ADAPTER LE REMÈDE AU MAL

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Publié le 1 mai 2020
Par Francois Pouzaud
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En matière de gestion de trésorerie, il convient toujours d’anticiper et d’agir, si possible, largement en amont, avant que les comptes ne virent au rouge et que le quotidien ne devienne un enfer. Au cours des trois prochains mois, l’épidémie du Covid-19 va mettre les pharmaciens titulaires à rude épreuve.

APRÈS UNE FORTE ACTIVITÉ

constatée les trois premières semaines de mars, le confinement a impacté le C.A des officines. Les pharmacies de passage (centre commercial et centre-ville) sont les plus touchées, avec une chute d’activité très significatives (- 50 % et +), alors que les pharmacies de proximité (rurale et quartier) subissent une baisse plus limitée. « En outre, les officines sont confrontées à un manque d’effectif, avec du personnel de plus en plus touché par le Covid-19, observe Joël Lecoeur, associé de LLA Experts-Comptables et président du groupement CGP. Certaines ont réduit leur plage horaire d’ouverture, d’autres délivrent uniquement par le sas de garde, afin de préserver le reste de l’équipe. » Face à la mise en place d’un déconfinement progressif, la baisse d’activité risque de perdurer et mettre à mal la trésorerie des officines. En principe, « une officine doit disposer d’une trésorerie globale minimum comprise entre 8 % et 10 % de son C.A. Ce n’est pas un trésor de guerre, cela sert uniquement à faire face aux aléas conjoncturels normaux », souligne Amélie Boutémy, expertcomptable du cabinet AdequA.

LES PREMIÈRES MESURES À PRENDRE.

Face à cette situation inédite et des difficultés de trésorerie temporaires qui en découlent, le titulaire doit « limiter les achats en direct pour réduire les immobilisations financières (gains possibles entre 10 et 20 000 €) et accélérer la rentrée des impayés », conseille Joffrey Blondel, directeur gestion officinale à la CERP Rouen, groupe Astera. Des solutions faciles à mettre en oeuvre pour un résultat efficace et rapide. « Corriger une politique laxiste des recouvrements de créances auprès des clients et des complémentaires Santé permet de récupérer entre 5 et 8 000 € de trésorerie », précise-t-il. Sur le recours au crédit fournisseur (rallonge ponctuelle), Joffrey Blondel répond « oui, à condition que le pharmacien ne soit pas déjà au « taquet » au niveau des délais de paiement (41 jours fin de huitaine). » Mais, dans la situation liée au Covid-19, « il faut privilégier le prêt garanti par l’Etat », préconise Joël Lecœur.

ETALER VOS PAIEMENTS.

En temps normal, le pharmacien aurait eu recours au découvert bancaire (en ayant obtenu au préalable une autorisation récurrente) ou au découpage ou avance du grossiste, à un étalement des dettes sociales et fiscales (prévu dans le plan de soutien du gouvernement), ou encore au différé de paiement des dividendes ou des rémunérations des titulaires. Philippe Becker, expert-comptable chez Fiducial, suggère une piste moins usitée. « Il est possible de récupérer la TVA acquittée sur des opérations annulées ou résiliées ou sur des factures impayées. De même, quand la TVA payée à vos fournisseurs (TVA déductible) excède la TVA facturée à vos clients (TVA collectée), il existe un crédit de TVA qui peut être récupéré. » Enfin, faire la chasse à la TVA déductible des dépenses engagées dans le cadre professionnel (nourriture, logement, transport, carburant) permet également de récupérer du cash. Autre solution : la négociation avec la banque d’une franchise en remboursement de capital de quelques mois concernant l’emprunt sur le fonds. Seuls les intérêts du crédit seront payés pendant cette période. Elle figure également dans les mesures de soutien aux entreprises victimes du coronavirus.

GARE AUX DÉCONVENUES !

Les différentes mesures d’accompagnement aux entreprises concourent au même objectif : préserver la trésorerie tout en assurant le paiement des salaires et de ses fournisseurs. Pourtant, Philippe Becker est relativement pessimiste sur les aides que pourraient percevoir les officinaux. « Lorsque l’on passe toutes les conditions au tamis, on s’aperçoit que certaines pharmacies ne seront pas éligibles. Pour bénéficier du fonds de solidarité et du différé de paiement des loyers, il faut réaliser moins d’1 M de C.A HT et un bénéfice inférieur à 60 000 €. Comme le résultat d’une pharmacie avant rémunération des gérants est, en moyenne, de 10 % du C.A HT, si on combine ces deux critères, seules les très petites officines – de 600 000 € – sont en position de postuler pour ces deux aides, alors que les grosses officines de centre commercial ou de centre-ville ne me paraissent pas éligibles au décalage de paiement des loyers. »

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LES MESURES DE SOUTIEN DU GOUVERNEMENT

1/ Le chômage partiel des salariés

• Versement d’une indemnité de 70 % minimum de la rémunération brute.

• Remboursement intégral de l’employeur jusqu’à concurrence de 4,5 fois le Smic.

• Heures indemnisées : heures non travaillées, hors RTT, jours fériés et congés payés

• Pas de délai de carence.

Demande dématérialisée à déposer sous 30 jours sur : www.activitepartielle.emploi.gouv.fr/aparts/

2/ Le report de certaines charges sans pénalité

• Fiscales : remboursement prioritaire des crédits d’impôts, remboursement de l’acompte d’IS du 5 mars 2020, suspension des échéances CFE/CVAE ;

• Sociales : échéances sociales (URSSAF), cotisations sociales, cotisations de retraite complémentaire (report de 3 mois avec possibilité d’étalement ensuite). Pour un report de charges fiscales, la demande est à adresser au centre des finances publiques et sur le site de l’URSSAF pour un report des charges sociales.

3/ Les aides de la BPI (crédits de trésorerie)

• Garantie BPI jusqu’à 90 % des nouveaux prêts (3 à 7 ans) et découverts (12 à 18 mois) octroyés par votre banque ;

• Prêt BPI, sans garantie jusqu’à 5M € pour les PME, avec différé de remboursement ;

• Mobilisation de factures et ajout d’un crédit de trésorerie de 30 % du volume mobilisé ;

• Suspension des échéances de prêts accordés par la BPI à partir du 16 mars. Les demandes de garantie sont à faire auprès des banques. Autres demandes sur : www.contacts.bpifrance.fr/ serviceclient/demande/siege

4/ Un fonds de la solidarité

• Il est réservé aux entreprises les plus impactées (au moins 50 % de perte d’activité et/ou fermeture), aux entreprises réalisant moins d’1 M € de C.A et dont les résultats sont inférieurs à 60 k €. Durée de 3 mois : du 26 avril au 26 juin 2020.

• L’aide forfaitaire est de 1 500 €. Se connecter sur le site : www.economie. gouv.fr/coronavirus-soutien-entreprises

5/ Les reports d’échéances

• Suspension ou modulation et crédit bail auprès de sa banque

• Faire appel aux services de la médiation de crédit en cas de : dénonciation de découvert ou d’une autre ligne de crédit ; refus de rééchelonnement de dette ; refus de prêt, de caution ou de garantie, réduction d’encours d’assurance-crédit. www.mediateur-credit.banque-france.fr

6/ Le report de loyers/de factures d’énergie

• Ne concerne que les entreprises et est différent selon que le bailleur est public ou privé.

• Pour l’énergie, se rapprocher de son fournisseur.