AUTOMATES ET ROBOTS DES SOLUTIONS POUR PETITS ET GRANDS
Si automates, robots et solutions mixtes sont financièrement à la portée de (presque) toutes les pharmacies, le prix n’est pas le seul critère. Comment s’automatiser sans trop dépenser quand on est petit ? Choisir la machine la plus efficace et la plus rentable pour sa pharmacie ? S’y retrouver dans l’offre aguicheuse du marché ?
Délocalisation et rationalisation du stock, gain de surface de vente et de temps, optimisation de la masse salariale, fluidification des pics de fréquentation… Les avantages de l’automatisation séduisent de plus en plus de pharmaciens. Pour preuve, automates, robots et hybrides – alliant les deux technologies – s’invitent de plus en plus dans les officines. Les constructeurs redoublent d’ingéniosité pour « démocratiser » ces machines sophistiquées, qui deviennent accessibles au plus grand nombre. En dix ans, les prix ont diminué d’environ un tiers. « En 2003, un robot sur mesure coûtait 170 à 180 000 € ; en 2013, une machine quatre fois plus rapide ne coûte que 110 à 120 000 € », relève François Legaud, directeur commercial officines ARX France. Le seuil de chiffre d’affaires pour s’équiper est de moins en moins un critère de sélection. Selon les acteurs du marché, il se situe autour de 700 000 €, en deçà, la fréquentation de l’officine serait insuffisante pour rentabiliser l’investissement. La société Intecum, qui développe Sellen, un robot « sous comptoir » proposé à partir de 50 000 €, a cependant réalisé un devis pour une officine de 550 000 € de CA. Au vu des prix d’entrée de gamme (voir tableau), la charge financière est très acceptable. « Avec un financement classique de sept ans, une petite pharmacie va rembourser moins de 1 000 € par mois pour sa robotisation, soit l’équivalent d’un salaire chargé d’un employé travaillant 13 à 15 heures par semaine », indique Bruno Dupouy, directeur commercial d’Intecum.
Entre les trois catégories de machines, « la solution automate est sans conteste la plus économique et représente le meilleur rapport prix/retour sur investissement pour les officines de 1 M€ de CA et moins », affirme Olivier Resano, directeur commercial de Mekapharm, leader du marché avec une offre complète. Son automate, Apoteka, démarre à 20 000 € HT. « Les plus petites configurations choisies par nos clients coûtent environ 40 000 € HT, et gèrent déjà plus de 90 % du nombre total de boîtes prescrites ! » Sans égaler la vitesse d’exécution des automates, « les robots avec ou sans système d’éjection rapide rattrapent les performances des automates en rapidité de délivrance », nuance Vincent Deltour, directeur commercial de MediTech, citant celles du robot MTXL (plus de 900 boîtes à l’heure). En prime, les robots réceptionnent les produits, les chargent dans les canaux et gèrent les stocks (invendus, périmés…). « Le robot est plus onéreux pour les petites officines et la combinaison de plusieurs technologies plus encore », précise Olivier Resano. Plus le prix monte, plus la solution s’adresse à des pharmacies importantes. Ainsi, « le robot MTXL (de 85 000 à 110 000 € avec système de rangement automatique) convient bien à des officines de 1,5 à 4 M€ de CA et l’option mixte MTXLc (à partir de 115 000 €), combinant automate à canaux et robot multipicking, à des officines de plus de 3 M€ », précise Vincent Deltour. En très haut de gamme, les prix atteignent ou dépassent 100 000 €. Bruno Dupouy rapporte que sur de gros investissements, du fait de promesses non tenues par les robots et de coûts d’installation et de maintenance disproportionnés, des titulaires ont du mal à payer leurs traites ou remboursent au-delà de la durée d’amortissement comptable de la machine.
A chaque machine sa typologie de pharmacie
« Un pharmacien n’achète pas une machine pour son prix, mais pour son service, en adéquation avec ses besoins », martèle Christian Pernoud, directeur commercial de Tecnilab. De l’avis de tous les fabricants, la décision de s’automatiser doit reposer sur un véritable audit et une bonne définition des objectifs recherchés : pour plus de confort ? un gain de temps ? pour compenser un départ en retraite ? Indépendamment du prix, il s’agit de choisir le produit le plus rentable pour son officine. « L’achat doit être réfléchi, poursuit Christian Pernoud. Il nécessite un échange et une transparence entre le pharmacien et son fournisseur afin de mettre en place la bonne configuration en termes de stockage, de confort et de vitesse de délivrance, génératrice de gains. » Olivier Resano prône aussi l’adaptation aux besoins : « Les pharmaciens qui exploitent les plus petites et les plus grosses officines penchent pour l’automate seul, les premiers pour une raison de prix et les seconds pour une raison de productivité. Mais la sensibilité des titulaires est parfois plus importante que le profil de leur officine ! » Bertrand Juchs, directeur général de Mach4, souligne le caractère unique de chaque situation : « Si vous avez un concurrent en face de vous et que votre machine est trop lente, vous risquez de perdre des clients. A contrario, si vous êtes en pleine campagne et que le prochain pharmacien est à 30 kilomètres, la vitesse ne sera pas importante comme critère. Le rapport prix/performance/environnement concurrentiel est à prendre en compte tout comme le service après-vente et la structure de l’entreprise. » Sur ce marché du « sur mesure », ARX se démarque par une offre standardisée avec la commercialisation du Rowa Smart. Une seule taille de machine, fabriquée en série, d’architecture simple, un format compact mais non modulable, sans options… « La standardisation des dimensions de ce robot permet d’avoir un prix très attractif au regard de ses performances », explique François Legaud.
« Le pharmacien bon gestionnaire peut gagner plus que ce qu’il a dépensé »
Quoi qu’il en soit, le budget reste d’importance. Les commerciaux objectent les performances de la machine et les gains de productivité qui vont rentabiliser l’investissement : le non-remplacement suite au départ d’un collaborateur, l’augmentation des plages d’ouverture sans avoir à recruter, l’augmentation du panier moyen grâce au temps économisé gagné en conseil, etc. « Le pharmacien bon gestionnaire peut gagner plus que ce qu’il a dépensé », affirme Christian Pernoud. Automate ou robot, quel est le plus rentable ? « Le robot est source de rentabilité car il permet de commander davantage selon les besoins et d’éviter le surstockage », répond Vincent Deltour, rappelant que l’automate est gourmand en main-d’œuvre.
Concernant la rapidité de préparation et d’acheminement, le critère semble moins primordial, « même s’il est toujours mis en avant par les marchands d’automates », juge Bertrand Juchs. Pour François Legaud, la vitesse des robots ne fait plus débat : « Chez ARX, la capacité de délivrance du Rowa Smart (600 à 1 200 boîtes par heure) est supérieure aux besoins de la majorité des pharmacies. » Il rappelle qu’une pharmacie de 4 M€ de CA vend 1 500 boîtes par jour. « Le coût d’un Rowa Smart revient à 32 € HT par jour (l’équivalent de 2,5 heures de salaire d’un non-diplômé), soit un coût inférieur à celui d’une manipulation manuelle des produits. » Mekapharm s’appuie sur les témoignages comptables de ses clients pour affirmer que l’automate présente dans la très grande majorité des cas le meilleur retour sur investissement. « Les gains sont supérieurs en productivité globale, cela se mesure surtout sur la délivrance, soit le poste le plus cher en charges salariales, remarque Olivier Resano. De plus, un robot demande une surveillance plus assidue et un remplacement des pièces d’usure plus important, d’où une maintenance plus onéreuse. En conclusion, le titulaire qui ne recherche que le meilleur retour sur investissement choisira l’automate, tandis que celui qui privilégie le confort du back-office préférera la solution robot (rangement plus facile, gestion de stock plus sûre en théorie). »
La configuration de l’officine et du lieu où est délocalisé l’appareil influence le coût d’une automatisation. « L’installation en sous-sol est la plus chère à cause des ascenseurs et de la complexité logistique qui en découle », signale Bertrand Juchs. Autre inconvénient : une installation en cave peut parfois réduire les performances de la machine (hauteur de plafond, manque d’aération…). Le convoyage joue aussi sur le montant de la facture. « De 2 000 € à plus de 20 000 € pour les cas les plus complexes », évalue Olivier Resano. Comptez 14 000 € la ligne de convoyage pour un système pneumatique, en perte de vitesse car de plus en plus de grosses boîtes ne peuvent pas passer dans les tubes pour des questions de taille. « C’est parfois la seule solution dans les vieux bâtiments, précise Bertrand Juchs, car elle permet de faire des courbes et d’éviter des gros travaux de percements. » Les ascenseurs ne sont pas bon marché (entre 4 et 5 000 € par unité). De plus, « il faut très souvent les associer à un ou plusieurs tapis, selon la configuration des lieux », ajoute-t-il.
Quant à l’installation à l’étage et au rez-de-chaussée, « la “transitique” (ou ligne de convoyage) fait augmenter le prix, sinon les coûts sont quasi identiques dans ces deux configurations, la différence viendra de la longueur des tapis à installer dans les faux plafonds », précise-t-il. Parfois, « l’installation de la machine en étage ne sera pas forcément plus coûteuse, sauf s’il faut renforcer la dalle », nuance Christian Pernoud. De même, « le coût de l’installation dans une cour intérieure, dans un local adapté est à relativiser avec l’augmentation de la surface de vente et les futurs gains engendrés ».
Au total, Vincent Deltour estime que les implantations en sous-sol ou à l’étage peuvent majorer la facture de 5 à 10 %, du fait de systèmes de convoyage importants, à laquelle il faudra encore ajouter 30 000 € environ pour le renforcement de la dalle, le percement des murs, la nouvelle installation électrique… De facto, le tapis roulant fait l’unanimité. « Dans plus de 90 % des cas, c’est la solution que l’on va mettre en œuvre pour acheminer les boîtes, à raison de 250 à 400 € le mètre », indique Bertrand Juchs.
Maintenance et renouvellement compris !
Même si le rez-de-chaussée est moins coûteux, s’agissant de ses chantiers, Olivier Resano observe une égalité d’installation aux 3 niveaux. « S’il y a possibilité, nous conseillons une installation à l’étage ou au sous-sol pour profiter des avantages de la délocalisation, précise-t-il. Mais parfois la configuration de l’officine ne laisse guère le choix de l’emplacement. En cas de positionnement non optimal, il n’est pas rare d’avoir des coûts de transitique de 25 à 30 000 €, voire plus », met en garde Bertrand Juchs. L’idéal qui est aussi la tendance actuelle est de positionner les machines directement derrière les comptoirs ou dans l’espace proche. Les nouvelles machines plus petites à haute capacité grâce au multipicking s’y prêtent bien.
Enfin, interviennent le coût de la maintenance et la capacité du fournisseur à proposer un matériel évolutif. Intecum propose une solution locative de longue durée, intégrant le renouvellement de la machine. « Notre prestation englobe le financement de la machine, la maintenance et les modifications à venir, de manière à en amortir le coût dans le temps », explique Bruno Dupouy. « Plus le coût de la maintenance est bas, plus la qualité du robot est fiable et fait preuve de professionnalisme », insiste Vincent Deltour. Par conséquent, le coût global d’une automatisation doit être apprécié sur 10 ans.
Glossaire
Automate : grâce à ses canaux et ses multiples éjecteurs, il peut traiter plusieurs informations en même temps et délivrer plusieurs produits à la fois. Il doit être rempli de manière manuelle.
Robot : dispose d’un ou plusieurs bras articulés lui permettant d’exécuter de nombreuses tâches (réception des produits, rangement, gestion des stocks). Les modèles multipicking peuvent prélever plusieurs boîtes en même temps.
Hybride : combinaison d’un automate et d’un robot. Il allie les fonctionnalités de ces deux technologies.
Des gains revus à la baisse
Les gains réels de productivité ne sont pas toujours à la hauteur. Yannick Piljean, expert-comptable du cabinet Cohésio, a réalisé un audit d’installation d’un robot de 150 000 € dans une pharmacie de 8,2 M€ de CA. Le rangement occupe 3 aides-préparatrices à plein temps, soit un coût salarial de 28 000 € pour chacune. « L’installation d’un robot n’a pas réellement permis de réaliser des économies de personnel sur ce poste, ni d’améliorer la productivité de l’équipe, le ratio marge brute/frais de personnel après installation n’a progressé que de 0,20 point à 12,30 % et l’économie globale en frais de personnel n’est que de 1,63 % », relève-t-il. Sur une masse salariale de 864 000 €, la pharmacie économise donc 14 000 € par an. Les titulaires devront donc attendre plus de dix ans avant d’avoir un retour sur investissement. « L’amélioration des flux de vente grâce à une meilleure gestion de la relation client n’est pas économiquement mesurable ; en revanche, en l’absence de robotisation, la pharmacie n’aurait pas réglé ses problèmes de file d’attente et aurait peut-être perdu de l’ordre de 1 % de son CA », estime Yannick Piljean.
Avantage à la location financière
Beaucoup d’investissements sont réalisés en location financière : modularité des loyers dans le temps, charge hors bilan (afin d’alléger la facture fiscale) et non-endettement, contrat cessible et modifiable sont les principaux avantages de cette solution, même si, globalement, elle est un peu plus coûteuse que les formules crédit classique et crédit-bail. « Ces deux dernières ont tendance à augmenter », observe toutefois Olivier Resano (Mekapharm). Pour Vincent Deltour (MediTech), la location financière est une formule plus souple qui répond aux besoins des pharmaciens d’avoir une machine qui évolue dans le temps sans revoir l’installation initiale.
Michel Colivet Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne)« Cet investissement a été vite rentabilisé »
Il y a sept ans, Michel Colivet a racheté une officine à Vitry-sur-Seine sous gérance après décès. Une affaire de moins de 500 000 € de CA qu’il s’apprête à remonter en solo à 57 ans. « Pour des raisons de santé et pour ne pas avoir à courir dans les rayons, j’ai investi 50 000 € tous frais compris dans un automate Apoteka, embauché une personne à mi-temps en back-office et financé l’appareil par un prêt classique sur 5 ans », raconte-t-il. L’installation de 5 colonnes et de quelques mètres de tapis roulant a suffi à son bonheur. « Je ne fais quasiment que de la délivrance d’ordonnances, 95 % du stock référencé en ventes sont gérés par l’automate. Le déballage des commandes grossiste, leur vérification, la scannérisation des boîtes et le chargement de l’automate n’occupent mon employée pas plus de 1 h 30 matin et soir. Le matériel est fiable et continue aujourd’hui de répondre à mes besoins ; la maintenance est de 2 000 €/an pour quatre visites annuelles… Cet investissement a été vite rentabilisé. »
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