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LES GROSSISTES SONNENT L’ALERTE ROUGE
Comme l’officine, la répartition a connu une année 2011 très difficile et mouvementée, tant sur le plan économique qu’au niveau de son image. La sonnette d’alarme a été tirée ET UNE NOUVELLE MARGE A ÉTÉ NÉGOCIÉE avec les pouvoirs publics.
D’ordinaire, quand un système de distribution fonctionne bien, il ne fait pas parler de lui. Or, depuis plusieurs mois la répartition est au cœur d’une polémique qui s’est envenimée à la rentrée, au point d’être accusée par Xavier Bertrand, ministre de l’Emploi, du Travail et de la Santé, d’être « un système obsolète ». Si personne ne conteste l’expertise et les services rendus par les grossistes-répartiteurs, cette profession est aujourd’hui mise à mal en raison de la recrudescence des ruptures d’approvisionnement.
EN FINIR AVEC LES RUPTURES D’APPROVISIONNEMENT
La répartition rejette la responsabilité de ces défaillances à des causes industrielles, comme la mondialisation des marchés, la concentration des chaînes de production, la concurrence par les prix, le commerce parallèle ou encore les pratiques des quotas destinées à garantir au laboratoire une complète maîtrise de la distribution de ses produits. « Le problème sanitaire des ruptures d’approvisionnement a une origine économique », explique Claude Castells, président de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP).
Les short liners sont également dans le collimateur des grossistes traditionnels qui les accusent d’utiliser leur statut à des fins détournées, de ne pas respecter les obligations de service public liées à ce statut et de ne distribuer que les produits les plus rentables. Image qui leur colle à la peau depuis leurs débuts. « Tous les répartiteurs pratiquent l’export dans des proportions plus ou moins grandes, même les trois principaux acteurs du marché car ils possèdent, chacun, des filiales pour l’export, contre-attaque Yann Rivoal, président du short liner Phictal. On nous parle des quotas mis en place par certains laboratoires sur une partie ou la totalité de leurs produits. Ces quotas sont mis en place pour lutter contre l’exportation parallèle, d’après le rapport du député Yves Bur. Alors, pourquoi certains laboratoires maintiennent-ils des quotas sur des produits non demandés par les marchés étrangers à ce jour, tels que Plavix, Foradil, Eucreas et Séroplex ? Certains laboratoires pratiquent cette politique des quotas sur la quasi-totalité de leurs produits (tel Servier) ou sur l’ensemble de leurs spécialités. Lilly et Roche poussent même jusqu’à n’attribuer aucune boîte de certains médicaments pour les petits acteurs de la distribution. Ces quotas sont répartis en fonction des parts de marché de chacun. Les quantités attribuées à OCP, Alliance, CERP et Phoenix avoisinent 98 %. Ce qui signifie que les autres acteurs, qui sont d’ailleurs tenus responsables des ruptures de stock par Claude Castells et Christian Lajoux, se partagent 2 %. »
Face au risque de mainmise de la chaîne de distribution du médicament par d’autres opérateurs, la CSRP demande une plus grande intervention de l’autorité de régulation. Mais celle-ci ne semble pas en prendre la mesure. « La tâche de l’Etat est compliquée car il doit assumer deux rôles de régulateur, économique et sanitaire, qui ne sont pas forcément compatibles l’un avec l’autre », justifiait Fabienne Bartoli, inspectrice générale des affaires sociales, lors d’un colloque organisé le 19 octobre 2011 par la CSRP.
LES SHORT LINERS PASSENT À L’OFFENSIVE
En l’absence de volonté affichée du régulateur de mettre de l’ordre dans la chaîne de distribution, les répartiteurs s’inquiètent pour leur avenir. « Avec les appels d’offres, la mise en place d’un numéro Vert, le système de double prix, les ventes directes ou encore l’autorisation de vendre les génériques au prix fournisseur, on ne s’y serait pas pris autrement si on avait voulu neutraliser les grossistes », assène Claude Castells qui, reprochant le manque de synergie entre les différents maillons de la chaîne de distribution, en appelle à l’union. « Ce que nous constatons sur le terrain est très clair, assène pourtant Yann Rivoal. Les grossistes « traditionnels » tentent par tous les moyens de détourner les officinaux des petits acteurs – que nous sommes – afin de continuer à se partager le gâteau. Nous avons été les premiers répartiteurs à indiquer sur le bon de livraison le lot et la péremption des médicaments livrés, ce qui assure une traçabilité totale. Nous avons proposé à l’Agence du médicament de faire partager aux autres notre expérience dans ce domaine.? »
Le short liner n’y va pas avec le dos de la cuillère, n’hésitant pas à condamner d’autres pratiques : « Ajoutez à cela les pactes de non-agression qui sont mis en place dans de très nombreuses régions, et vous comprendrez que la situation des petits est parfois difficile. Ne serait-il pas plus intelligent pour la CSRP de jouer la carte de l’union plutôt que celle de la division »
L’économie de la répartition est en proie aux mêmes maux que les officinaux, à savoir l’inadaptation du système de rémunération, une croissance molle du marché, l’érosion de la marge… Du coup, elle se dégrade à la vitesse grand V. « En cinq ans, la marge des grossistes a diminué de plus de 10 %, le résultat d’exploitation a dévissé de 50 % en trois ans et notre taux de marge est proche de 5 % après paiement de la contribution Acoss. Cette situation ne peut être sans effet sur l’évolution du système de distribution du médicament », alertait il y a peu Emmanuel Déchin, secrétaire général de la CSRP. « Notre équation économique est intenable, certains répartiteurs sont dans le rouge », prévenait également Claude Castells.
LES GROSSISTES OBTIENNENT UNE NOUVELLE MARGE
Cette situation est-elle la cause de ce que dénonce par ailleurs Yann Rivoal ? « Les trois principaux acteurs de la répartition, afin de récupérer les miettes de la distribution, mettent en place des systèmes de livraisons payantes auprès des pharmacies dans l’hypothèse où ils ne récupéreraient pas les quelques commandes qui leur échappent », affirme le président de Phictal.
Un traité de paix entre grossistes-répartiteurs et short liners ne semble pas pour l’instant à l’ordre du jour. Les premiers, qui n’ont cessé d’alerter les pouvoirs publics sur la fragilisation de leur économie, semblent avoir été entendus puisque, fin novembre, l’annonce d’une modification des marges a été annoncée. La répartition négociait en effet cette nouvelle marge, de façon fort discrète, depuis juillet 2011.
La situation en 2012 ne devrait logiquement pas empirer.? La marge dégressive a été ainsi abandonnée au profit d’un taux de marge unique de 6,68 % sur le prix fabricant hors taxes, avec une rémunération minimale de 0,30 euro et maximale de 30 euro. Ce nouveau dispositif devrait être applicable dès le 1er janvier 2012. « Nous allons perdre 40 millions d’euros à la fin 2011, alors que l’Assurance maladie va en gagner 25 millions, et, fin 2012, notre perte s’élèvera à 60 millions d’euros », déplore néanmoins Claude Castells.
REPÈRESRegain du direct en 2011
Comment s’est porté le médicament remboursable en 2010 ? Au vu des chiffres dévoilés par la CSRP, l’année a été plus clémente pour les répartiteurs que 2011 (pour les huit premiers mois de l’année). Leur chiffre d’affaires sur ce segment a progressé de 0,67 % en 2010 et de 0,62 % en 2011. La croissance de l’année dernière est liée au léger retrait des ventes directes (- 1,23 %) et au bon score réalisé sur les génériques en ville (+ 21,92 %). Cette situation ne se retrouve pas, par contre, dans les marges qui sont laminées par la taxe Acoss : les répartiteurs voient leurs marges diminuer de 0,67 % en 2010 et de 0,54 % en 2011 (de janvier à août).
La CSRP constate que les ventes directes reprennent des couleurs en 2011 (+ 1,32 % du chiffre d’affaires). En comparaison, et sans être mirobolants, les résultats des officines font preuve d’une plus grande stabilité avec une hausse du chiffre d’affaires de 0,35 % et de la marge de 0,33 % en 2010. Les chiffres de 2011 s’inscrivent dans une tentance d’augmentation du chiffre d’affaires de 0,58 % et de 0,01 % de la marge.
REPÈRESShort liner : profession agitateur
Concentrant leur activité sur une gamme très resserrée de produits, spécialisés dans le commerce intracommunautaire, les shorts liners ont obtenu de l’Afssaps le statut de grossiste-répartiteur. Et pourtant, leurs demandes d’adhésion à la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP) sont régulièrement rejetées. Même s’ils ne représentent que 2 % du marché, ces résultats modestes sont suffisants pour déranger l’ordre établi. « Le terme de short liner est injustement utilisé car il s’agit d’un statut qui n’existe pas », tient à préciser Yann Rivoal, président de Phictal. Mais alors, comment se situent-ils au sein du marché des distributeurs en gros ? « Il existe différents types de grossistes-répartiteurs qui sont venus se mêler au grand bal de la répartition sur le territoire français depuis ces dix dernières années, explique Yann Rivoal. Il y a ceux issus d’un groupement de pharmacies, comme par exemple RBP Pharma, mais aussi des grossistes qui étaient à l’origine « exportateurs » et qui ont été contraints d’activer leur licence d’exercice en France pour continuer à percevoir des quotas par le calcul des parts de marché. Les grossistes basés à l’étranger ont également implanté des entités en France, tel D2P Pharma. Des grossistes ont été créés de toutes pièces par les trois premiers acteurs du secteur (OCP, CERP et Alliance) afin d’améliorer leur part de marché. OCP a ainsi lancé Etradi et Alliance a repris Ouest Répartition. Enfin, il existe des grossistes indépendants, comme Phictal. »
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