons à élargir leur offre d’une façon intelligente et raisonnée en référençant l’assortiment du groupement et en déployant notre marque propre, mais aussi à revoir leur politique de prix sur les références qui comptent pour les consommateurs et à déployer les opérations théâtralisées du groupement. En fait, cet événement indésirable est un mal pour un bien. »
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