L’ANEPF ne souhaite pas « Bem-vinda » à l’université Fernando-Pessoa

Réservé aux abonnés
Publié le 10 novembre 2012
Par Magali Clausener
Mettre en favori

L’université privée portugaise Fernando-Pessoa s’implante en France. A son programme : des études de pharmacie. Sans numerus clausus et à 9 500 euros par an. De quoi susciter inquiétudes et interrogations parmi les étudiants français.

La nouvelle serait passée inaperçue si des étudiants en pharmacie ne s’en étaient pas ému sur un forum de discussions. Une université portugaise privée s’implante en France et propose un cursus de pharmacie. Une plaisanterie ? Non. L’université Fernando-Pessoa (UFP) accueillera ses premiers étudiants le 12 novembre prochain à La Garde dans le Var. Sous la houlette de Bruno Ravaz, son président et ancien président de l’Université de Toulon, et de Boris Cyrulnik, neuropsychiatre et psychanalyste, et président du conseil scientifique de l’UFP France. Et au prix de 9 500 euros l’année pour les filières pharmacie et odontologie, à raison de 50 étudiants par promotion.

Des étudiants non soumis au numerus clausus

« L’UFP est une délocalisation de l’université Fernando-Pessoa de Porto, pour être au plus près des étudiants français, explique Bruno Ravaz. C’est moins hypocrite, sachant que le numerus clausus conduit nombre d’étudiants à partir dans des pays européens afin de poursuivre leurs études. » Numerus clausus, le mot est lâché. Car les étudiants qui vont s’inscrire en pharmacie ou en odontologie vont échapper au dispositif. L’UFP est en effet privée et dispense des diplômes portugais. « Nos diplômes sont validés par les pays de l’UE. Nos étudiants pourront s’établir en France en passant un contrôle linguistique de français. Je pense qu’ils y parviendront…?  », observe Bruno Ravaz.

« Nous sommes opposés à cette université qui conduit à des études à deux vitesses avec, d’un côté, ceux qui vont payer pour avoir un diplôme et, de l’autre, les “pauvres” qui seront soumis au concours », déclare Maxime Villoria, vice-président en charge de l’éducation à l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF). On va casser le numerus clausus et on va déréguler l’offre de soins. Cette université va accueillir 50 étudiants, soit près de l’équivalent d’une promotion de la fac de pharmacie de Limoges ! Autre problème : les études en France sont accolées à des recherches. Ce qui n’est pas le cas de l’université portugaise. La Conférence des doyens partage notre opposition sur ces deux derniers points.  » Ce qui a conduit l’ANEPF, avec l’Union nationale des étudiants en chirurgie dentaire et la Fédération nationale des étudiants en orthophonie, à écrire, le 5 novembre, aux ministères de l’Enseignement supérieur et de la Santé pour alerter les pouvoirs publics. Jean-Marie Gazengel, doyen de la faculté de pharmacie de Caen, estime que l’UFP « a joué finement en profitant d’une faille juridique » et que la profession « doit s’inquiéter ».

Une faille dans le système français

Sans aucune publicité, à l’exception de tracts distribués aux corpos de la région PACA, les premiers dossiers d’inscription arrivent à l’UFP. « Nous allons avoir une deuxième rentrée différée en janvier. Des étudiants de PACES le demandent, car ils auront alors les résultats de leurs examens passés en décembre », précise Bruno Ravaz. Il envisage déjà l’agrandissement de l’UFP et son transfert à Hyères : « Nous disposerons de 10 000 m2 dans 4 ans. Nous aurons 3 500 étudiants d’ici 5 ans pour les filières santé. Nous n’allons pas nous limiter.  » Bruno Ravaz n’est pas inquiet sur d’éventuelles implantations d’autres universités européennes en France : « Je suis pour la concurrence ! »

Publicité

L’ANEPF n’est pas de cet avis. Pour elle, l’UFP représente une faille du système universitaire français. Risque-t-elle de provoquer un séisme ? Il faudra attendre juin 2013 pour le savoir.

Le cursus de Fernando-Pessoa

Jacques Lachamp, ancien président de l’Association de pharmacie rurale (APR) et officinal, dirige le cursus pharmacie de l’UFP, qui compte seize semestres pour le doctorat. « Nous avons à peu près le même cursus qu’en France. Notre volonté est de former les étudiants plutôt pour l’industrie et la recherche. La chimie fine va être un point fort. Nous disposons d’un spectromètre de masse, ce qui est exceptionnel, détaille Jacques Lachamp. Nous proposons aussi un module en anglais ainsi qu’un module optionnel de musique et de sport. » Des industriels seraient déjà intéressés par l’offre de formation. Quant à la filière officine, elle n’est pas exclue. Se pose néanmoins le problème du stage. Les étudiants pourront-ils être accueillis par les maîtres de stage ? Non. Pour ce faire, ils devront attendre une réponse du ministère.