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Quelles parades aux ruptures de stock ?
Les chiffres sont alarmants ! L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) fait état de 871 ruptures ou tensions d’approvisionnement, en 2018. Le nombre de ruptures a été multiplié par vingt en dix ans. Lors du congrès national des pharmaciens 2019, Fabrice Camaioni, président de la commission Métier pharmacien à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), a exprimé le ras-le-bol des pharmaciens qui ont le sentiment de se retrouver seuls face au mécontentement des malades : « Les pharmaciens en ont plus qu’assez, les ruptures s’amplifient et on n’en voit pas l’issue ! » Près d’un Français sur quatre s’est déjà vu refuser un médicament pour cause de rupture.
L’ART de “la débrouille”.
En attendant la mise en place d’actions structurantes, Mélodie Caudron, titulaire à Sèvres (92), “se débrouille” pour ne jamais laisser un patient sans solution. « J’envisage diverses possibilités : la solidarité entre officinaux qui marche moyennement en région parisienne, mais beaucoup mieux au sein de mon groupement, entre pharmaciens Giphar de mon secteur, via notre intranet, Facebook, WhatsApp. Je me suis inscrite à Vigirupture, mais cette solution n’est pas encore bien entrée dans les mœurs de mes confrères. » Elle a aussi adopté la méthode “fourmi” : quand un produit est de retour, il lui arrive fréquemment de mettre quelques boîtes de côté et de ne pas délivrer l’intégralité des médicaments figurant sur l’ordonnance, au cas où un patient particulièrement vulnérable en aurait besoin, ou encore d’informer les médecins pour leur dire de freiner sur tel ou tel médicament.
LA SUBSTITUTION : une mesure attendue.
Inscrite dans la loi Santé promulguée en juillet dernier, la substitution sous conditions doit atterrir en 2020 ! Le pharmacien sera, alors, autorisé à substituer des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) en cas de ruptures, sans avis préalable du médecin. Toutefois, des conditions seront requises : mise à disposition par l’ANSM d’une liste de spécialités substituables par le pharmacien, information systématique du prescripteur a posteriori, etc… Si cette mesure fera gagner du temps au pharmacien, elle devra aussi être bien bordée sur le plan juridique pour éviter de retomber dans une cascade infernale. « Le pharmacien remplace un médicament manquant par un autre, sur lequel vont se faire la plupart des reports de pres cription et qui va à son tour être en rupture… C’est l’effet domino de la substitution », souligne Fabrice Camaioni.
LE PRÉPARATOIRE : un remède aux ruptures.
Renouer avec la préparation magistrale, cœur historique du métier du pharmacien, voilà la solution préconisée par l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) ! « Grâce aux pharmacies disposant d’un préparatoire ou via la sous-traitance organisée entre confrères, les patients français ont accès à une préparation répondant à leurs besoins en moins de 2 jours ouvrés. Aucune autre solution ne peut être mise en place dans les mêmes délais », développe Eric Myon, secrétaire général de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF). Les exemples récents de rupture de Prednisone et de Prednisolone ont montré la pertinence de la préparation magistrale. La réalisation d’une préparation aux dosages adaptés est rapide et sécurisante. Pour ce faire, il faut s’adresser à une pharmacie “prestataire” que l’on peut trouver rapidement sur les sites de la société des officinaux sous-traitants en préparation (SOTP) et du syndicat national de la préparation pharmaceutique (SN2P).
DP-RUPTURES : des évolutions en 2020.
En fluidifiant la transmission d’information entre les acteurs du circuit du médicament, l’outil DP-ruptures améliore la gestion des ruptures d’approvisionnement. Sa généralisation permettra d’avoir une photographie des stocks, partout en France, à l’instant T, et de mesurer l’efficacité des actions mises en place pour lutter contre les pénuries. « L’enjeu est maintenant d’ouvrir l’accès de DPRuptures aux grossistes répartiteurs et aux dépositaires, ce qui permettra d’avoir une visibilité sur les produits sous tension de manière à équilibrer les stocks sur l’ensemble des officines et activer le dépannage d’urgence directement auprès des laboratoires pharmaceutiques », a déclaré Carine Wolf-Thal, présidente du conseil national de l’Ordre des pharmaciens, lors du congrès national des pharmaciens. Cette nouvelle fonction essentielle de DPruptures sera lancée d’ici à la fin 2019. D’autres évolutions sont annoncées pour 2020 : la vision du tableau de bord hebdomadaire de DP-Ruptures sera étendu aux 500 codes de spécialités les plus en tension. C’est-à-dire qu’en cas d’une rupture laboratoire, la date prévisionnelle de retour sera mise à jour en temps réel, la liste des médicaments considérés comme des MITM (Médicaments d’intérêt thérapeutique majeur) et la vision des ruptures anticipées validées par les laboratoires concernés et l’ANSM seront également indiquées.
LE CAS D U MOIS
Vous êtes confrontés à une augmentation importante des ruptures d’approvisionnement, particulièrement préjudiciable pour vos patients, mais également pour votre image. Le 8 juillet 2019, Agnès Buzyn, ministre de la santé, a dévoilé une feuille de route contre les pénuries de médicaments. Depuis la rentrée, des groupes de travail du Comité de pilotage chargé de la stratégie de prévention et de lutte contre les pénuries de médicaments en France (COPIL) planchent sur un plan anti-ruptures. Mais, le temps est encore celui de l’analyse et il va falloir encore patienter quelques mois avant qu’il laisse la place aux solutions. En attendant, quels remèdes mettre en place ?
LES EXPERTS
Fabrice Camaioni
PRÉSIDENT DE LA COMMISSION MÉTIER PHARMACIEN À LA FSPF
Carine Wolf-Thal
PRÉSIDENTE DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES PHARMACIENS
Éric Myon
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’UNPF
Baudoin Petitpre
DIRECTEUR GÉNÉRAL D’APODIS PHARMA
Nicolas Buglio
DIRECTEUR ASSOCIÉ DE LA SOCIÉTÉ DE SERVICES OFFISANTÉ
AH OUI !
En cas de rupture, quand le médecin est injoignable, appeler le centre 15 ou orienter le patient vers un autre médecin en urgence.
OH NON !
Le pharmacien consacre en moyenne 5 à 6 heures par semaine à la gestion des pénuries de médicament, en tentant de commander des spécialités inaccessibles ou en contactant les prescripteurs pour obtenir leur accord pour modifier la molécule prescrite.
Start-upDes solutions émergent
Offisanté, start-up spécialisée dans la collecte et le traitement des données des officines, a lancé, début 2018, un site web collaboratif entre pharmaciens pour répondre aux ruptures de médicaments. Ce dispositif confraternel et gratuit est basé sur le partage en réseau des informations des stocks de chaque officine. Lorsque le pharmacien est en rupture d’un produit, il cherche dans son portail Vigirupture les confrères de son secteur disposant du médicament dans leur stock. Les pharmacies sont immédiatement géolocalisées sur une carte, le pharmacien n’a plus qu’à téléphoner à l’une d’entre elles pour réserver le produit. Puis, d’adresser le client à son confrère ou de rapatrier ce produit à son officine. Aujourd’hui, Vigirupture repose sur un réseau de 6000 officines. « Sur les 12 derniers mois, à fin octobre 2019, Vigirupture a permis 317 483 dépannages. Au cours de ce dernier mois, le nombre de dépannages entre pharmaciens s’est élevé, en moyenne, à 1800 par jour », indique Nicolas Buglio, directeur associé de la société de services OffiSanté. Autre start-up, Apodis Pharma, développe une approche différente. « Nous analysons les données de stocks, de ventes et de retours « manquants » sous la norme Pharma ML. L’utilisation d’algorithmes permet ensuite d’estimer le taux de disponibilité des produits sur l’ensemble des agences des grossistes et d’en informer les laboratoires, expose Baudoin Petitpré, directeur général d’Apodis Pharma. En cas de rupture, le laboratoire envoie un “push” pour déclencher un dépannage en urgence de la pharmacie. Mais, le but de cette transformation digitale est de créer un cercle vertueux de la supply chain. Le laboratoire va accompagner le répartiteur, l’aider à mieux travailler ses réassortiments et approvisionner les officines. » Le dispositif est opérationnel, mais doit encore monter en puissance pour pouvoir donner sa pleine mesure. Apodis compte environ 1 200 pharmacies sur sa plateforme, 3 laboratoires partenaires (bientôt 4) et un répartiteur du top 6. « Apodis permet d’augmenter le taux de disponibilité des produits de 10 à 20 % », conclut Baudoin Petitpré.
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