La fin du tunnel pour l’économie officinale ?

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Publié le 19 septembre 2018
Par Francois Pouzaud
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Après des années de baisse du chiffre d’affaires sur le médicament remboursable porté au remboursement, la tendance a l’air de vouloir s’inverser. L’analyse est toutefois délicate.

En cumul fixe, de janvier à juillet 2018, le chiffre d’affaires (CA) sur le médicament remboursable porté au remboursement progresse de 1,36 % par rapport à la même période de l’année précédente (source : FSPF d’après IQVIA-Pharmastat), malgré les baisses de prix et des unités vendues (-1,22 %).

Si les deux syndicats (l’USPO, signataire, et la FSPF, non signataire) s’en félicitent, « il faut voir à ne pas confondre chiffre d’affaires et rémunération, qui est l’élément permettant à l’entreprise de fonctionner, payer ses salariés, maintenir l’outil de travail et financer ses développements », rappelle Philippe Gaertner, président de la FSPF. Car jusqu’ici, le nouveau mode de rémunération n’est pas complètement parvenu à stabiliser la marge de l’officine (-0,34 %, -10 millions d’euros, honoraires compris). « Si l’on ajoute à ces 10 millions, 30 millions d’euros de remises en moins, liés à l’impact des baisses de prix, et 70 millions d’euros de charges supplémentaires pesant sur nos entreprises en raison des salaires, cela fera bien 100 millions d’euros en moins pour le réseau à la fin de l’année. » Un raisonnement que conteste Gilles Bonnefond, président de l’USPO, en reprochant à la FSPF « de comptabiliser les charges de l’officine dans les pertes ».

Médicaments chers : entre aubaine et illusion

L’effet d’aubaine des médicaments chers n’est, lui, pas contestable. Ils portent la croissance sur les sept premiers mois de l’année. « La hausse du chiffre d’affaires s’explique uniquement par la commercialisation de nouveaux produits très chers, fait remarquer Philippe Gaertner. Ils représentent à eux seuls une progression de 340 M€ de CA, soit le double de la progression totale du CA présenté au remboursement. » En effet, à fin juillet, les médicaments de PFHT supérieurs à 1 515 € représentent un CA PPTTC de 429 millions d’euros procurant au réseau 10,4 millions d’euros de marge. Certes, les médicaments chers contribuent au redressement de la marge du réseau. Mais pas pour chaque officine. « Fin juillet, seulement 57 % des pharmacies ont vendu ces produits », rapporte Philippe Gaertner. La répartition des ventes de médicaments chers impacte de manière très concrète les 43 % d’officines « laissées pour compte », avec le risque d’avoir une évolution de l’économie à double vitesse plus marquée que l’an dernier : dans ses statistiques 2017, Fiducial remarque que les pharmacies enregistrant une baisse d’activité sont en proportion moins importantes (48,7 %) qu’en 2016 (50,9 %).

2019 entre optimisme et inquiétude, la FSPF inquiète

Comme le montrent ces résultats à fin juillet, mais aussi les moyennes professionnelles des cabinets d’expertise comptable, l’officine renoue depuis l’année dernière avec une croissance, légère et délicate à analyser. « Alors que l’honoraire à la boîte nous pénalise de 22 millions d’euros, les autres paramètres de la nouvelle rémunération permettent de stabiliser l’économie de l’officine et nous n’en sommes qu’à la première étape de la réforme ! » positive Gilles Bonnefond.

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Un optimisme que ne partage pas Philippe Gaertner, au vu de l’analyse des indicateurs sur lesquels reposeront à partir du 1er janvier 2019 les évolutions du mode de rémunération&hairSpace;* : « Les nouveaux honoraires de dispensation sont fondés sur les éléments d’évolution les plus négatifs, à savoir la baisse des unités, des ordonnances et des ordonnances de cinq lignes et plus, d’où mon inquiétude. »

* A partir de 2019, trois nouveaux honoraires seront introduits et progressivement revalorisés. 0,51 € seront accordés pour l’exécution de toute ordonnance, tandis qu’un honoraire de dispensation de 2,04 € (3,57 € en 2020) est prévu pour les médicaments spécifiques (stupéfiants, antirétroviraux, antinéoplasiques, hypnotiques, etc.). Un troisième honoraire, équivalent à 0,51 € (1,58 € en 2020), rémunèrera toute dispensation liée à l’âge, c’est-à-dire visant des patients âgés de 70 ans et plus et les enfants de moins de trois ans. Ces trois nouveaux forfaits à l’ordonnance se cumuleront aux honoraires existants.