SUBSTITUTION : UN SERVICE À L’ATTAQUE SUR TROIS FRONTS

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Publié le 25 juin 2022
Par Francois Pouzaud
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Le développement des biosimilaires et des génériques des médicaments hybrides est un levier important pour assurer la pérennité du système de santé. La substitution par le pharmacien est appelée à devenir incontournable, comme elle l’a été pour les médicaments génériques… qu’il ne faut pas pour autant négliger, ni délaisser.

En 2021, la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) pour le générique n’a pu être négociée ni versée. C’est une perte définitive de 65 millions d’euros pour la profession même si l’essentiel de l’économie du générique provient avant tout des marges et des remises. « Nous constatons une certaine stabilité de conditions accordées en 2021 par les génériqueurs, précise Joël Lecoeur, expert-comptable du cabinet LLA et président du groupement CGP. La dernière Rosp générique versée était celle de 2020, atteignant un montant de 60 millions d’euros. En 2021, chaque pharmacie avait reçu, en moyenne, 2 677 €. Cette bonification fait son retour en 2022 dans la nouvelle convention pharmaceutique au sein d’une Rosp créée pour le bon usage des produits de santé. Celle-ci doit permettre de garantir une qualité de la pratique pharmaceutique en incitant notamment à adhérer à la « démarche qualité » développée par la profession, tout en assurant la juste délivrance des produits de santé, notamment des génériques. La Rosp générique devient donc un paramètre d’une Rosp beaucoup plus large. Elle contribuera au pot commun à hauteur d’environ 20 millions d’euros pour le réseau officinal. Et ne pourra guère monter au-delà. Pourquoi ? Parce qu’en instaurant une base unique de remboursement après deux ans de commercialisation des spécialités d’un nouveau groupe générique, l’article 66 de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2019 assèche mécaniquement le potentiel d’économies pour l’Assurance maladie. Au-delà des deux ans, il n’y a plus rien à partager avec les pharmaciens. La Rosp générique dépend donc étroitement de la création de nouveaux groupes génériques dans le Répertoire et de l’implication des officines dans la substitution pendant les deux premières années de commercialisation. Cette évolution a le même effet qu’un tarif forfaitaire de responsabilité (TFR) en remettant sur un pied d’égalité, après deux ans, générique et princeps au niveau du remboursement. Sauf qu’en continuant de substituer, à plus forte raison si le groupe passe au TFR, le pharmacien bénéficie d’une remise sur facture au mieux de 40 % sur le générique. Raison pour laquelle il a toujours un intérêt économique à poursuivre la substitution. Si l’on exclut les activités Covid-19, le taux de marge sur les génériques reste le champion toutes catégories, estimé à 54,09 % en 2021, selon le cabinet AdequA.

Biosimilaires : un dossier à reprendre

Rien n’est encore acté sur l’équivalence des marges entre médicaments biologiques de référence et médicaments biosimilaires. Cela n’est pas du ressort de la convention pharmaceutique mais d’un arrêté d’alignement des marges. Ce n’est d’ailleurs pas le seul texte attendu pour sonner le coup d’envoi de la substitution des médicaments biosimilaires, pour lesquels les critères de substitution par le pharmacien restent encore à définir. L’absence de modèle économique autour de cet enjeu d’efficience du système de santé et le manque d’incitation financière suffisent à bloquer la substitution par le pharmacien. Les partenaires conventionnels s’accordent toutefois pour promouvoir, par des mesures conventionnelles adaptées, le développement de ce marché en ville. Avec un taux de pénétration des biosimilaires en ville de 20,1 % en 2021 (source : Gers), le développement de ce marché est très largement en deçà de l’objectif de 80 % fixé par la stratégie nationale de santé pour 2022. Un tel objectif de pénétration des biosimilaires sur les huit molécules ciblées* permettrait de réaliser 680 millions d’euros d’économies dès la première année, selon un rapport de la Cour des comptes de 2017. Outre ces aspects défaillants de la rémunération, l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) regrette la teneur de l’arrêté du 12 avril 2022 publié au Journal officiel du 14 avril, qui liste les molécules biologiques pouvant faire l’objet d’une substitution par le pharmacien. Deux molécules sont concernées : le filgrastim et le pegfilgrastim. Une liste trop restrictive car, selon l’USPO, il n’existe aucune raison scientifique de réserver les six autres molécules à l’interchangeabilité par les médecins. Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO, s’étonne que « l’énoxaparine ne fasse pas partie des molécules à substituer alors que c’est le médicament biologique le plus aisément substituable en pharmacie ». Il trouve absurde d’opposer médecins et pharmaciens avec des listes différentes de biosimilaires à interchanger pour les uns et à substituer pour les autres. « Il est important que ce sujet soit une synergie entre médecins et pharmaciens et non une division des énergies », estime-t-il. Regrettant l’absence de concertation sur l’arrêté du 12 avril 2022, Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), explique que la liste des deux premières molécules constitue « un ballon d’essai pour lancer la substitution ». Comme son alter ego de l’USPO, il espère revoir l’ensemble du dispositif avec les médecins, les patients et la nouvelle équipe gouvernementale. Selon Philippe Besset, il faut travailler sur les incitations financières : équivalence de marges, mise en place d’un honoraire rémunérant le travail d’initiation d’un traitement par médicament biologique, d’information, de suivi et d’accompagnement du patient… Qu’il s’agisse d’une substitution en initiation de traitement ou qui permet la continuité d’un traitement initié avec le même médicament biologique similaire, toutes les parties prenantes s’accordent à dire que le pharmacien doit exercer un accompagnement dans la compréhension et l’acceptation par le patient et dans l’observance de ses traitements biologiques. La construction de l’adhésion aux biosimilaires et l’instauration d’une confiance durable autour de ces médicaments ne sont possibles qu’en renforçant l’information du patient et en impliquant à la fois le prescripteur et le pharmacien. Chaque professionnel de santé doit trouver une juste valorisation de son travail d’accompagnement.

Médicaments hybrides : même combat

Un autre arrêté également publié le 14 avril 2022 ouvre la voie aux premières inscriptions au registre des groupes hybrides (médicaments administrés à l’aide d’un dispositif médical associé) en mentionnant deux classes médicamenteuses concernées : les adrénergiques en inhalation et les autres médicaments en inhalation pour les maladies obstructives des voies respiratoires. La substitution par un médicament hybride, introduit par la LFSS pour 2019, est prévue à l’article L. 5125-23 du Code de la santé publique. Cependant, dans l’attente de textes complémentaires sur l’équivalence des marges, la parution de cet arrêté ne permet pas à l’heure actuelle la mise en œuvre d’une telle substitution. L’enjeu est de moindre importance : les économies espérées sont environ moitié moindres que celles attendues avec les biosimilaires : les sprays inhalés, qui représentent le gros morceau de ce nouveau répertoire, représentent un potentiel d’économies de 300 à 400 millions d’euros par an pour l’Assurance maladie.

* Filgrastim, pegfilgrastim, tériparatide, adalimumab, énoxaparine, étanercept, insuline aspart, follitropine alpha.

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