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Solutions pour rebondir
L’heure est venue de compenser la baisse d’activité enregistrée pendant le confinement et de préparer la relance. Des nouveaux besoins nés des changements de comportements des patients confrontés à la pandémie, en passant par les solutions numériques, les pistes à explorer sont variées.
Le redémarrage, même lent, de l’activité est une bonne nouvelle mais après presque un mois de sortie du confinement, elle reste toujours en deçà des résultats de la même période de l’année 2019 (- 2,72 % en mai 2020 par rapport à mai 2019, source : CGP). « Les scenarii de reprise d’activité vont évidemment dépendre de l’évolution de l’épidémie, nous ne savons pas quels impacts auront le déconfinement progressif et la circulation croissante des populations avec les congés d’été », explique Hélène Charrondière, directrice du pôle pharmacie-santé des Echos Etudes et responsable des études qualitatives et quantitatives. Cependant, en l’absence de résurgence de l’épidémie dans les semaines qui viennent, « l’activité officinale devrait retrouver un rythme d’activité normal en juin, sans rebond spectaculaire ou effet de rattrapage massif », poursuit-elle. Le constat est identique pour Philippe Becker, expert-comptable, directeur du département pharmacie de Fiducial Expertise. « Il n’y a aucune raison pour que l’activité ne se normalise pas, surtout si les cabinets médicaux se remplissent à nouveau », assure-t-il.
Accepter le rythme imposé
Pendant le confinement, qui a logiquement profité aux pharmacies de proximité, les baisses ont été très contrastées selon le type d’implantation. « Il est à craindre que les pharmacies ayant enregistré les plus fortes baisses de chiffre d’affaires (de centres commerciaux, de cœur de ville, des grandes zones de flux et des quartiers d’affaires) ne reprennent pas aussi rapidement que les pharmacies de proximité, anticipe Olivier Desplats, expert-comptable du cabinet Flandre Comptabilité Conseil (groupement CGP). Le maintien du télétravail ne favorisera pas la fréquentation de cette typologie d’officines, beaucoup plus dépendante du passage. Il leur faudra sans doute quelques mois pour retrouver leur niveau d’activité d’avant la crise. » Un avis partagé par Philippe Becker : « Ces officines remonteront la pente mais cela prendra du temps. Le temps que les transports se remettent à fonctionner normalement et que les travailleurs reviennent dans leurs entreprises sans crainte. De plus, la baisse du pouvoir d’achat des ménages liée à la crise économique qui se prépare peut également handicaper une reprise de l’activité. »
C’est en effet l’une des grosses craintes : les ventes de parapharmacie et de produits conseils risquent d’être en souffrance. Les indications données par le GERS lors des premières semaines de déconfinement montrent que c’est le cas sur les marchés de l’automédication (- 15 % en unités et en valeur) et de la nutrition (- 8 % en valeur).
Conserver la clientèle captée
Avec la confiance renouvelée des patients et la captation de nouveaux clients pendant le confinement, les pharmacies de proximité pourraient tirer leur épingle du jeu et profiter du bouleversement des habitudes d’achat et des tendances de consommation des clients/patients induit par la crise du coronavirus. « C’est probablement vrai pour une bonne partie d’entre elles, si le service et le conseil qu’ils sont venus chercher, outre l’aspect pratique, ont été à la hauteur de leurs attentes, nuance Olivier Desplats. Les pharmaciens ont su repérer les nouveaux venus, à eux de les fidéliser par l’accueil et le service apporté. Dans toute crise, il y a des opportunités et celle-ci en est une ! »
Olivier Delétoille, expert-comptable du cabinet AdequA, adresse les mêmes recommandations et mises en garde : « Les crises s’oublient vite et, pour conserver cette nouvelle clientèle, c’est aujourd’hui que les équipes officinales doivent être excellentes, travailler la dimension humaine, l’écoute et la notoriété de l’officine. Sauf changements de comportements durables, le consommateur reprendra petit à petit ses habitudes en retournant vers des lieux à forte fréquentation (centres commerciaux, gares, aéroports) ou chez les discounters. »
Philippe Becker pense toutefois que la nouvelle clientèle restera pour le médicament remboursable. Hélène Charrondière se montre quant à elle réservée. « La crise économique va peser sur le pouvoir d’achat et risque d’accentuer la concurrence entre les pharmacies sur les produits hors monopole ; les réseaux qui travaillent sur la compétitivité des prix devraient être favorisés. Si elles ne sont pas adossées à de tels réseaux, nombre d’officines de proximité risquent d’être en difficulté », souligne-t-elle.
Identifier les créneaux porteurs
Des segments de marchés sont porteurs depuis le début de la crise à l’image de la dermocosmétique, boostée par les ventes de gels hydroalcooliques (+ 45 % en volume en cumul fixe de janvier à mi-mai 2020 et + 4 % hors gels), ou encore de l’hygiène, de l’hydratation des mains, des produits orientés sur la « naturalité », des productions locales et de celles vantant plus largement le made in France.
L’utilisation plus massive de certains services numériques (scan d’ordonnances, commandes et achats en ligne, informations poussées sur les sites internet des pharmacies), le click & collect, le télésoin et la livraison à domicile sont autant d’opportunités. « Même si les règles de sécurité sanitaire s’assouplissent progressivement, ces services pourraient s’installer durablement car ils ont fait la preuve de leur utilité. En deux mois, de nombreux freins réglementaires, techniques et psychologiques (autorisation de fabrication de solutions hydroalcooliques, téléconsultation par exemple) sont tombés ! Les pharmaciens auraient intérêt à prendre ce virage, ne serait-ce que dans l’hypothèse d’une nouvelle vague et d’un reconfinement », conseille Hélène Charrondière. Tout aussi pragmatique, Philippe Becker est convaincu que la fréquentation des pharmacies pratiquant des prix bas sur l’OTC et la parapharmacie et développant une offre internet est un phénomène qui va s’amplifier. La diversification, qui n’est pas l’apanage des grosses structures, peut s’opérer vers ces services de proximité et, plus généralement, vers de nouvelles activités, vers tous ces produits demandés pendant le confinement et que le pharmacien n’avait pas l’habitude de proposer avant le Covid. Mais surtout, « le moment est opportun pour faire un point avec l’équipe sur le ressenti de chacun, et sur ce qui pourrait être développé », souffle Olivier Desplats.
Chercher les nouvelles rémunérations
Même si les nouvelles missions pèsent peu dans le chiffre d’affaires et la marge de l’officine (voir Repères ci-contre), certaines missions exceptionnelles confiées aux pharmaciens pendant la crise sanitaire (distribution de masques aux soignants et aux patients, fabrication de solutions hydroalcooliques, délivrance des médicaments de l’IVG médicamenteuse, etc.) pourraient être prorogées. « Le pharmacien doit se préparer à aller chercher toutes ces nouvelles rémunérations pour compenser la baisse en valeur de 3 000 à 6 000 € de l’excédent brut d’exploitation (selon des statistiques CGP de 2019) », invite Joffrey Blondel, directeur gestion officinale du groupe Astera. Une baisse qui sera aggravée cette année par le Covid-19, sous réserve des mesures mises en œuvre par l’Etat. Selon lui, les entretiens pharmaceutiques, le rôle de pharmacien correspondant et les dépistages par Trod ont un effet de bord positif sur le chiffre d’affaires. Mais les pharmaciens n’ont certainement pas encore pris la pleine mesure qu’offrent les nouvelles missions en matière de propositions associées, notamment pour certains marchés de niche (soins locaux, produits naturels, nutrithérapie, solutions de prévention, etc.). En outre, ce rôle « augmenté » contribue à conforter et rassurer les patients chroniques et à améliorer l’image de l’officine. « Bien entendu, il faudra veiller à ce que les pharmaciens soient correctement rétribués pour ces missions », conclut Joffrey Blondel.
À RETENIR
– Après un mois de déconfinement, l’activité reste en deçà des résultats de la même période de l’année 2019 (- 2,72 % en mai 2020 versus mai 2019).
– Le rythme devrait revenir à la normale en juin.
– Les pharmacies de proximité profiteront de la modification des habitudes d’achat, mais ne pourront faire l’impasse ni sur les prix compétitifs ni sur le numérique.
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