Héparines de bas poids moléculaire : indication, mécanisme d’action, effets indésirables…

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Héparines de bas poids moléculaire : indication, mécanisme d’action, effets indésirables…

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Publié le 27 avril 2025
Par Maïtena Teknetzian
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Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) se distinguent des héparines non fractionnées (HNF) par leur mode d’élimination, la moindre fréquence de survenue de thrombopénie immunoallergique ainsi que leur surveillance biologique. 

Mécanisme d’action

Inhibition indirecte du facteur Xa

Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) sont obtenues par dépolymérisation de l’héparine standard, également appelée héparine non fractionnée (HNF). Comme cette dernière, les HBPM sont préparées à partir de tissus d’origine animale.

Ces héparines fractionnées sont des molécules plus courtes que les HNF, de poids moléculaire environ trois fois inférieur.

Comme les HNF, elles inactivent la cascade de coagulation de façon indirecte : elles se lient à l’antithrombine (ou facteur III, anticoagulant) dont elles potentialisent l’action, ce qui a pour effet de neutraliser le facteur de coagulation Xa. En revanche, du fait de leur structure chimique, les HBPM ne sont pas assez longues pour que le complexe qu’elles forment avec l’antithrombine puisse aussi inactiver le facteur IIa (thrombine) : elles ont donc peu d’effet sur le facteur IIa contrairement aux HNF qui inhibent indirectement le Xa et le IIa.

Leur action est rapide, contrairement aux antivitamines K (AVK) qui sont sans effet sur les facteurs de la coagulation déjà déversés dans le sang. 

Les HBPM présentent une bonne corrélation entre la dose prise (adaptée au poids du patient) et la réponse au traitement, contrairement aux HNF dont l’efficacité, soumise à une grande variabilité inter et intra-individuelle, nécessite une surveillance quotidienne.

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Indications

Accidents thromboemboliques

Les HBPM sont indiquées en prophylaxie de la maladie thromboembolique veineuse et en traitement curatif de la thrombose veineuse profonde et de l’embolie pulmonaire. Elles sont également prescrites dans le syndrome coronarien aigu. Elle sont en outre utilisées dans la prévention d’un thrombus dans le circuit de circulation extracorporelle au cours de l’hémodialyse.  

Pharmacocinétique

Élimination rénale majoritaire

Absorption : la biodisponibilité orale des héparines est quasi nulle, ce qui impose une administration par injections par voie sous-cutanée, généralement, mais aussi intraveineuse. Comme avec tous les anticoagulants, les injections intramusculaires sont contre-indiquées.

Distribution : les HBPM ne passant pas la barrière placentaire, elles peuvent être utilisées chez la femme enceinte (mais un traitement par HBPM contre-indique une anesthésie péridurale au moment de l’accouchement). Elles ne diffusent pas dans le lait maternel, leur utilisation est compatible avec l’allaitement.

Métabolisme : les HBPM sont transformées au niveau du foie par désulfuration ou dépolymérisation en métabolites de plus petit poids moléculaire inactifs. Ce type de métabolisation, indépendant des cytochromes P450, explique qu’elles ne sont pas impliquées dans des interactions pharmacocinétiques.

Élimination : elle est majoritairement rénale. Leur demi-vie de 3 à 7 heures autorise des schémas d’administration en 1 à 2 injections par jour selon l’indication et la molécule.  

Effets indésirables

Hémorragie et thrombopénie

Comme tout anticoagulant, les HBPM peuvent être responsables d’hémorragies. Les accidents hémorragiques graves sont notamment observés chez les personnes âgées, les insuffisants rénaux, les sujets de très faible poids, ou en cas de traitement prolongé. Si besoin, le sulfate de protamine est indiqué comme antidote, mais il est moins efficace que lors d’un surdosage par HNF.

Les HBPM peuvent induire une thrombopénie. On distingue deux types de thrombopénie induite par héparine (TIH) :

– le type I, qui se traduit par une thrombopénie habituellement modérée (> 100 000 plaquettes/mm3) et précoce (survenant avant le 5e jour de traitement) ne nécessitant généralement pas l’arrêt du traitement ;

– le type II, moins fréquent avec les HBPM qu’avec les HNF, qui correspond à une thrombopénie immunoallergique apparaissant plus tardivement (généralement entre le 5e et le 21e jour de traitement).

Les TIH de type II sont sévères et s’accompagnent d’accidents ischémiques (formation d’anticorps résultant du mécanisme allergique ayant pour effet d’activer l’agrégation plaquettaire et de favoriser la survenue des thromboses artérielles ou veineuses). Un TIH de type II impose la suspension du traitement et contre-indique l’utilisation ultérieure d’une héparine.

Des réactions au site d’injection sont possibles, à type le plus souvent de nodules inflammatoires se résorbant spontanément en quelques jours, et plus rarement de nécroses cutanées, éventuellement précédées de purpura et nécessitant l’arrêt du traitement. Des cas de pustulose exanthématique aiguë généralisée ont été observés, imposant aussi l’arrêt. Un traitement prolongé peut être associé à un risque accru d’ostéoporose (dont le mécanisme de survenue est mal élucidé) et d’hyperkaliémie par diminution de sécrétion d’aldostérone, susceptible de survenir notamment chez les diabétiques et les insuffisants rénaux.  

Contre-indications

Antécédent de TIH immunoallergique

Comme tout anticoagulant, les héparines sont contre-indiquées en cas de saignement actif et de lésions ou maladies à risque hémorragique majeur (notamment accident vasculaire cérébral hémorragique récent, ulcère gastroduodénal, varices œsophagiennes). Elles sont contre-indiquées en cas d’antécédent de TIH d’origine immunoallergique.

L’usage de l’énoxaparine n’est pas recommandé chez l’insuffisant rénal terminal (clairance < 15 ml/min), celui de la tinzaparine en cas de clairance ≤ 20 ml/min et celui de la daltéparine et de la nadroparine en cas de clairance ≤ 30 ml/min. L’utilisation de l’énoxoparine et de la tinzaparine chez les insuffisants rénaux sévères requiert une adaptation posologique.

Principales interactions

Aspirine et AINS

Chez le patient de moins de 65 ans, l’association de doses curatives d’HBPM avec l’aspirine aux doses antalgiques, antipyrétiques ou anti-inflammatoires) ou avec les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) est déconseillée du fait d’une augmentation du risque hémorragique. Chez le patient de plus de 65 ans, ces associations sont déconseillées quelle que soit la dose d’HBPM.

L’association avec les anticoagulants oraux directs est contre-indiquée (il ne doit pas y avoir de chevauchement des prises).

L’association avec les médicaments hyperkaliémiants (sels de potassium, diurétiques hyperkaliémiants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II, ciclosporine, tacrolimus, triméthoprime) nécessite une surveillance renforcée de l’ionogramme sanguin.

Surveillance

Activité anti-Xa

Avant l’instauration : la fonction rénale doit être évaluée pour s’assurer de l’éligibilité du patient.

Efficacité : l’activité anti-Xa, qui permet de détecter une accumulation d’héparine, doit être mesurée lors d’utilisation de doses curatives et chez certains patients à risque de surdosage comme les insuffisants rénaux modérés et légers, les sujets âgés, les patients de faible poids, les enfants.

À noter que, du fait de leur très faible effet inhibiteur sur le facteur IIa, contrairement aux HNF, les HBPM allongent peu le temps de céphaline activée (ou TCA, paramètre permettant d’explorer la voie de coagulation intrinsèque via les facteurs II, V, VIII, IX et X). À des doses élevées, des élévations de TCA peuvent néanmoins s’observer, mais elles ne sont pas corrélées de façon linéaire avec une augmentation d’effet anticoagulant. Le TCA n’est donc pas utilisé pour contrôler l’efficacité d’une HBPM.   

Tolérance : dans un contexte chirurgical ou traumatique, du fait d’une incidence des TIH plus élevée, il est recommandé de réaliser une numération plaquettaire avant l’initiation de l’HBPM, puis 2 fois par semaine pendant un mois, et de façon hebdomadaire jusqu’à l’arrêt.

En dehors de ce contexte, la surveillance plaquettaire n’est pas systématique mais s’impose en cas de signes cliniques de TIH (manifestations anaphylactiques, signes thromboemboliques, lésions cutanées douloureuses au site d’injection) et chez les personnes à risque de TIH (antécédent d’exposition récente aux HBPM ou aux HNF, cancer).

Kaliémie : elle sera surveillée en cas de diabète, d’insuffisance rénale, d’acidose métabolique préexistante, d’associations avec des médicaments hyperkaliémiants.

Sources : « Anticoagulants par voie injectable », pharmacomedicale.org ; « Médicaments anticoagulants par inhibition de l’activité de facteurs procoagulants », pharmacorama.com ; « Les anticoagulants en France en 2014 : état des lieux, synthèse et surveillance », Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), 2014 ; « Héparine calcique en seringue préremplie : tensions d’approvisionnement et arrêt de commercialisation », ANSM, février 2025 ; base de données publique des médicaments ; thésaurus des interactions médicamenteuses de l’ANSM, juin 2024.