Prévoir pour mieux gérer

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Publié le 1 juillet 2022
Par Francois Pouzaud
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À plus forte raison en période d’inflation, toute entreprise doit connaître et budgéter ses différentes charges, présentes et à venir, à travers l’élaboration d’un prévisionnel financier fiable et exhaustif. Objectif : sécuriser son activité.

Les charges d’exploitation sont un poste de dépenses qui doit être segmenté en charges fixes ou variables. Les comptes comptables permettent de les catégoriser facilement. Pour simplifier, les charges variables sont directement corrélées au volume d’activité. Par exemple, les achats de médicaments, l’énergie mobilisée pour la production, etc. Il est possible de les calculer en fonction du chiffre d’affaires (CA) à l’aide d’un coefficient ou un taux déterminé. Cependant, il arrive parfois qu’il n’y ait pas une exacte proportionnalité entre la variation des charges et la variation du volume des produits. Même si les achats de médicaments et autres produits de santé sont quasi proportionnels au CA, le fait d’acheter des volumes importants pour bénéficier de meilleures remises ou consentir des rabais importants à la clientèle, peut expliquer que le taux ou le coefficient à appliquer évolue. Mais, une cohérence s’établit d’une année sur l’autre si la stratégie de l’entreprise reste stable. Les charges fixes peuvent varier, elles aussi, mais pas en fonction du CA. Elles concernent les frais réguliers et prédictibles à échéance, engendrés par l’activité de l’entreprise, tels que les loyers, les salaires, l’assurance, les honoraires d’expertisecomptable, etc. Par exemple, l’emploi d’un salarié supplémentaire augmente les charges de 40 000 € par an. Même si aucun CA supplémentaire n’est dégagé par ce nouvel emploi, le coût additionnel apparaîtra dans les charges. Il faut donc veiller constamment à ce que les charges fixes restent dans la limite des budgets et prévisions établis. Enfin, les charges d’exploitation, variables et fixes, influent sur le résultat courant avant impôt (RCAI). À cela s’ajoutent les charges financières, qui regroupent notamment le remboursement des intérêts de prêt bancaire (charges fixes), ainsi que les charges exceptionnelles (frais de justice, etc.).

Une classification des charges.

Les charges comptables sont classifiées en fonction de leur nature. La comptabilité s’organise avec des comptes référencés dans une base appelée communément le “plan de comptes”. Cette base, nationale, permet de retrouver des informations triées dans un ordre normalisé. Par exemple, la comptabilité sera en mesure d’indiquer le coût des assurances compilé dans le compte 616. Les assurances peuvent, en effet, être des charges semi-variables, comportant une partie fixe et une partie variable. Il convient alors de les répartir dans l’une ou l’autre des catégories de charges (fixes ou variables). À titre d’exemple, le compte 616 assurances peut comporter une partie fixe (assurance des véhicules) et une partie variable (la responsabilité civile indexée sur le CA ou l’effectif). « Sous la rubrique “Autres achats et charges externes” figure l’ensemble des fournitures non destinées à la revente et des prestations assurées par des tiers extérieurs », précise Joël Lecoeur, expert-comptable du cabinet LLA (groupement CGP). Elles ne représentent pas un poids très important dans la structure de coût des officines (de l’ordre de 5 % du CA HT).

Les petites officines plus impactées que les grosses.

« Les charges externes des officines sont plus lourdes pour les petites structures compte tenu de leur caractère souvent fixe », signale Emmanuel Leroy, expert-comptable associé, leader national santé de KPMG. Selon les typologies d’officines, « les pharmacies de centre commercial et de centres-villes ont un ratio plus important consécutif à un loyer plus élevé, ajoute Joël Lecoeur. Les évolutions technologiques (site internet, robot, automate, PDA, matériel informatique) sont le plus souvent financées par de la location financière ou du leasing et contribuent, avec également leur coût de maintenance, à l’augmentation de ce poste ». Le loyer pèse pour près d’un tiers dans le montant total des frais généraux. Attention, au moment de réaliser les prévisions de charges 2022 ! « Le loyer dans les centres commerciaux est le plus souvent indexé sur le chiffre d’affaires de l’année précédente », prévient-il. Le poste impôts et taxes (hors impôts sociétés) représente un poids assez faible ramené au CA de l’officine (0,5 %). Il s’agit des impôts appelés communément “impôts de production”. « Ils sont particulièrement sensibles aux politiques concernant la fiscalité locale, explique Emmanuel Leroy. La suppression progressive de la taxe d’habitation se traduit par un report des prélèvements sur la contribution économique territoriale (CET) et notamment la contribution foncière des entreprises (CFE) qui devrait encore progresser dans les années à venir ».

Anticiper les frais de personnel.

Les frais de personnel représentent le plus gros poste de charges, absorbant plus d’un tiers de la marge brute globale de la pharmacie. « La hausse de la masse salariale va se poursuivre et il pourrait y avoir un effet boomerang dans les prochaines années quand la pandémie se calmera », craint Philippe Becker, expert-comptable, directeur du département pharmacie de Fiducial. Gare aussi au franchissement du seuil d’embauche d’un adjoint en cas de progression de l’activité ! Il en résulte, au niveau des charges, des à-coups dans les résultats à chaque franchissement de “palier”, les ventes, par conséquent la marge, ne connaissent pas la même cassure en hausse. Autre poste lourd : les charges sociales. Il cumule à la fois les charges sociales afférentes aux salaires du personnel, mais aussi les cotisations obligatoires et facultatives du pharmacien : allocations familiales, assurance maladie, caisse d’assurance vieillesse, complémentaires “loi Madelin”. Le détail des charges de l’exercice écoulé servira de base à la prévision pour l’année à venir. Partant de cette base, il conviendra de faire intervenir les variations de prix prévisibles, les conditions d’exercice particulières pour l’année en cours ou à venir, par exemple les travaux à engager dans la pharmacie, le franchissement de paliers (adjoint), et en général, tout élément connu en mesure d’infléchir en un sens ou l’autre le niveau des charges.

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CALCULER SA MARGE SUR COÛTS VARIABLES

Un prévisionnel des charges ne suffit pas pour piloter son officine. Ce qui importe au dirigeant, c’est de savoir quelles sont les activités les plus rentables et celles qui génèrent des profits moindres, voire celles qui contribuent à une baisse de la rentabilité de l’entreprise. Pour savoir combien lui rapporte réellement son activité, le calcul se fait en divisant sa marge sur coût variable par le CA de chaque activité. Cette approche par les coûts variables permet au chef d’entreprise de décider quelle activité développer (marge sur coût variable positive) ou stopper (marge sur coût variable négative), ou simplement, pour comprendre quelle activité contribue à couvrir ses charges fixes et à quelle hauteur. Elle met en valeur les contributions des activités aux charges fixes de l’entreprise. Attention ! La plus forte marge n’équivaut pas à la meilleure performance de rentabilité, il faut aussi la ramener au temps passé par activité.