Le marché donne encore de la voix

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Publié le 25 juin 2011 | modifié le 19 août 2025
Par Francois Pouzaud
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Depuis 2006, la croissance des médicaments génériques se tasse, principalement en raison des baisses de prix. Leur part de prescription s’essouffle également. Les génériques restent néanmoins un des segments les plus dynamiques du marché pharmaceutique.

Le dynamisme du générique serait-il sur le point de s’émousser ? En 2010, le marché du générique français affiche, en valeur, une progression de 10,4 %, à 2,58 milliards d’euros, selon les données Gers du Gemme. Même s’il pèse désormais 13,2 % (en valeur) du marché pharmaceutique remboursable, ce segment avait enregistré une croissance de 23 % en 2009. En volume, la progression n’est que de 5,8 %, à 630 millions de boîtes. Sans parler de marché mature, la croissance du générique en France s’est donc bien tassée. En 2003, en effet, la croissance du chiffre d’affaires s’était envolée à 39 %. Ce ralentissement est lié à une baisse des prix de 100 millions d’euros début 2010. C’est cette érosion des prix qui explique notamment l’évolution très mesurée de la croissance du chiffre d’affaires des médicaments remboursables en ville l’an dernier, affichant une modeste croissance de 1,4 % (Cnam). Malgré la baisse des prix, la croissance en chiffre d’affaires est plus forte que les chiffres en volume en raison du prix plus élevé des génériques nouvellement entrés au Répertoire. Ainsi, le taux de pénétration reste important, puisque le Répertoire générique exploité représentait, à fin décembre 2010, 35 % en volume (900 millions de boîtes) et près de 23 % en valeur du marché pharmaceutique remboursable.

Malgré un léger redressement en fin d’année, le taux de substitution se situe seulement à 70 % au sein du Répertoire selon le Gemme, soit un taux inférieur de 3 points par rapport à celui enregistré en 2009. Néanmoins, les syndicats d’officine et la Cnam annoncent un taux de substitution de 79 % pour la même année 2010. « Le périmètre de calcul du taux de substitution n’est pas le même », explique Catherine Bourrienne Bautista, déléguée générale du Gemme. L’association des génériqueurs prend en compte l’ensemble du marché générique remboursable, alors que la Cnam calcule le taux de substitution sur le marché des génériques hors TFR, et parfois seulement sur les molécules cibles… Mais, en 2010, les génériques représentent 24,4 % du marché pharmaceutique remboursable en volume. C’est donc tout de même près d’une boîte sur 4 qui est délivrée en générique.

Forte pression sur les prix

Les économies réalisées grâce à l’utilisation des génériques représentent 1,7 milliard d’euros sur 2010. C’est bien plus qu’en 2009 (1,4 Md) et 2008 (905 millions). Selon le Gemme, le générique aurait permis à l’Assurance maladie de réaliser environ 10 milliards d’euros d’économies en dix ans. Cette économie a été possible grâce à la forte pression appliquée sur les prix des génériques. Le prix fabricant hors taxe (PFHT) est fixé, lors du lancement, à – 55 % de celui de la spécialité de référence. C’est le plus fort taux de décote appliqué en Europe sur les marchés des médicaments dont le prix est fixe. Ce prix est ensuite baissé de 7 % après dix-huit mois de commercialisation et il peut également être soumis à des baisses spécifiques, comme ce fut le cas sur les statines contre le cholestérol et les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) en avril 2010.

Pour les laboratoires de génériques, la coupe est pleine. Ils estiment avoir consenti des efforts considérables ces trois dernières années en supportant des baisses de prix importantes. A titre d’exemple, le PFHT de l’oméprazole a baissé de 76 % en six ans et celui de la simvastatine de 75 % en cinq ans. Au rythme où vont les choses, le modèle français sera donc de moins en moins en mesure de pérenniser l’emploi industriel. Pour l’heure, 55 % des médicaments génériques délivrés en France sont fabriqués dans l’Hexagone et 40 % dans les pays de l’Union européenne.

Certaines molécules sont particulièrement symptomatiques de la tendance à ne pas être substituée. De manière plus inquiétante, c’est aujourd’hui une tendance générale. Ainsi, une molécule entrée au Répertoire début 2007 se trouvait substituée à plus de 70 % après deux ans de commercialisation.

Des prescriptions de génériques irrégulières

Mais les molécules génériques commercialisées début 2009 n’ont pas été substituées à plus de 60 % après le même délai de commercialisation. D’où une question qu’il est légitime de poser : ne faut-il pas mettre en place un dispositif qui permettrait d’encadrer l’usage de la mention « non substituable » ?

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Il convient également de stopper l’érosion du Répertoire au profit des nouveautés. Les Capi (contrat d’amélioration des pratiques individuelles) permettent de limiter cette tendance pour quelques classes pharmaceutiques : les IPP, les antibiotiques, les antidépresseurs, les statines et les IEC/sartans. Les analyses de la Cnam mettent en évidence des différences de comportement importantes entre les médecins signataires et non-signataires. Sur les 15 800 médecins ayant adhéré au Capi, seulement 5 000 sont arrivés à la date d’effet de leur contrat. Les premiers résultats établis au 1er juillet 2010 sur un an sont encourageants mais il reste encore de grandes marges de progression. Ainsi, la prescription de médicaments anti-ulcéreux (IPP) et anti-hypertenseurs pouvant être délivrés sous forme de génériques a très fortement augmenté (+ 18,9 points et + 11,9 points). En effet, d’importantes molécules (pantoprazole notamment) ont été récemment génériquées dans ces classes thérapeutiques.

Des nouveautés à tout prix

Parallèlement, la prescription dans le Répertoire pour les antibiotiques et les statines s’est stabilisée (- 1 point et – 0,2 point), tandis qu’elle a légèrement baissé pour les antidépresseurs (- 2,4 points avec le lancement d’un nouveau médicament en 2009).

En France, le report des prescriptions vers des médicaments récents et plus coûteux constitue un phénomène très ancré, comme le démontre une enquête de la Cnam sur la consommation et les dépenses de médicaments en France et en Europe entre 2006 et 2009. Il en ressort que la part des prescriptions dans le Répertoire des génériques est moins élevée, voire en recul sur cette période. Dans l’Hexagone, la part des prescriptions d’IPP dans le Répertoire pour cette classe est la moins élevée des sept pays étudiés avec un taux de 63 % contre 71 % en 2006, soit un recul de 8 points. Il est pourtant de 96 % en Allemagne et de 93 % au Royaume-Uni et en Espagne.

Pour les médicaments anti-hypertenseurs, la place des IEC, médicaments souvent génériqués, diminue au profit des sartans, plus récents, dans les sept pays européens. En France, la part d’IEC – par rapport aux prescriptions totales d’IEC et de sartans – est de 40 %, contre 94 % en Allemagne, 73 % au Royaume-Uni et 64 % en Espagne. C’est le taux le plus faible parmi les sept pays européens. Concernant les statines, la France se caractérise par des prescriptions dans le Répertoire à la fois peu développées par rapport aux autres pays et en diminution sur la période 2006-2009. Ainsi, 44 % seulement des prescriptions de statines s’inscrivent dans le Répertoire en 2009 contre 57 % en 2006, soit une chute de 13 points. Ce taux est inférieur de 50 points à celui observé en Allemagne.

Le Capi apparaît comme une mesure structurante devant renforcer la politique générique en France. Pour faciliter le recours aux médicaments génériques, Frédéric van Roekeghem, directeur de la Cnam, souhaite introduire un Capi dans la prochaine convention médicale, en proposant une généralisation de la rémunération sur des objectifs de performance. Mais l’efficacité économique du modèle français pourrait être atteinte et les économies amplifiées par la relance de la substitution, le développement de la prescription au sein du Répertoire et l’encadrement par les pouvoirs publics de l’usage du « non-substituable » sur les ordonnances. La prescription dans le Répertoire est sans conteste le meilleur levier du marché. En effet, selon les calculs du Gemme, une progression d’un point de prescription complémentaire dans le Répertoire permettrait de réaliser une économie de 100 millions d’euros. En revanche, 1 % de baisse de prix et 1 % de substitution complémentaire généreraient respectivement 27 et 26 millions d’euros d’économies.

Le potentiel des « quasi-génériques »

L’élargissement du Répertoire à de nouvelles catégories de médicaments identiques a franchi une nouvelle étape avec les « quasi-génériques ». Un décret du 3 février 2011 rend effective la possibilité de substituer des spécialités pharmaceutiques orales à libération modifiée par des médicaments génériques se présentant sous une forme galénique différente de celle de la spécialité de référence. Il s’agit donc d’inclure, dans un même groupe générique, différentes présentations galéniques (comprimés ou gélules) d’un même type de forme à libération modifiée (prolongée, retardée ou séquentielle). Par un article de la LFSS pour 2011 et un arrêté publié au Journal officiel du 18 mars 2011 modifiant l’arrêté du 4 août 1987 relatif aux prix et aux marges des médicaments remboursables, les pharmaciens d’officine bénéficient sur les « quasi-génériques » du principe « marge générique = marge princeps » et du taux de remise « générique » de 17 % qui s’applique donc à l’ensemble des « spécialités de substitution ». Une reprise de l’essor de la substitution serait positive à la fois pour l’Assurance maladie et pour l’économie de l’officine. Le développement des prescriptions au sein du Répertoire et l’élargissement du champ de la substitution permettraient de retrouver une partie de cet espace économique si nécessaire au développement de la rémunération officinale.

+ 10,4 %

En 2010, les ventes de génériques ont représenté un chiffre d’affaires de 2,58 milliards d’euros (+ 10,4 %). En volume, 630 millions de boîtes ont été vendues (+ 5,8 %).

Une croissance assurée jusqu’en 2012

Pendant deux ans, la croissance du marché des génériques va être alimentée par l’expiration de nombreux brevets de médicaments à fort volume de vente (atorvastatine, valsartan, olanzapine…). Jusqu’à fin 2012, les génériques resteront le segment du marché le plus dynamique avec des ventes en progression en valeur de l’ordre de 12 à 15 % en moyenne par an, contre une légère hausse de 2 à 3 % pour l’ensemble du marché pharmaceutique. Les ventes de génériques devraient représenter entre 3,7 et 4,1 milliards d’euros en 2012. En valeur, le générique devrait représenter de 15 % à 17 % de l’ensemble du marché du médicament d’ici 2012. Mais, ensuite, la croissance devrait se tarir en raison de la réduction sensible du nombre de spécialités tombant dans le domaine public, d’où la nécessité pour les laboratoires de rechercher des relais de croissance, notamment sur le segment des biosimilaires.

Les génériques en France moins chers que dans les autres pays européens

Objet de nombreuses controverses dans les comparaisons européennes, les prix des médicaments génériques français ont été passés au peigne fin. A la demande du Gemme, le Centre de recherche en économie et statistique a réalisé une étude européenne sur le prix d’un panier de médicaments génériques représentatif de la consommation française (74 molécules étudiées représentant 80 % du chiffre d’affaires total des génériques remboursables en France). Verdict ? Le prix français est inférieur à la moyenne européenne de 4 % (0,45 centimes d’€ par unité en moyenne), soit un niveau bien plus bas que celui de pays références comme le Royaume-Uni et l’Allemagne, respectivement 12 et 18 % plus chers. Cette décote est accentuée avec la prise en compte du coût de la vie dans chaque pays. Le prix des génériques français est alors de 12 % en dessous du prix moyen européen. Dans les comparaisons, les écarts se creusent encore plus sur les présentations génériques lancées après 2005 (– 15 %) et sur les spécialités les plus vendues (– 14 %).

LE TOP 10

des ventes de génériques*

1 Amoxicilline

2 Zolpidem

3 Metformine

4 Omeprazole

5 Alprazolam

6 Ibuprofène

7 Furosemide

8 Zopiclone

9 Paroxétine

10 Cefpodoxime

Source : GEMME

* En unités

PALMARÈS

des acteurs du générique

1 Mylan : 31,1 % (en incluant sa filiale Qualimed)

2 Biogaran : 24,5 % (groupe Servier)

3 Teva : 10,3 % (ou 15,8 % en intégrant Ratiopharm)

4 Winthrop : 9,9 % (groupe Sanofi-Aventis)

5 Sandoz : 6,2 % (groupe Novartis)

6 Arrow : 4,6 % (groupe Watson)

7 EG Labo : 3,9 % (groupe Stada)

8 Zydus (1,7 %)

Source : GEMME