LES GÉNÉRIQUEURS MISENT SUR L’OBSERVANCE

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Publié le 27 février 2016 | modifié le 25 mars 2025
Par Francois Pouzaud
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Enjeu financier et de santé publique, l’observance est aussi un défi pour les laboratoires de génériques, soucieux de consolider leur rôle de partenaire du pharmacien et de soigner leur image d’acteur médico-économique. Ils multiplient donc les outils et services pour asseoir leur présence auprès des patients.

Facteur clé du succès d’un traitement, l’observance thérapeutique reste trop souvent un objectif très partiellement atteint. On connaît pourtant les multiples enjeux d’une meilleure adhésion des patients, souvent chroniques, à leurs traitements. Le déficit d’observance a des conséquences médicales et économiques. Selon IMS, la Sécurité sociale pourrait économiser près de 9 milliards d’euros par an en améliorant l’observance des patients traités pour 6 maladies chroniques. Pour remédier à la non-observance, les solutions sont nombreuses : préparation des doses à administrer (PDA) au domicile, pilulier électronique, SMS de rappel, sites Internet, applications… La meilleure d’entre elles est celle qui responsabilise le patient par l’information et l’éducation, en premier lieu à l’officine. Les génériqueurs se sont emparés du sujet pour ajouter un nouveau service à leur catalogue et renforcer leur démarche de partenaire global auprès des officinaux. Leurs motivations ne sont pas dictées que par la croissance de leurs parts de marché. Ils marquent aussi leur engagement à infléchir les coûts de santé, autrement que par la mise à disposition de médicaments moins chers que les originaux.

Aussi Biogaran rappelle que l’économie d’un médicament ne tient pas uniquement dans son prix, mais réside dans l’amélioration de son bon usage. Selon Teva laboratoires, le partenariat avec les pharmaciens doit être le plus étroit possible et l’industrie doit se mettre au service du patient. « Au travers des services qui améliorent l’observance, les objectifs sont de faire en sorte que le médicament prenne toute sa place dans le parcours de santé et d’aider les pharmaciens à réussir leur acte de dispensation, et non pas de combler un déficit d’image de nos produits », assure Frédéric Girard, président de Sandoz France. Mais sur un marché où la différence ne se fait pas sur le produit, « la raison essentielle de l’investissement des génériqueurs dans l’observance est la recherche d’une différenciation entre les entreprises, d’autant qu’il existe un vrai vide dans la prise en charge du patient en ce domaine », ajoute-t-il. Enfin, une autre réponse à la légitimité de l’action et à l’implication des laboratoires de génériques dans l’observance se trouve dans les prévisions du marché. « A l’horizon 2020, le générique représentera plus de 50 % du marché pharmaceutique en volume », annonce Vincent Pont, président d’Arrow Génériques.

Packagings : un investissement permanent

Dès l’instauration du droit de substitution en France en 1999, les laboratoires de génériques se sont employés à proposer un packaging clair et lisible tant au niveau de la dispensation par le pharmacien que du bon suivi du traitement par le patient. Ils ont acquis au fil du temps un certain savoir-faire. Les packagings sont devenus porteurs de visuels, de symboles et de pictogrammes améliorant l’identification du traitement, ainsi que son suivi et sa sécurité d’emploi. Mylan affiche par exemple sur ses boîtes les photos des gélules ou des comprimés aux dimensions et couleur réelles et a mis au point des pictogrammes indiquant les moments de prise. Pour sa part, EG Labo a conduit une refonte de sa charte graphique pour rendre les informations essentielles encore plus lisibles : indications portées en gros sur le packaging, inscription du nom du médicament et de son dosage en braille. « Pour les malvoyants, nos notices sont disponibles en caractères agrandis, pour les non-voyants, le nom de la DCI est écrit sur toutes nos boîtes en braille, et, sur demande, ils peuvent recevoir chez eux un CD-ROM avec un fichier audio de la notice », ajoute Anne-Marie Jubault, responsable des études marketing chez EG Labo. Pour leur part, les packs de médicaments Arrow Génériques sont équipés d’une zone prérenseignée pour optimiser l’observance et le bon suivi des traitements.

Sur les boîtes de ses médicaments génériques non listés, Zentiva a intégré un QR code grâce auquel les patients ont accès à tout moment à des informations actualisées sur leur médicament depuis leur smartphone. Chez Teva, un nouveau conditionnement est adapté aux personnes âgées. Un groupe de travail pluridisciplinaire est né suite à l’affaire du furosémide de juin 2013. En est sorti le programme « Marguerite », destiné à améliorer l’observance chez les personnes âgées polymédiquées et autonomes, ainsi que des actions concrètes.

« Easybox doit aider les patients au quotidien dans leur prise de traitements, grâce à une lisibilité améliorée des informations relatives au médicament, un code couleur unique pour chaque référence, une meilleure visualisation de la forme pharmaceutique, une horloge posologique, détaille Cécile Maigne, coordinatrice du programme Marguerite. Nous avons lancé une étude pour mesurer l’impact d’Easybox auprès des patients et, parallèlement, mis en place un recueil du feed back des pharmacies, ce qui permet d’avoir une démarche évolutive sur ce packaging. »

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Chez Sandoz également, « les nouveaux packagings de la gamme OTC, lancés en septembre 2015, sont le fruit d’un travail en commun entre patients et professionnels de santé de manière à matérialiser et à devenir le support de la relation entre pharmacien et patient », explique Frédéric Girard.

Education thérapeutique et coordination autour du patient

L’outil le plus efficace pour améliorer l’observance est certainement l’éducation thérapeutique du patient (ETP). Les entretiens pharmaceutiques en sont une déclinaison adaptée aux officines. Ainsi, par exemple, Sandoz propose en association avec la société Observia un logiciel interactif pour faciliter la conduite des entretiens pharmaceutiques au moyen d’une tablette tactile. Tout d’abord avec les patients sous AVK et plus récemment avec les patients asthmatiques. Agendas, envoi de SMS, vidéos pédagogiques, pilulier virtuel, historique des entretiens, bilan imprimable, statistiques… : près de 3 000 pharmacies utilisent aujourd’hui cet outil, selon Sandoz.

Pour sa part, Teva propose de nouveaux outils, tels que le classeur de liaison entre le patient et les professionnels de santé et le « passeport observance » du patient. « C’est un guide pour lui permettre de mieux préparer ses rendez-vous et consultations médicales, précise Cécile Maigne. Nous avons également élargi notre démarche en lançant l’été dernier notre site teva-observance.fr, comprenant conseils et outils tutoriels. » Toujours chez Teva, un outil est destiné aux équipes officinales : le « carnet réflexe observance » pour initier le dialogue et identifier les patients à risque d’inobservance dans certaines circonstances favorisantes : départ en congé, mobilité géographique, changement de professionnel de santé, prise de plus de 7 médicaments par jour… Le programme Marguerite comporte également un volet « iatrogénie », la frontière étant étroite avec l’observance. « Il réside notamment dans la mise à disposition d’outils aidant les professionnels de santé à mieux prendre en compte les paramètres biologiques du patient pour adapter ses traitements et minimiser le risque iatrogène », précise-t-elle.

PDA, le nouveau créneau des génériqueurs

Plusieurs laboratoires de génériques ont développé une gamme de produits adaptée à la préparation des doses à administrer par les pharmaciens : Mylan, Biogaran, Arrow Génériques, EG Labo… « Notre gamme de médicaments couvre 88 % des pathologies existantes, précise Philippe Bayon, directeur marketing chez Mylan. Afin de répondre aux besoins de la PDA automatisée, nous avons développé une gamme de produits en flacon, avec le même nombre d’unités en termes de contenance que la spécialité sous sa présentation classique. Et pour faciliter la préparation manuelle des piluliers, il existe des blisters unitaires prédécoupés, ou BUD. Ils comportent le nom de la spécialité, le dosage, la forme pharmaceutique, le numéro de lot et la date de péremption au dos de chaque blister. »

Fin 2015, la gamme Mylan en flacons comportait 25 molécules (36 présentations) et 174 BUD, soit 120 DCI. La PDA ambulatoire s’inscrit dans les réflexions et projets futurs de Mylan. « Nous allons organiser des réunions à l’attention des pharmaciens pour les sensibiliser à l’observance », annonce Philippe Bayon. Dans la même ligne d’actions, Sandoz a de son côté programmé une campagne d’information au second semestre pour sensibiliser les patients à l’observance.

Autre acteur en vue sur ce marché, Arrow Génériques s’appuie sur son expertise hospitalière pour développer une offre de blisters unitaires en ville. « Nous avons lancé une gamme hospitalière en 2006 et en ville en 2008 », détaille Vincent Pont. Son offre PDA intégre près de 30 présentations en piluliers et plus de 170 blisters unitaires conditionnés en boîtes trimestrielles ou mensuelles, dont une partie est proposée en ville. « La présence de notre offre sur ces deux marchés permet de mieux assurer la continuité de l’observance entre l’hôpital et la ville », explique-t-il. Selon Vincent Pont, elle s’inscrit parfaitement dans la démarche des groupements hospitaliers de territoire, dont la mise en œuvre est prévue au 1er juillet 2016. Leur vocation est que les établissements publics de santé d’un même territoire définissent une stratégie de prise en charge partagée autour d’un projet médical commun et gèrent l’ensemble des fonctions transversales, par exemple la mise en place du même livret thérapeutique patient. L’objectif étant ultérieurement d’augmenter les interactions avec les pharmaciens d’officine.

Biogaran a également investi le marché de la PDA. Il propose aux pharmaciens une gamme de produits et de dosages adaptés avec près de 120 spécialités en blisters prédécoupés, dont 27 en conditionnements unitaires, et 100 spécialités en flacon à fin 2015, ainsi que des services associés (livraisons rapides et prioritaires…). L’offre PDA d’EG Labo est composée des mêmes ingrédients, seuls diffèrent le nombre de présentations disponibles en BUD (une centaine) et les partenariats sur les piluliers préparés manuellement. Sandoz s’apprête également à prendre pied sur le marché de l’ambulatoire, au travers d’un contrat de partenariat avec un acteur de la PDA, spécialisé dans les systèmes de piluliers à préparation manuelle. « La remise d’un pilulier à un patient permet d’avoir une véritable interaction avec lui », considère Frédéric Girard.

Des génériqueurs très observants avec les applications mobiles

En octobre 2014, Biogaran s’illustre en apportant aux professionnels de santé et au patient Medi’Rappel, une application mobile conçue pour aider les patients à ne pas oublier la prise de leurs médicaments ou celle de leurs proches. Gratuite, cette appli pour smartphone permet de recevoir une alerte pour chaque prise, un rappel pour renouveler son ordonnance, lister ses contacts médicaux, calculer le nombre de médicaments à emporter lors de ses déplacements, créer plusieurs profils pour gérer les traitements de ses proches, apporter des conseils sur la bonne conservation, le transport des médicaments…

Sans oublier le service en ligne Medimaux, aide à l’automédication et sa page Facebook (facebook.com/biogaran) qui propose à 52 000 fans de nombreux conseils et informations santé. « C’est cette multiplicité d’actions qui fait que Biogaran se démarque aujourd’hui, et que le laboratoire est devenu une référence et une marque de confiance auprès des patients », explique Isabelle Morin, directrice marketing. Le laboratoire va poursuivre en 2016 ses initiatives vis-à-vis des patients et des professionnels de santé, à commencer en mars avec une nouvelle version, simplifiée, de l’appli Medi’Rappel. Au-delà des services, le défi se situe au niveau des changements de comportements. « Le problème de l’observance ne se résoudra pas uniquement par l’utilisation d’outils. Il faut travailler sur de nouveaux ressorts qui relèvent d’une approche différente de l’humain, en particulier pour agir sur le mental et les motivations profondes des patients, lever leurs craintes sur le médicament et créer de l’adhésion », estime Isabelle Morin.

Plus récemment, en octobre 2015, Arrow Génériques a lancé l’appli aBox Note pour partager à distance et en temps réel des données de santé entre le pharmacien et son patient. Ceci pour améliorer les échanges et suivre à distance l’observance du patient à partir d’un tableau de bord et de la transmission d’informations biologiques et physiologiques. Les données sont renseignées manuellement ou via des objets connectés. L’intérêt est de pouvoir présenter l’état de santé des patients et ainsi identifier ceux qui ont besoin des conseils avisés. Ces informations patient sont uniquement accessibles au pharmacien et entièrement sécurisées par un hébergeur agréé par les autorités de santé.

Toutes ces initiatives qui s’inscrivent dans une dimension servicielle forte montrent aussi qu’un nouveau champ de bataille concurrentiel, dépassant largement le cadre des remises, s’ouvre entre génériqueurs.

Des outils pour les 7 à 77 ans

Biogaran a mené des actions ciblées auprès de catégories de patients particulièrement exposés au risque d’inobservance. D’abord par une campagne d’information auprès des femmes sous contraceptif oral pour qu’elles évitent d’oublier leur pilule, avec la mise à disposition en officine de brochures conseil et de pochettes pour qu’elles aient toujours leur pilule sur elle. Puis, lancement de la mallette Medikid conçue pour accompagner les enfants dans leurs déplacements et leur éviter ainsi tout risque de rupture thérapeutique. Même objectif encore avec l’arrivée ensuite de l’organiseur de médicaments pour aider les seniors polymédiqués à mieux suivre leurs traitements lors de leurs déplacements. Zentiva n’est pas en reste, mettant en avant plusieurs services : un kit comptoir « contraception orale » à destination de l’équipe. Toujours dans le domaine de la contraception, ce génériqueur mettra bientôt à disposition des patientes une application mobile de rappel de pilule, Ma Pilule by Zentiva, avec diverses fonctionnalités : programmation de rappels de prise, retrouver des informations pratiques, mise en place d’un journal de bord…

Des brochures et des fiches toujours utiles

Plus classiques, les brochures conseil mises à disposition des patients pour les aider à mieux connaître et mieux comprendre leur maladie restent une valeur sûre. Zentiva, par exemple, a en catalogue plus d’une vingtaine de brochures, dont une consacrée plus particulièrement au bon usage du médicament chez les 65 ans et plus. Une autre variante : le pharmacien client d’Arrow Génériques peut aussi utiliser des fiches d’accompagnement à la pathologie (asthme, BPCO…) pour enrichir les échanges avec ses patients lors d’entretiens pharmaceutiques.