Isabelle Adenot Présidente du Conseil nationalde l’ordre des pharmaciens

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Publié le 11 octobre 2014
Par Laurent Lefort et Matthieu Vandendriessche
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L’Ordre des pharmaciens est l’une des pièces maîtresses dans la défense de la profession, actuellement en phase de concertation avec les ministères de la Santé et de l’Economie pour faire évoluer l’officine. Sa présidente est sur tous les fronts. Au risque de prendre les confrères à rebrousse-poil et d’agacer les syndicats par sa trop forte implication. Isabelle Adenot répond « cash » à toutes nos questions.

LE MONITEUR des pharmacies : Qu’avez-vous pensé de la mobilisation des officinaux et étudiants en pharmacie le 30 septembre ?

ISABELLE ADENOT : Allant très souvent à la rencontre de confrères et d’étudiants, je n’ai pas été surprise par cette forte mobilisation. Au contraire, depuis des semaines j’alertais les autorités sur le fait que la profession est exaspérée, et le mot est faible. Les pharmaciens ou futurs pharmaciens savent que l’exercice de demain ne sera pas celui d’hier et que des mesures sont toujours nécessaires pour s’adapter à son temps. Mais la méthode employée a très logiquement braqué la profession. D’où la très forte mobilisation.

Vous-même avez vivement réagi fin août au rapport de l’Inspection générale des finances [IGF] et aux pistes d’évolution de la pharmacie qu’il propose. Pourquoi ?

Ce qui est arrivé est inadmissible. En juillet dernier, les Français ont entendu dans les médias que les professions réglementées puisent dans leur pouvoir d’achat, que les pharmaciens sont quasiment des voleurs, en toute impunité. Ensuite, opacité, fuites savamment organisées par le ministère de l’Economie, et pour finir ce fameux rapport de l’IGF, annexe 10 pour l’officine, truffé d’erreurs et d’imprécisions ! C’est donc dans un souci de transparence que j’ai souhaité rendre publique cette annexe et son fact checking [NdlR, vérification des faits]. L’Ordre ne travaille pas de manière opaque. J’ai prévenu mes interlocuteurs que je sortirai ce document et je l’ai fait. On ne badine pas avec l’indépendance professionnelle et l’égal accès au médicament. L’Ordre a été et sera excessivement combatif sur ces questions de principe et éthiques qui bénéficient à la population. Il en va de même avec l’honneur de la profession, car c’est la confiance du public qui est en jeu.

Qu’en est-il désormais de la concertation avec le ministère de l’Economie ?

Il y a une rupture dans la méthode. Nous relevons aussi une différence dans le traitement du dossier. Pour Arnaud Montebourg, c’était l’impératif du pouvoir d’achat. Aujourd’hui, la ligne d’Emmanuel Macron, c’est la modernisation des professions. Notre profession n’a pas à rougir de ce qu’elle fait pour les patients et pour le système de santé. Elle a tout à gagner à mettre à plat les dossiers, mais sans pour autant remettre en cause ses fondamentaux. L’idée est de dire : ne nous trompons pas de priorités. Pour le gouvernement, c’est le meilleur fonctionnement des soins ambulatoires et hospitaliers, le lien entre la ville et l’hôpital, la réduction de la consommation de médicaments et de la dette publique. Les pharmaciens peuvent et savent contribuer à ces objectifs.

Vous vous êtes également récemment exprimé dans l’ouvrage collectif « A quoi sert la concurrence »*. Votre contribution s’intitule : « Pharmaciens, la concurrence indispensable mais insuffisante ». Comment faut-il comprendre cette formule ?

L’émulation entre confrères est une bonne chose. La concurrence fait progresser. Entre les plus de 22 000 officines, elle est réelle. Mais cette notion n’est pas suffisante, car à côté des règles de la concurrence il faut ajouter les règles de déontologie. Les deux sont complémentaires. C’est en ce sens que la concurrence ne suffit pas. Autrement dit, la concurrence, oui, mais pas n’importe comment.

Est-il encore légitime aujourd’hui de défendre un monopole quel qu’il soit ?

Oui, s’il est pertinent. Mes premiers mots à Arnaud Montebourg ont été qu’en tant que citoyenne, je trouve parfaitement sain de poser le débat. Une profession ne doit pas conserver un monopole s’il ne répond plus aux attentes de la population ou si les professionnels s’en servent pour le transformer en privilège. Ce qui n’est pas le cas de notre monopole. Non seulement il est justifié pour des raisons de santé publique mais les pharmaciens l’exercent bien. Ils répondent aux attentes des Français qui sont à 93 % satisfaits de la qualité de leur service et sont en vraie concurrence entre eux, sur l’offre et les prix qui ne sont pas fixés.

Combien de temps encore le dossier pharmaceutique [DP] restera-t-il une arme contre l’ouverture du monopole ?

Le DP n’est pas une arme, mais un outil professionnel parmi d’autres pour améliorer l’analyse pharmaceutique. L’arme, c’est le conseil du pharmacien. Si les pharmaciens lâchent le conseil, c’en est fini. Un sondage montre que quatre Français sur dix sont déjà sortis d’une officine sans rien acheter, preuve s’il en est besoin pour nos détracteurs que les pharmaciens donnent effectivement des conseils, au sens propre du terme.

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Les diplômés salariés des grandes surfaces sont-ils des « sous-pharmaciens » ?

Non, au sens du diplôme, il n’y a pas de raison de dire cela. Mais à l’évidence ils n’auraient pas les moyens nécessaires pour délivrer des médicaments. Ma conviction, c’est que pour travailler correctement le pharmacien doit rester dans son écosystème. Dans une grande surface, il serait sorti du système de santé, sans coopération avec les pharmaciens hospitaliers ou les autres professionnels de santé, ni DP et avec une indépendance vraiment relative du fait d’objectifs consuméristes.

Leclerc est un adversaire coriace, non ?

Oui, clairement. Parce qu’il communique beaucoup et assène inlassablement, avec un budget excessivement conséquent, qu’il est le moins cher de tous ses concurrents, argument qui porte en période de crise économique. J’ai bien dit assène, car ce n’est pas toujours vrai, ses concurrents savent aussi le dire. Mais j’ai confiance dans la capacité des pharmaciens à valoriser leurs atouts. Il faut mettre en avant ses forces, à plus forte raison dans les périodes de tempête. Les pharmaciens savent aussi faire de justes prix et leur lien de proximité avec la population est irremplaçable. Un lien humain, sanitaire et social.

Si les médicaments de PMF arrivaient en grande surface, allez-vous faire évoluer des règles de communication qui datent d’après-guerre ?

Je ne répondrai pas à cette question car je n’envisage pas la sortie du monopole. La ministre de la Santé s’est engagée au maintien du monopole pharmaceutique. Elle l’a dit clairement et à plusieurs reprises. Non par souci de protection corporatiste des pharmaciens, mais parce qu’elle sait que les médicaments n’ont rien à faire sur des étagères de supermarché, lieu de consumérisme par excellence. Les règles de communication sur le médicament sont adaptées avec cette approche orientée vers la santé publique.

Justement, vous avez reçu Marisol Touraine dans votre officine, vendredi 12 septembre à Paris, pour le lancement de l’expérimentation sur la dispensation d’antibiotiques à l’unité. Que répondez-vous aux confrères encore réfractaires ?

Sur ce sujet, ma vision est que nous allons de plus en plus vers une pharmacie personnalisée et individualisée. C’est la pharmacie du XXIe siècle. Tout nous y amène : la génomique, les médicaments personnalisés, les protocoles de soins individualisés, le DP, les appareils qui utilisent les technologies de communication… Savez-vous qu’aux Etats-Unis, une personne sur trois se lève le matin en consultant ses paramètres de santé au moyen d’objets connectés ? Demain, cela va arriver en France. La philosophie, c’est de privilégier le sur mesure plutôt que la taille unique, consommer mieux plutôt que consommer plus.

Cela justifie-t-il de remettre en cause à ce point l’exercice officinal ?

Rappelons que cette expérimentation a été votée par les parlementaires [NdlR,dans le cadre du PLFSS 2014]. Il est donc important d’y entrer pour pouvoir enfin trancher le débat. A garder ou à rejeter ? L’avenir le dira. L’Ordre suivra particulièrement les résultats de l’évaluation qui montrera ce que cela peut changer dans l’organisation de la pharmacie, les méthodes de travail et l’acceptation du public tout comme les avantages ou non du point de vue économique et sanitaire. Les pharmaciens ne refusent pas la modernité. Ils ont toujours su répondre aux attentes et aux besoins du public, être en phase avec leur temps. Des officines se sont portées volontaires. Attendons les résultats de l’expérimentation !

En convoquant le 16 septembre, à l’Ordre, une réunion de toute la profession, avez-vous voulu jouer l’apaisement alors que s’étalait la désunion syndicale ?

La profession est riche de la diversité de ses acteurs. Les pharmaciens eux-mêmes sont différents. Et il y a différents modèles de pharmacies. Nous avons des syndicats, l’Académie de pharmacie, les doyens, les groupements, les organisations d’étudiants et l’Ordre. Chacun de ces acteurs a une mission différente. Cette diversité est une richesse, il faut respecter l’identité et la volonté de faire de chacun. Cependant, j’ai ressenti que les pharmaciens souffraient de ce manque d’unité de la profession. A un moment donné, j’ai souhaité y mettre un coup d’arrêt, pour dire stop. Les enjeux sont tels que nous devions nous mettre autour de la table. Dans le Code de la santé publique, l’Ordre a une mission de médiation. C’est l’une de nos missions naturelles. Tous les acteurs attendaient cette réunion avec une volonté constructive. Le cas échéant, les présidents des conseils régionaux ont aussi mené localement cette démarche de médiation. Chacun a des opinions, mais retrouvons-nous sur ce qui nous rassemble.

Ne donnez-vous pas régulièrement l’impression de marcher sur les plates-bandes des syndicats ?

A l’Ordre des pharmaciens, nous ne nous mêlons pas de la défense économique des pharmaciens, des questions conventionnelles ou des négociations sur les rémunérations. Ce ne sont pas nos missions. Nous ne sommes que consultés sur la conformité des accords avec la déontologie, lorsqu’ils sont déjà signés et avant leur publication. Pourquoi nous sommes-nous exprimés sur les prix des médicaments non remboursables ? Parce que l’une des missions légales de l’Ordre est de défendre l’honneur de la profession. A un moment donné, on ne peut plus laisser dire tout et n’importe quoi. Le fait d’entendre que les pharmaciens ne sont pas performants sur les prix, c’est une atteinte à l’honneur de la profession, car cela peut contribuer à ce que la population ait moins confiance dans le réseau pharmaceutique. Et cela n’est simplement pas possible.

Les honoraires, la profession y va avec un enthousiasme mitigé. Quelle analyse portez-vous sur l’évolution de la rémunération officinale ?

Encore une fois, les tractations et les aboutissements de ces négociations, qui n’ont pas été faciles avec l’Assurance maladie, je ne les commenterai pas. Ils sont du ressort des syndicats. Mais constatons que, sur le concept intellectuel, le modèle économique des officines des années passées ne convient plus. Il emmène les pharmaciens droit dans le mur.

Sur le terrain, comment peut-on à la fois être ordinal et membre d’un syndicat ? Peut-on concilier la neutralité qui sied à la fonction ordinale et l’engagement politique ou économique ?

A l’Ordre, la particularité de notre fonctionnement, c’est que les conseillers ordinaux sont tous en exercice. Nous sommes le seul parmi les autres Ordres de santé à fonctionner ainsi. C’est une richesse. Nous ne sommes pas déconnectés du réel. En revanche, fort logiquement, pour les raisons que vous évoquez, un conseiller ordinal ne peut être à un conseil d’administration de syndicat. Ce qui n’empêche pas de travailler avec eux. Et comme la santé publique n’est ni de gauche ou de droite, nous ne faisons jamais de politique à l’Ordre. Chacun peut avoir ses convictions personnelles, mais elles n’ont pas lieu d’être dans un mandat ordinal. Le plus important est que l’Ordre s’occupe de ses missions et reste lui-même indépendant. Je ne cède et ne céderai jamais à aucune pression, syndicale, économique ou politique, à aucun chantage, y compris ceux qui me visent personnellement. Sur ce point, je n’en dirai pas plus.

Toujours sur le terrain, n’avez-vous pas le sentiment que la tension entre titulaires et adjoints n’a jamais été aussi vive ?

Le jeudi 9 octobre, nous avons rendu public les recommandations issues de notre opération jeunes. On ne peut pas construire une profession sans sa jeunesse. Il faut leur donner la place qui leur revient. Si les jeunes ont la sensation d’être sur le bord de la route et qu’ils ne peuvent pas entrer pleinement dans la profession, il y a risque de provoquer un choc générationnel. Aujourd’hui, nous avons 1 200 titulaires de plus de 65 ans. Plus de 8 000 titulaires ont plus de 56 ans. La moyenne d’âge des titulaires est de 50 ans. Forcément, il se pose une question générationnelle. Comment intégrer les jeunes le plus vite possible et leur donner les capacités d’action ? Les titulaires doivent savoir davantage déléguer à leurs adjoints. Les jeunes doivent aussi pouvoir être intégrés rapidement, s’ils le désirent, dans le capital d’une officine. Aujourd’hui, 3,6 % des sociétés de participation financière des professions libérales (SPF-PL) intègrent des adjoints. Cela peut paraître peu, mais c’est beaucoup en aussi peu de temps, le décret étant sorti en juin 2013. Je me suis battue pour cette intégration des adjoints. Aujourd’hui je me bats pour que les jeunes puissent entrer directement dans le capital des sociétés d’exercice libéral (SEL).

Ces dispositions ne sont-elles pas plutôt élaborées pour faciliter le départ des titulaires ?

Non, il faut faciliter l’accès des jeunes à la propriété, car comme nous l’avons vu le 9 octobre, ils veulent en majorité devenir titulaire. Et aujourd’hui, c’est difficile. Les banques ne prêtent pas comme elles le devraient et les conditions économiques font qu’on ne peut pas se tromper dans la gestion d’une officine. Jeunes et moins jeunes ensemble, c’est un bon système.

La liberté d’installation serait-elle un moyen de faire bouger les lignes ?

La totale liberté d’installation pose le problème de l’égal accès au médicament. On voit bien toutes les difficultés d’accès aux soins pour d’autres professionnels de santé. Cependant, il serait possible de faire sauter des verrous. En particulier en supprimant le délai de 5 ans avant la cession d’une officine après autorisation de transfert ou regroupement. Un autre verrou est la question de la quotité minimale de capital de 5 % à détenir par chaque associé. Cela a eu du sens à un moment donné. Cela n’en a plus. Les droits de vote et le capital des exerçants sont à 50 %. De ce fait, pourquoi chaque associé exerçant serait-il obligé de détenir individuellement 5 % ? Il faut aussi que des confrères, titulaires et adjoints, qui détiennent une SPF-PL et qui changent de pharmacie ne soient pas obligés de dissoudre immédiatement leur SPF-PL.

Faut-il maintenir le concours en pharmacie ?

Aujourd’hui, la question n’est pas de refouler les jeunes, mais de les attirer. La question, ce n’est pas le numerus clausus qui pourrait être transformé en examen sélectif. La question, c’est la première année commune aux études de santé qui casse des vocations. Il faut bien sûr une sélection. La pharmacie a besoin de jeunes brillants et talentueux. Il faut reparler des passerelles, du numerus clausus et, de manière plus générale, des études. Les jeunes les veulent plus réactives, plus pratiques et avec des programmes de sciences humaines, de management et de gestion. L’enjeu est ensuite de retenir les jeunes dans la profession. C’est dommage qu’ils se soient formés pour exercer la pharmacie et qu’on ne les y retrouve pas.

Sur le même sujet de la formation, quels sont les enjeux du développement professionnel continu [DPC] ?

Sa raison d’être est la compétence, la qualité et la sécurité. Si la profession perd ces atouts, elle sera balayée. Dans la situation actuelle, il faut du courage pour apposer sa signature sur la lettre envoyée aux pharmaciens en leur rappelant l’obligation de DPC ! Mais c’est important, et d’autant plus en ce moment, de pouvoir affirmer que la profession s’engage dans la formation continue. Pour assurer ce suivi, l’Ordre a aussi un autre enjeu, celui d’améliorer sa productivité. Tout en restant une institution, nous sommes passés à un mode entrepreneurial. Il aurait fallu consacrer 24 équivalents temps plein pour saisir les attestations de DPC en mode papier. C’était impossible. L’Ordre a fait évoluer son informatique et se dirige aujourd’hui vers du webservice. Déjà 35 000 attestations sont arrivées pour l’année 2013 par flux informatique et plus de 5 000 réponses complémentaires ont été traitées par la plate-forme informatique dédiée.

Certains pharmaciens salariés qui ne sont pas en poste fixe doivent payer eux-mêmes leur DPC. Que faites-vous pour eux ?

L’Ordre a souhaité avoir à la fois en charge le suivi des titulaires et des adjoints. Si un adjoint n’a pas la possibilité de suivre son DPC parce que son titulaire ne le veut pas, l’Ordre sera à ses côtés. Ce cas de figure apparaît parmi les 3 500 motifs de non-respect de DPC que nous avons reçus. Pour les confrères que vous évoquez, intérimaires, en CDD ou en remplacement, c’est une problématique grave. Parce qu’ils n’exercent pas tout le temps, ces pharmaciens ont d’autant plus besoin de suivre un DPC. Nous avons alerté les pouvoirs publics afin que ce problème soit réglé. C’est identifié et réclamé. Mais je n’ai pas de réponse pour le moment, à mon plus grand regret.

Pourquoi l’Ordre n’est-il jamais totalement arrivé à maintenir une cohésion éthique au sein de la profession ?

Certains voudraient que l’Ordre serve, sous prétexte d’éthique, à supprimer toute liberté d’entreprendre. Je le dis clairement, il n’est pas là pour cela. Comme il n’est pas là pour être juge et partie. Nous sommes en démocratie et la même tête ne peut être accusateur, enquêteur, procureur et juge ! Ceci étant, si des confrères estiment qu’ils doivent engager une action disciplinaire, l’Ordre traitera avec une conciliation préalable. Dans les plus de 400 chambres de discipline qui se sont tenues cette année, nous avons effectivement vu des pharmaciens qui avaient oublié toute éthique ! Néanmoins, vous ne me ferez jamais dire par exemple que les pharmacies de grande taille sont, par nature, moins professionnelles, moins éthiques que d’autres. Ce n’est pas une question de taille ou de modèle. C’est attaché aux pharmaciens.

Sur le sujet de l’éthique, vous avez évoqué la mise en place d’une clause de conscience pour les pharmaciens, en particulier à l’égard de leurs patients en fin de vie.

J’ambitionne en effet de faire bouger les lignes sur cette question difficile. Il ne s’agit pas de laisser un patient sans soins pharmaceutiques mais de l’adresser à un confrère, si on ne veut pas, pour des raisons de conscience, le prendre en charge.

Au fond, que pensez-vous vraiment de la vente en ligne de médicaments ?

Internet fait partie du quotidien des Français. Il faut donc aussi que les pharmaciens y soient, mais pas n’importe comment, en respectant les bonnes pratiques. Dès lors cela répond aux besoins d’une certaine tranche de la population, certes infime du fait de l’excellent maillage territorial des pharmacies françaises. Ce qui nous préoccupe avec Internet, ce sont les fausses pharmacies et donc les faux médicaments que l’on peut y trouver. Il y a aussi l’exercice illégal de la pharmacie et les pharmaciens qui proposent une offre non conforme aux bonnes pratiques. A l’Ordre des pharmaciens, nous agissons sur les trois cas de figure.

Où en êtes-vous des différentes procédures sur ce dossier ?

Plusieurs affaires sont en cours. Devant les tribunaux, comme celle où nous estimions que, sous couvert de livraison à domicile [NdlR, par l’entreprise 1001Pharmacies] il y avait vente, de surcroît sans protection des données de santé telle qu’exigée dans le code. J’ai également porté plainte au plan disciplinaire et à titre personnel – ce qui est exceptionnel – contre des pharmaciens qui, sur leur site, poussent à la consommation de médicaments ou induisent en erreur les internautes. Par exemple, l’équivalent de l’aspirine en dosage enfant serait de l’ibuprofène à des doses adultes ! Je trouve cela inadmissible. Enfin, j’ai porté plainte devant les tribunaux pour une utilisation que j’estime frauduleuse d’anciens sites de pharmacies françaises.

Mais la lutte contre la malveillance sur la Toile est surtout mondiale…

Des travaux sont en cours sous l’égide de la NABP [NdlR, National Association of Boards of Pharmacy]. Leur objectif est de vérifier, en fonction des règles de chaque pays, la conformité des sites de vente en ligne de médicaments. Par exemple, 300 pharmacies environ ont le droit d’utiliser le label canadien et pourtant plus de 11 000 sites l’utilisent… Il est difficile pour un internaute de distinguer une vraie pharmacie d’une fausse ! On doit apprendre aux Français qui désirent aller sur les sites Internet autorisés en France à se diriger au préalable vers le site de l’Ordre, pour en vérifier la liste.

Quelles sont les activités de l’Ordre à l’international ?

Europe, pays francophones, monde, l’Ordre des pharmaciens français est partout. Des conseillers ordinaux s’y investissent. On y apprend beaucoup et c’est une manière d’anticiper. Pour ma part, je viens d’être élue vice-présidente de la Fédération internationale pharmaceutique pour quatre années. Quelque part, j’y vois la reconnaissance de notre modèle français. Dans ce mandat, je m’attacherai à l’indépendance professionnelle du pharmacien, qui est un sujet international. Partout dans le monde, et dans tous les métiers de la pharmacie, il y a aujourd’hui une pression croissante. Et le jour où le pharmacien perd son indépendance professionnelle, il perd la confiance du public.

* Edité par l’Institut de droit de la concurrence (750 pages).

1979 Titulaire du diplôme de pharmacien

1984 Première installation à Corbgny (Nièvre)

2003 Elue présidente du conseil central A

2009 Elue présidente du Conseil national de l’ordre des pharmaciens