Comment les pharmaciens perçoivent-ils les objets connectés ?
En partenariat avec Medappcare, start-up qui évalue les applications mobiles de santé, et la société de conseils et d’études Direct Medica, « Le Moniteur » s’est interrogé sur la perception des pharmaciens en matière d’objets connectés. Ce premier volet met en évidence une réelle curiosité mais aussi une certaine prudence. Nous publierons à l’automne prochain un second chapitre consacré aux applications santé.
Le marché français des objets connectés pour la santé et la maison a été estimée à 150 millions d’euros en 2013 par les experts du cabinet de conseil Xerfi(1). Autant dire qu’il est encore assez confidentiel puisque ne représentant que 1 % des dépenses high-tech des Français, « loin derrière les smartphones et les tablettes », comme le souligne Xerfi. A ce sujet, notre baromètre montre que les titulaires sont bien équipés en smartphone (73 %) et en tablette (61 %).
En soi, ce résultat n’est pas une réelle surprise, mais la progression d’une année sur l’autre est spectaculaire. En effet, une enquête menée en 2014 sur le même sujet (2) montrait des taux d’équipement respectifs de 53 et 46 %. « Tablettophiles », les pharmaciens s’imaginent déjà (à 60 %) utiliser leur iPad ou tablette Android dans les échanges avec leurs patients. Quant aux objets connectés, si les titulaires restent encore interrogatifs, voire observateurs (19 %), ils commencent à en percevoir l’intérêt et le bénéfice pour la santé de leurs patients (1 sur 2 en est persuadé, un chiffre d’ailleurs stable par rapport à l’an dernier). Un a priori de bon augure puisque, selon Xerfi, la valeur du marché des objets connectés pour la santé et la maison devrait croître de 50 % par an d’ici 2016 à 500 millions d’euros. Les appareils connectés d’automesure (balances, tensiomètres, thermomètres) devraient rester un marché de niche à forte croissance: « 10 % des dispositifs médicaux d’automesure seront connectés en 2016, contre moins de 5% en 2014 », prévoit Xerfi. Un marché pesant en valeur 12,5 millions d’euros.
Un niveau de confiance modéré pour la sécurité des données
Les résultats du baromètre attestent qu’en 2015 les pharmaciens connaissent de mieux en mieux le domaine. La profession a bien identifié que le marché n’était pas captif et que d’autres acteurs s’intéressaient fortement aux objets connectés, voire avaient préempté le terrain. En 2014, 23 % des titulaires interrogés désignaient les enseignes spécialisées. Ils sont cette année 48 %. Les efforts de visibilité déployés par ces détaillants porteraient-ils leurs fruits ?
Par ailleurs, quand on interroge les pharmaciens sur leur niveau de confiance global dans les objets, l’indécision n’a plus cours : ils ne sont que 3 % à déclarer « ne pas savoir », alors qu’ils étaient encore près de 30 % l’an dernier…
Des pharmaciens qui se posent les bonnes questions, notamment sur la sécurisation des données collectées. Ainsi 61 % des sondés déclarent avoir un niveau de confiance modéré voire négatif en la matière. Dans les colonnes du Moniteur (voir le dossier « La pharmacie connectée vue par les groupements » publié dans le n° 3079), Isabelle Adenot déclarait que se préoccuper de santé connectée était une excellente initiative en termes de suivi, d’éducation thérapeutique et de conseils aux patients. Pour autant, la présidente de l’Ordre des pharmaciens incite elle aussi ses confrères à « préserver la confiance qu’on leur accorde et sur laquelle repose leur valeur ajoutée à travers le respect du secret professionnel. [Les pharmaciens] se doivent d’être vigilants sur l’utilisation qui est faite des données de leurs patients et […] ne participer qu’à des démarches ou ne délivrer des produits qui présentent toutes les garanties dans ce domaine ».
Un point de vue qui semble faire consensus auprès des pharmaciens, puisque la perspective d’une évaluation des objets connectés par un organisme indépendant les rassurerait (60 %). Ce besoin de crédibilité est en nette hausse par rapport à 2014 (46 %). Une exigence à laquelle David Sainati, président de Medappcare, souscrit sans réserve: « L’évaluation et la labellisation des objets connectés sont une nécessité permettant de s’assurer que les produits et services proposés soient fiables et sûrs. Le pharmacien d’officine doit s’approprier ce nouveau marché en référençant des objets connectés à forte valeur ajoutée et sur lesquels la transparence autour de la collecte et de l’exploitation des données des patients est totale. »
(1) Etude « Les objets connectés, un marché de niche prometteur », mars 2014.
(2) Baromètre établi par Medappcare, avec Direct Medica et « Bien être et santé ».
Encore des freins à lever
80 % des titulaires se déclarent prêts à utiliser ces objets et les données de santé recueillies pour le suivi de leurs patients. Et ils ont parfaitement identifié deux atouts majeurs : l’amélioration de l’observance et le partage d’informations avec d’autres professionnels de santé. Encourageant à l’heure de la coordination des soins ! Encore trop rarement, les titulaires y voient aussi un atout en termes de fidélisation de leur patientèle (6 %).
La prise de conscience, c’est une chose, le passage à l’acte, c’en est une autre ! 87 % des professionnels interrogés déclarent tout bonnement ne pas avoir eu de demandes de clients. Pour une démarche proactive, on repassera ! Surprenant, le manque de formation sur les objets connectés n’est évoqué que par 4 % des pharmaciens. « On ne m’en propose pas » a aussi été l’un des arguments évoqués lors du recueil des réponses. De là à déduire que, dans un sens comme dans l’autre, proposer est la solution gagnante…
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